Après Krisha et It Comes at Night, Trey Edward Shults revient chez A24 pour un film plus personnel. Waves se veut être une chronique familiale à la structure singulière. Autant le dire tout de suite, c’est une nouvelle réussite du studio !
Waves commence telle une coming-of-age story. A l’instar de 90’s, autre production A24, le métrage nous invite au plus près d’une vie adolescente en pleine mutation. Mais contrairement aux attentes, Trey Edward Shults scinde son récit en 2, inspiré par le travail de Wong Kar-wai sur Chungkin Express. Telle une vague donc, on assistera avec Waves à une histoire faite de hauts et de bas, avec 2 énergies bien distinctes.
On suit dans un premier temps Trey (joué par un Kelvin Harrison Jr confirmant une fois de plus son talent après It Comes at Night), ado au comportement plutôt sanguin, toujours poussé plus loin par son père (un Sterling K. Brown excellent). Désireux d’être un sportif de haut niveau mais également écrasé par un modèle paternel imposé, cette première partie nous immerge dans une anxiété adolescente palpable. Son duo avec Alexa Demie apporte par ailleurs une des grandes forces du film, plein d’authenticité.
Quand à sa sœur Emily (la révélation Taylor Russell), c’est une ado plus réservée et sensible, qui découvrira également son premier amour (un Lucas Hedges qui fait toujours office de valeur sûre) dans une seconde partie à l’énergie plus lancinante et moins électrique. En prenant ces 2 points de vue à tour de rôle, le réalisateur dresse une chronique familiale orchestrée comme une symphonie.
Waves nous balade constamment via de multiples émotions, et si le risque d’avoir un récit balisé est là, Trey Edwards Shults court-circuite tout cela via une maîtrise dingue de sa narration et sa mise en scène. L’influence à la Malick sur Tree of Life n’est pas loin ! C’est simple, le plaisir pour les yeux est immédiat. La fluidité des mouvements de caméra est par ailleurs sublimée par la photographie magnifique et colorée de Drew Daniels (Euphoria).
Et cela tombe bien, car à l’image de la série HBO, on y suivra donc 2 ados perdus, dans 2 histoires d’amour aux issues distinctes, tentant de naviguer entre leurs émotions ou les pressions extérieures. Des thématiques communes avec une grammaire visuelle similaire. Et l’arrivée d’un drame terrible en milieu de film changera le point de vue, amenant une vraie résurrection en 2e partie. Si justement cette dernière sera peut-être moins forte et marquante, Waves reste un film d’une sincérité, d’une force et d’une tendresse rare.
Un récit plein de grâce
Abordant à la fois des sujets complexes tels que la famille, l’avortement, la culpabilité ou le pardon, le réalisateur use de tous les outils à sa disposition. Que ce soient des explosions de couleur et de mouvements variés, le format de l’image (comme dans un Mommy de Dolan) ou le son, Waves s’attaque littéralement à nos sens pour véhiculer ses émotions.
A ce titre, citons une OST atmosphérique par Trent Reznor & Atticus Ross (Watchmen , Mid 90’s), comme toujours d’excellent acabit. Trey Edward Shults avait par ailleurs une idée précise des sons qu’il voulait pour la soundtrack de Waves. La playlist, allant de Frank Ocean à Tame Impala en passant par SZA, amène un réel spleen existentiel, où les paroles sont en lien avec les évènements et émotions du film. Preuve de plus que Waves est une œuvre à la composition exemplaire.
Ne perdant jamais de vue ses personnages et le cœur émotionnel de son récit, Trey Edward Shults livre un film souvent puissant ! On regrettera peut-être une seconde partie un peu plus programmatique s’attardant un peu trop sur un personnage secondaire, mais là encore le réalisateur use de foreshadowing à la signification précise, sans jamais dévier de ce qu’il souhaite raconter.
Un casting excellent, une réalisation aux petits oignons…Waves est une nouvelle très bonne pioche de A24. Si l’issue du voyage pourra être attendue, le voyage en vaut la peine, nous proposant 2 tranches de vie capturant des sentiments complexes, avec une grâce admirable !