Le Menu est la petite surprise de ce mois de novembre, produite par Searchlight Studios. Un film de genre lorgnant vers le thriller et la satire du monde gastronomique, portée par un bon casting et un humour noir des plus réjouissants.
Mark Mylod a une carrière relativement atypique. S’étant fait connaître avec le turbo-débile Ali G pour Sacha Baron Cohen, le bougre a par la suite bifurqué vers le monde de la TV, en réalisant plusieurs épisodes de Shameless et Succession notamment. Le voilà de retour pour un film relativement atypique, dont le high-concept n’est finalement pas si éloigné d’une certaine vague de films d’épouvante puisant dans nos fractures sociales (Get Out en étant le fer de lance).
Les scénaristes Will Tracy et Seth Weiss ont imaginé Le Menu de manière simple : après un voyage en Norvège, où le premier a débarqué dans un restaurant chic sur une île isolée. Dans ce décor singulier, le scénariste s’est demandé ce qu’il pourrait arriver de mal s’il restait coincé là plusieurs heures, après que le bateau soit parti. Un point de départ qui sera finalement le canevas de base du film.
Le Menu débute alors qu’un couple composé de Margot (Anya Taylor-Joy) et Tyler (Nicholas Hoult) embarquent sur un bateau à destination de la petite île d’Hawthorne. En effet, ils sont une douzaine de personnalités à être conviées ce soir là pour un repas au restaurant du grand chef Julian Slowik (Ralph Fiennes). Parmi les invités, on trouve une grande critique culinaire et son éditeur, trois amis trempant dans la même entreprise qui finance Slowik, un acteur dont la célébrité est de plus en plus précaire accompagné de sa secrétaire, et enfin un couple bourgeois habitué du fameux restaurant.
Top Chef : gastronomie mortelle
Il est difficile de pleinement aborder Le Menu sans spoiler, mais un des plaisirs de visionnage est de découvrir jusqu’où ira l’intrigue sans s’être gâché le contenu de ce qui est proposé à la carte ! En effet, tel les personnages piégés, nous sommes invités à découvrir un repas gastronomique dont les divers plats thématiques se révèlent au fur et à mesure, avec à chaque fois des conséquences ou des révélations sur les fameux personnages (comme dans un whoddunit en somme).
Le film va toujours plus loin avec un plaisir bien communicatif et un tempo comique réussi. De plus, Le Menu se veut soigné visuellement : outre une direction artistique Ikea-like amenant une certaine froideur sans aspect aspect ostentatoire, la photographie de Peter Deming (Twin Peaks The Return, Mulholland Drive) met autant en valeur la scénographie que les divers plats concoctés de manière esthétique.
L’autre force du film tient dans son casting. Chez les personnages secondaires, John Leguizamo (When They See Us) et Hong Chau (Watchmen) tirent leur épingle du jeu, respectivement en vrai comic relief et en tenancière à l’aspect frigide prononcé. Mais les vraies stars de ce réjouissant Menu sont Anya Taylor-Joy (Last Night in Soho, The Northman) et Ralph Fiennes (Harry Potter et les Reliques de la Mort, The King’s Man). On ne présente plus la première, qui nous livre encore une fois une performance de haute tenue dans un personnage proactif et à l’insolence salutaire. Une protagoniste sous forme d’élément perturbateur comme on les aime donc !
What are you ? A stupid sandwich !
Concernant le second, il est totalement jubilatoire de voir Fiennes jouer un personnage que l’on adore détester. Loin d’être une caricature à la Gordon Ramsay (ou Philippe Etchebest si vous préférez), Slowik a plus affaire au gourou et au chef cuistot passionné que du mastermind cliché de film d’horreur. De plus, ses agissements et motivations trouvent une raisonnance particulièrement pertinente et toujours justifiée, renvoyant le reste des personnages à leur propre nature ! Ce qui nous amènera à la principale limite du film.
Le Menu est en effet une satire caustique sur le monde de la gastronomie de haut standing, n »hésitant pas à taper sur la bourgeoisie comme il faut (on est pas si éloigné d’une certaine Palme d’Or à ce propos). Et si le script en grossit les traits dans une optique plus ludique, sa finalité se veut plutôt classique, tout en incorporant le sacro-saint cheeseburger dans l’équation, comme rappel nécessaire et absolu du modèle américain dans l’équation.
Un certain manque de finesse sur son dernier segment qui n’handicape aucunement les velléités purement jouissives de ce repas on ne peut plus délectable, que l’on savoure avec un grand plaisir !
Le Menu sortira au cinéma le 23 novembre 2022
avis
Avec Le Menu, Mark Mylod accouche d'une réjouissante comédie noire doublée d'une satire sociale certes un peu facile, mais jubilatoire. Une vraie bonne surprise, portée par un casting de talent.