Gros carton de cette fin d’année, Wicked adapte la comédie musicale culte dérivée du Magicien d’Oz. Une Partie 1 étonnamment enchanteresse et emplie de légèreté, avant tout porté par un duo Cynthia Erivo-Ariana Grande incandescent !
Wicked n’évoque peut être pas grand chose dans l’Hexagone, pourtant il s’agit à la base d’une des comédies musicales les plus célébrées à Broadway (aux côtés de Cats, Le Roi Lion, Hamilton ou Les Misérables) depuis maintenant 20 ans. Pourtant, il faut remonter près d’un siècle plus tôt avec Le Magicien d’Oz pour en comprendre les racines créatives.
Oz-rigines
En effet, le roman de L. Frank Baum adapté par Victor Fleming (Autant en emporte le vent) aura accouché d’un classique du film fantastique, de la comédie musicale… et du cinéma tout court notamment via son utilisation novatrice du Technicolor en 1939 ! Le périple fantasmagorique de la jeune Dorothy, du Texas au pays d’Oz, aura durablement marqué les esprits anglo-saxons, au point que son récit de lutte du bien contre le mal fait complètement parti du folklore et des esprits contemporains.
Cela tombe bien, car dans cette lutte binaire entre la méchante sorcière verte de l’Ouest (Elphaba) et la bonne sorcière du Sud (Glinda) est l’impulsion première derrière la création de Wicked en 2003 par Stephen Schwartz & Winnie Holzman. En effet, tandis que le Magicien d’Oz s’articule telle une fable centrée sur un personnage humain faisant plusieurs rencontres, Wicked se veut comme une préquelle puis un récit parallèle avant tout centré sur les sorcières du monde d’Oz.
Outre les liens cinématographiques forts qu’entretient cet univers aux routes de briques jaunes, il paraissait complètement cohérent que Wicked soit à son tour adapté pour le grand écran, dans le but d’y développer son univers visuel, et le lier au film de 1939 ! C’est donc à Jon M. Chu (le sympathique In The Heights ou bien bien le pas bon G.I. Joe Conspiration) que revient la tache de réinvestir le Pays d’Oz.
Ma meilleure ennemie
Après une introduction en hommage direct au film de Fleming (reprenant à l’identique la direction artistique originale telle une Madeleine de Proust), la narration de Wicked s’intéressera donc à la relation rivale (puis amicale) entre Elphaba Thropp (Cynthia Erivo) et Galinda Upland (Ariana Grande). La première est née d’une relation adultère l’ayant affublée d’une couleur de peau verte à la naissance, et la seconde est une fille blonde pétillante de bonne famille à qui tout réussit.
Alors que Galinda se veut l’élève la plus populaire de l’Université Shiz malgré des talents discutables, c’est Elphaba qui va taper dans l’œil de la directrice Mme Morrible (Michelle Yeoh) via d’étonnants dons de magie. Tandis que chacune des 2 protagonistes va progressivement découvrir leur destinée, le Magicien d’Oz (Jeff Goldblum) cherche la plus douée de toutes pour l’assister dans un projet censé sauver le monde.
Rapidement, cette adaptation de Wicked nous entraîne dans l’univers d’Oz avec un respect total du matériau de base, avant de créer sa propre iconographie. Le budget de 150 millions de dollars transpire à chaque scène, permettant non seulement une fabrication de décors practical signés Nathan Crowley (Interstellar, First Man, Wonka). La Cité d’Émeraude ou Shiz se veulent ainsi de vrais lieux palpables (contrairement au film de Raimi) où magie et ancrage réalistes se mêlent sans questionnement, mais aussi propices à proposer une scénographie ample pour chaque numéro musical.
Wicked : énergie musicale communicative
Et à ce titre c’est un vrai bonheur de retrouver les morceaux cultes de Wicked, du triomphal « No One Moruns the Wicked » à l’émotionnel « Defying the Gravity » en passant par le fun « What is this Feeling ?« . De plus, Jon Chu use de son passif dans le genre (les vrais cinéphiles savent qu’on lui doit Sexy Dance 3D après tout) pour proposer des séquences ne lésinant pas sur l’usage de figurants dansants (même rayons costumes c’est globalement du sans-faute) afin d’occuper l’espace sans dévier du réel focus de Wicked : ses personnages !
Car là est la réelle charpente du film : Cynthia Erivo et Ariana Grande campent de parfaites Elphaba et Glinda (Menzel et Chenoweth seraient fières, caméo ou non à l’appui…). Cette dernière use à la fois de son stardom pour incarner une peste hautaine que l’on aime déprécier initialement (et rayonne de son talent régulièrement notamment dans sa version étincelante de « Popular« ), tandis qu’Erivo montre encore une fois qu’elle est une artiste complète, captant chaque nuance d’une individue cassée par la vie et dont les rêves sont toujours contrariés par le regard des autres.
La vraie performance du film donc, jusque dans son final doux-amer concluant la moitié du récit. Pourtant, le cast secondaire n’est pas en reste, en particulier un Jonathan Bailey absolument irrésistible en caricature de prince faussement charmant. Un monde magique soigné, un rythme global maîtrisé malgré les 2h40, un casting polyvalent qui brille, une BO enchanteresse signée le sous-estimé John Powell (Dragons)… avons-nous définitivement quitté le Texas ?
Où est le Technicolor ?
Tout n’est pas parfait ceci dit dans Wicked, en particulier la facture visuelle de sa photographie délavant régulièrement le caractère éclatant du monde d’Oz : pourquoi donc n’avoir pas rendu hommage au Technicolor ou aux changements de ratio ? Un aspect fâcheux qui rend parfois fade certains panoramas ou autres plans d’ensemble malgré le foisonnement ambiant. Enfin, quelques VFX de créatures parlantes nous ramènent à la facture fictive de l’univers, malgré le soin affiché en terme de production design.
Malgré tout, on oublie allègrement ces errements devant ce Wicked résolument sincère, parvenant à proposer un regard bienveillant et nuancé sur les sorcières d’Oz (la scène centrale du bal n’aura pas fini de faire parler d’elle, parvenant à véhiculer son message et son développement de personnages sans un seul mot), ainsi qu’un vrai jeu de perspectives décuplant la mythologie du Magicien d’Oz. Un préquel appliqué autant qu’une extension d’univers pertinente, s’incarnant avant tout comme une transposition réussie de la comédie musicale culte. On attend la suite !
Wicked sortira au cinéma le 4 décembre 2024
avis
On y croyait pas forcément, et pourtant Wicked adapte avec sincérité et respect la comédie musicale culte dérivée du Magicien d'Oz. En résulte un préquel étendant la mythologie du récit original, parfaitement compréhensible pour les néophytes, et bénéficiant d'une fabrication ample faisant la part belle à l'artisanat. Malgré une photographie souvent terne, on se retrouve transporté durant 2h40 magiques et énergiques via des séquences musicales inspirées, et un duo Cynthia Erivo-Ariana Grande absolument incandescent. Effectivement, we're not in Kansas anymore !