Notre chouchou télévisuel, Taylor Sheridan, revient avec une nouvelle série pour Paramount, Landman, sorte de best-off des préoccupations du bonhomme pour un résultat bien texan comme on aime mais aux questionnements étranges…
En parallèle de ses relations familiales dysfonctionnelles, Tommy Norris gère les crises sur le terrain (accidents, corruption etc) de la compagnie M.Tex Oil, une multinationale texane de production et de fourniture d’hydrocarbures. Poule aux œufs d’or de Paramount, Taylor Sheridan accouche d’une nouvelle production sérielle avec Landman en faisant cohabiter à la fois un casting dingue et tous ses intérêts devant l’écran, soit le grand Ouest sauvage (même contemporain), les affrontements virils et une lutte des classes, synthétisée ici à sa plus extrême analogie. En bref, du Sheridan pur jus qui décoiffe et dont on raffole, même si le show n’est (pour le moment) pas exempt de défauts.
Showrunnée, produite et scénarisée par Taylor Sheridan himself, la série Landman est co-créée avec Christian Wallace et adapté d’après un podcast de ce dernier, sobrement intitulé Boomtown. Un podcast diffusé en 2021 et prenant la forme d’une docu-fiction s’appuyant sur l’extraction et la production de pétrole dans le Bassin permien (au sud-ouest du Texas), l’un des gisements de matières fossiles le plus important au monde, notamment via son importance économique et stratégique puisqu’il se situe sur le territoire de l’Oncle Sam. C’est ce postulat que développe la série, pour proposer un néo-western bien burné, cramé par l’immuable soleil texan et illustré par de magnifiques paysages désertiques.
Western engagé
Si Lioness reprend les codes de Sicario ou que Yellowstone rejoint ceux de Wind River et de Comancheria, Landman pioche un peu partout et notamment dans la fascination de Sheridan pour la pyrotechnie et les combattants ignifugés de Those Who Wish me Dead (le film assez décevant avec Angelina Jolie en pompière parachutiste) pour nous offrir un condensé de ce qui fascine ce cowboy d’Hollywood. On oscille donc ici et là entre le show de gangster, de guerre, de drame familial, de thriller géopolitique ou tout simplement de western, mais dans un monde financier dominé par les énergies fossiles.
L’occasion pour ces cowboys actuels de se retrouver au milieu de multimilliardaires en costume pour imager, pas de la plus fine des manières, la lutte des classes inhérentes dans cette petite partie du Texas où la précarité des banlieues résidentielles cohabite -sur des sites d’exploitations de gisements de pétrole, de gaz et de potassium- avec les villas des actionnaires des compagnies pétrolières. Un choc imagé par la famille de Tommy, avec notamment sa fille (jouée par Michelle Randolph), superficielle et pourrie-gâtée et son fils (joué par Jaco Lofland), attachant et travailleur au sein même des « oil rigs » gérés par le paternel.
Puisqu’on commence à parler des acteurs, autant évoquer le reste du casting 5 étoiles qui se réunit dans Landman. En tête de liste, Billy Bob Thornton, parfaitement à l’aise en crisis-manager désabusé dans ses santiags pour gérer les mauvais bails entre les compagnies pétrolières et les cartels ou les forces de polices locales. Ali Larter joue son ex-femme aguichante et légèrement frappée du bocal, Jon Hamm interprète son big boss et multimilliardaire tandis que Demi Moore incarne la femme de ce dernier. Sinon on retrouve évidemment les copains de Sheridan, dont James Jordan ou le délicat Colm Feore ainsi que des caméos de Michael Peña ou Emilio Rivera. Du beau monde donc pour une série musclée, viriliste (90% des rôles féminins se résument à leur sexualisation) mais paradoxalement un peu « procrastinante« .
En effet, sous couvert de montrer la dangerosité de l’extraction du pétrole des gisements géologiques dans des séquences très graphiques et à la mise en scène impeccable, en magnifiant ces structures mécaniques géométriques à contre-jour dans des environnements immaculés, Landman montre des personnages qui ne font pas grand-chose. S’ils courent partout pour gérer des situations de crises sur le terrain, en développant un propos sur l’utilisation des moyens de transport des compagnies pétrolières par les cartels mexicains, ou lorsque les « roughnecks » (les travailleurs des plateformes, rompus au dur labeur physique) se filent des pains dans la tronche pour se réveiller, tous ces gens semblent pourtant faire du surplace et passer le plus clair de leur temps au téléphone. Au centre du récit et quasiment omniprésent à l’image, le smartphone des protagonistes sert d’intermédiaire avec le spectateur, nous offrant des facetime ou des échanges en montage alterné pour un effet très cheap, même s’il est surtout utilisé pour montrer l’isolement de ces travailleurs, perdus au milieu du Texas. Mouaif.
Climato presque sceptique
A ce titre, la plus belle force de Landman (on a vu 5 épisodes) est de mettre l’accent sur la solidarité des « roughnecks » et notamment des communautés qui travaillent à l’extraction du pétrole, sans oublier d’illustrer les minorités oubliées par les décisionnaires, ici les ouvriers d’Amérique latine. Le campement des travailleurs, aux jobs si précaires vu les risques du métier, offre un vivier de petits rôles intéressants et de secondes intrigues qui permettent de retrouver ce qui anime initialement Sheridan, à savoir le néo-western focalisé sur ses personnages, des travailleurs (souvent émigrés) à l’ombre de magnats financiers, dans une intrigue ultra simple. C’est discutable et souvent cliché, mais le bonhomme sait y faire et le fait est que Landman demeure un exemple frappant de la réussite d’un high-concept aussi inattendu, même si le fond pose quelques questions…
Ainsi, pour un show sur la production de matières fossiles, le discours désabusé du protagoniste sur l’omniprésence des hydrocarbures dans la société permet d’enfoncer quelques portes ouvertes bienvenues sur le point de vue climatosceptique des US alors que le réchauffement climatique terrifie la planète. A cheval entre lanceur d’alerte ou discours alarmant d’une Amérique conservatrice, le propos de Taylor Sheridan et de Christian Wallace trouve ici une autre paradoxalité, celle de dénoncer ces multinationales ultra polluantes alors même qu’il démontre l’impossibilité de changer de source énergétique. Un refus d’évolution, de changement, qui renvoi inévitablement aux thèmes habituels de Sheridan, fervent défenseur d’un western sauvage et fier de ses traditions ancestrales. Paradoxal on vous disait.
Sous ses airs de country (intra)diégétiques et nostalgiques, la série Landman est une nouvelle réussite de Taylor Sheridan, même si le show ressemble pourtant au plus paresseux des produits télévisuels du cowboy. Un ovni percutant mais cependant tendancieux où le propos engagé et nécessaire parait néanmoins engoncé dans un aspect terriblement conservateur. A suivre donc.
La saison 1 de Landman est diffusée sur Paramount+ depuis le 17 novembre.
Avis
Nouvelle réussite coup-de-poing de Taylor Sheridan, la série Landman propose le meilleur de ce que sait faire le cowboy, tout en développant pour l'instant des questionnements climatosceptiques assez curieux...