Alors qu’on désespère toujours de voir une quatrième saison pour Hannibal, CBS propose un palliatif plutôt intéressant intitulé sobrement Clarice.
Traumatisée par sa rencontre macabre avec Buffalo Bill, Clarice Starling est chargée par l’ancienne sénatrice Martin d’enquêter sur de nouveaux meurtres similaires. Toujours à même de lever toute zone d’ombre de personnages iconiques, la télévision s’attaque cette fois à ceux de Thomas Harris, en donnant son heure de gloire à la confidente du Docteur Lecter, Clarice.
Diffusée sur CBS outre-Atlantique et sur Salto chez nous (cocorico), la série créée par Jenny Lumet et Alex Kurtzman se place en directe suite du Silence des Agneaux. Pourtant, exit le génial psychiatre cannibale puisque les droits du personnage ainsi que ceux de Will Graham ou de Jack Crawford appartiennent à la maison de production de Dino de Laurentiis tandis que MGM possède ceux de Clarice Starling. Une aubaine qui permet au show de ne pas marcher sur les platebandes des films ni de la série de NBC avec Mads Mikkelsen et d’offrir à la jeune agent sa propre aventure.
Hello, Clarice !
Pourtant, si l’héroïne occupe ici une place centrale et tente seule d’affronter les traumatismes du passé, les références à son illustre admirateur ne cessent d’apposer l’empreinte de Hannibal Lecter sur cette nouvelle série. Cauchemars et visions des sphinx à tête de mort (les papillons) la tourmentent, jusque dans ses souvenirs du sauvetage de Catherine Martin qui résonnent autant comme une victoire qu’une cicatrice indélébile. Ainsi les images du film de Jonathan Demme et plus particulièrement les passages avec Ted Levine en Buffalo Bill sont astucieusement réutilisés, refilmés pour l’occasion ou simplement détournés, pour ancrer cette nouvelle mouture télévisuelle comme la digne héritière du film oscarisé.
De même, la caméra de Maja Vrvilo propose assez subtilement un héritage directement affilié à la série de Bryan Fuller où les close-ups et ralentis donnent à l’image une allure poisseuse, presque onirique. Une façon d’associer Clarice à un univers apprécié des fans, violent et désaturé, en parfaite adéquation avec la reconstitution des années 80. Surtout qu’à cette photographie dégoulinante et référencée, la série policière s’offre de beaux morceaux de réalisation, loin des canons du genre.
Pourtant, si les champs-contre champs sont gentiment abandonnés pour offrir au personnage principal de plus amples latitudes visuelles, Clarice souffre évidemment des scories des séries procédurales. On évite le format bouclé, dieu merci, mais l’enquêtrice se voit attribuer une équipe de personnages secondaires hétéroclites du chef froid mais respectable (superbe Abraham de The Walking Dead), au militaire sensible ainsi qu’à la colocataire et amie de longue date pour les épanchements émotionnels de notre protagoniste. Une intrigue feuilletonnante nous emporte sur la corruption et les expérimentations médicales et mettent notre héroïne seule face contre tous, toujours sujette à de plus en plus de traumas.
Force est de constater que Clarice s’offre un pilote réussi. Extrêmement dense pour ses 40 minutes, ce premier épisode place efficacement les bases d’un thriller pertinent, de la séance du psy à la découverte du premier cadavre en passant par les premières intuitions d’une enquêtrice prometteuse. A ce titre, on salue la performance toute en nuance de Rebecca Breeds en Clarice Starling avec son accent du sud parfaitement similaire à celui de Jodie Foster dans Le Silence des Agneaux. On la voit également porter des vêtements trop grands pour elle, comme Jodie Foster, avant de se payer des scènes d’action dans les pas directs de Julianne Moore. Face à une hiérarchie et un monde patriarcal, surtout dans les années 80, la petite Clarice Starling se fraye son propre chemin, et c’est ça qu’on veut.