Quand Jake Gyllenhaal et Netflix nous offrent un remake d’un film danois claustrophobe, on ne pouvait que décrocher ! Preuve en est, The Guilty est efficace même si un peu prévisible par instants.
Un officier de police muté dans le centre d’appel du 911 à Los Angeles n’a que son téléphone pour essayer d’aider une femme kidnappée. Rachetés par Jake Gyllenhaal, les droits du thriller danois Den Skyldige permettent à l’acteur américain de se replonger avec The Guilty dans un rôle psychologique devant la caméra d’Antoine Fuqua, cette fois pour Netflix. Un projet alléchant donc !
Réécrit par l’auteur de la série à succès (et à juste titre) de True Detective, Nic Pizzolatto, The Guilty se veut donc de ce genre de films à high concept dont la couverture a tout pour nous séduire. Un casting de fou, on y reviendra, une musique omniprésente et en parfaite adéquation avec la réalisation savoureuse d’un huis-clos énervé, sans oublier un tournage halluciné, bref rien que du bon. Dommage que certaines aspérités de jeu et de narration ne viennent pourtant entacher un résultat si avenant.
La peur dans les oreilles
On pourrait comparer cette version avec l’originale de Gustav Möller, mais on va plutôt éviter de rapprocher les deux films pour se concentrer sur l’analyse des forces et des faiblesses du remake américain. L’occasion donc de retrouver aux commandes de cette réécriture le duo derrière (et devant) La Rage au ventre (d’où notre intertitre imagé), soit un Gyllenhaal traumatisé et qui perd la boule pour la caméra d’Antoine Fuqua.
Sans y aller par quatre chemins, The Guilty est un film coup de poing. Gratifié d’une durée d’une heure trente, générique compris, il n’y a pas le temps de s’éparpiller en détails superflus. Surtout quand l’entièreté du métrage est cantonnée à un bureau du centre d’appels du 911, il faut rester au plus près des protagonistes, au plus près d’une intrigue minimaliste et donc très pertinente, un high concept réussi. D’autant plus quand le tournage, via webcams pour certains acteurs absents du plateau, se retrouve dirigé par Fuqua depuis des calls sur Zoom et par talkies-walkies lorsque le réalisateur est déclaré cas-contact. La réalité rattrape la fiction et permet à Gyllenhaal de donner une partition solide, réaliste à plus d’un titre donc.
A la manière de Phone Game, l’histoire réécrite par Nic Pizzolatto place judicieusement des indices narratifs à suivre et dont le spectateur ne loupe aucune miette, dispensé de distractions comme le changement de décors ou de temporalité, de focalisation humaine. Ici on reste face à Gyllenhaal pendant toute la durée de The Guilty qui s’enfonce dans une détresse extrême et communicative pour un résultat claustrophobique. Seul un establishing shot au début du film nous montre un Los Angeles vue du ciel, en proie aux flammes d’un incendie ravageur, le parfait contexte pour y placer une intrigue chaotique et haletante.
En suivant uniquement les conversations téléphoniques entre Gyllenhaal et ses collègues policiers (comme Ethan Hawke ou Eli Goree) ou les suspects (Peter Sarsgaard ou Paul Dano) ou la victime (doublée par Riley Keough), c’est via la psyché de l’acteur principal que l’on est immédiatement happé dans une histoire de faux semblants. Galvanisé par d’intrusifs et lents travelings ou des cut-away graphiques et à la saturation explosive, tout est fait pour accentuer les failles psychologiques d’un protagoniste tétanisé, pourtant le seul à même de sauver une victime de kidnapping.
Pourtant, même si le casting vocal n’a d’égal que la performance de Gyllenhaal, The Guilty oscille entre la caractérisation d’un film parfaitement efficace et celle d’un métrage vite dégrossi, aux ficelles évidentes et prévisibles. On en vient à repérer les artifices narratifs bien avant le dernier tiers qui se contente alors d’éluder un peu hâtivement des évidences qui tombent du même coup relativement à plat pour les plus perspicaces d’entre nous. La rédemption et la prise de conscience sont rapides, provoquant chez le spectateur aguerri un sentiment d’indigestion précoce. Ça manque de peps ou au moins d’une prise de risques histoire de faire bouger le cadre bien défini du huis-clos téléphonique.
The Guilty offre au duo Gyllenhaal-Fuqua un nouveau terrain de jeu assez jouissif, malheureusement déstabilisé par un scénario qu’on hésite presque à qualifier de… téléphoné.