Après de mauvaises adaptations par le passé, Donjons & Dragons revient au cinéma dans une nouvelle itération, portée par les réalisateurs de Game Night. Le célèbre jeu de plateau qui a popularisé l’heroic fantasy retrouve ses lettres de noblesse, dans une aventure dépaysante riche en réjouissances !
Donjons & Dragons ! Si Stranger Things a remis ce nom sur le devant de la scène, difficile de résumer l’aura du fameux jeu de plateau à sa dimension nostalgique lointaine, tant D&D aura su populariser l’heroic fantasy dans l’inconscient collectif. Au même titre que le Seigneur des Anneaux, la création de Gygax et Arneson peut être vu comme la mamelle du genre, autant que l’œuvre génitrice de tout un pan du jeu de rôle.
Ayant subi plusieurs déclinaisons par la suite (avec autant d’univers propres), Donjons & Dragons reste aujourd’hui bien connu par son univers dénommé « Les Royaumes Oubliés ». En effet, ces derniers ont même conquis les cimes du jeu vidéo via les célèbres Baldur’s Gate ou encore Neverwinter Nights, imposant un peu plus la franchise comme le plus grand représentant des univers rôlistes (aux côtés d’un certain World of Warcraft).
Après des tentatives d’adaptations au goût de fosse septique, Paramount remet le couvert avec Donjons & Dragons – l’Honneur des Dragons. Mais point de malédiction cette fois, via la volonté d’une adaptation à la fois fidèle, mais surtout incarnée. Et cela tombe bien, derrière le scénario on retrouve notamment Chris McKay (Lego Batman), et le duo Jonathan Goldtsein-John Francis Daley (également à la réalisation.). Déjà derrière les scénarios de Comment tuer son Boss ?, The Incredible Burt Wonderstone mais surtout papas de la réjouissante comédie Game Night.
Bienvenue dans les Royaumes Oubliés
Donjons & Dragons – l’Honneur des Voleurs nous emmène donc sur la planète Abeir-Toril, au sein du continent de Féerune : un univers médiéval fantastique peuplé de divers races, et gouverné par la magie. Nous découvrons donc Edgin (Chris Pine), un barde envoyé en prison suite à un casse ayant mal tourné. Désireux de retrouver sa fille et une mystérieuse amulette censée faire revenir à la vie sa défunte femme, ce dernier va s’évader en compagnie de son acolyte Holga (Michelle Rodriguez), une barbare exclue de son clan.
Mais alors qu’il rejoint la cité de Padhiver (Neverwinter pour les intimes), le duo va se rendre compte qu’ils ont été trahi par leur ancien associé, Forge Fletcher (Hugh Grant). Contraints à l’exil, nos héros vont devoir former un groupe de voleurs, avec Simon le sorcier (Justice Smith), Doric la druide (Sophia Lillis) et Xenk le paladin (Regé Jean-Page) dans le but de retrouver une relique mythique. Un plan à priori sans accroc, tandis qu’une légion de mages noirs venus Outre-monde menace l’ensemble du royaume.
Tout comme un certain James Gunn, l’équipe créative est constituée de geeks qui comprennent les références qu’ils abordent, tout en sachant les détourner sans approche cynique destinée à les rabaisser. Et c’est dans cette optique que Donjons & Dragons – l’Honneur des Voleurs se révèle être une aventure bien réjouissante, en plaçant cette équipe de misfits attachants face à un danger plus grand. Une optique qui rappelle par ailleurs les Gardiens de la Galaxie, via un savant mélange d’humour et de péripéties rocambolesques, sans jamais détourner des enjeux dramatiques.
Les Gardiens de la Fantasy
Bien sûr, la comparaison avec Marvel s’arrête là, tant ce Donjons & Dragons a sa singularité propre, et une générosité plutôt galvanisante. Ainsi, le métrage comporte bon nombre d’idées tout au long de ses 2h, aussi bien conceptuelles que scénographiques. Malgré parfois un aspect « cosplay » de certains costumes (rien de rédhibitoire car finalement raccord avec l’imaginaire rôliste de la franchise), l’univers regorge de créatures, races et autres practical effects, jusque dans les décors variés. Tour-prison dans une lande arctique, plaines similaires à la Comté, glaciers, forêts enchantées, cité côtière, arène d’inspiration gréco-romaine, donjons de lave…
Cela fourmille de détails, avec certes quelques CGI quelques fois plus voyants, mais avec une vraie cohérence visuelle globale. Rien qui ne dénote particulièrement dans cet univers enchanté donc, où chaque personnage se veut réussi. Du barde jovial ayant tout perdu se battant avec son luth, la barbare badass à l’aise pour trucider des armées, le sorcier qui n’est pas à la hauteur de sa lignée, la druide tieffeline qui hait les humains ou bien le paladin toujours solennel, tout le casting est bien utilisé (jusque chez un Hugh Grant cabotin qu’on aime détester).
On retiendra particulièrement Chris Pine (toujours à l’aise dans les rôles de losers magnifiques), Michelle Rodriguez (encore plus à l’aise pour distribuer des pains) et Regé Jean-Page, qui embrasse son rôle de samaritain avec un sérieux offrant un contraste souvent tordant avec ses congénères. Mais c’est dans les fêlures et imperfections de cette troupe que Donjons & Dragons – l’Honneur des voleurs réussit sa cohésion, où la camaraderie et l’absence de renoncement permet de triompher face à l’adversité.
Bref, dans le fond rien de neuf, mais des messages classiques et respectueux de l’heroic fantasy, derrière le vernis post-moderne jouant avec malice des codes du genre. Tout ceci concourt au fait qu’on se retrouve devant une incarnation bien documentée du jeu de plateau avec tous ses codes (passages secrets, reliques McGuffin, créatures fantastiques, incantations aux règles loufoques…) que le film a plaisir à embrasser pour laisser l’humour éclore naturellement sans forceps.
Costumes, magie, Donjons & Dragons
Dans la forme par contre, on déplorera une photographie relativement quelconque, heureusement contre-balancée par la production design (et ses décors naturels), et les idées de mise en scène des réalisateurs. Outre un passage typique de Donjons & Dragons (une fuite face à un dragon obèse émulant les jeux vidéos de plate-forme), on retiendra particulièrement une exfiltration en plan-séquence total, d’une salle de coffre du palais jusqu’à l’extérieur de la ville, tout en suivant les métamorphoses en divers animaux de la druide changeline. Même les scènes d’action sont fluides, bien chorégraphiées et lisibles : le ludisme avant tout !
On pardonnera donc quelques écueils, comme une première partie très didactique (pour l’exposition et le world-building) avec quelques deux ex machinas. Toujours est-il que ce Donjons & Dragons – l’Honneur des Voleurs s’en tire… avec les honneurs ! Truffé de références (la Porte de Baldur est citée), fun, rythmé, porté par une BO entraînante de Lorne Balfe (His Dark Materials) jouant de la cornemuse et des chœurs, renouvelant d’idées et proposant pour le coup un réel univers de fantasy aux créatures foisonnantes (bien plus qu’un Rings of Power ou House of the Dragon), on tient la bonne surprise de ce début 2023 !
Donjons & Dragons – l’Honneur des Voleurs sortira au cinéma le 12 avril 2023
avis
Donjons & Dragons - l'Honneur des Voleurs est un bien beau divertissement qui fait honneur à l'imaginaire rôliste du célèbre jeu de plateau, tout en revisitant les codes de l'heroic fantasy pour mieux en faire ressortir le ludisme prononcé. Une aventure réjouissante à plus d'un titre qu'il serait dommage de bouder !