The Bikeriders est le nouveau film de Jeff Nichols (Take Shelter, Mud), contant l’histoire des Vandals : ce groupe de motards ayant éclos dans les 60’s aura vu l’intégrité et les valeurs morales du clan évoluer au fil des ans, tel un reflet de l’Amérique à cette période. Porté par un excellent casting (Tom Hardy, Jodie Comer, Austin Butler), on tient là un sympathique retour pour le cinéaste, à défaut de pleinement transcender ses influences.
Cela faisait déjà quelques années, et la sortie du touchant Loving en 2016, que nous nous demandions qu’était devenu le réalisateur acclamé de Take Shelter et Mud. Jeff Nichols est donc de retour avec The Bikeriders, son film le plus commercial à ce jour car production 20th Century Studios plutôt éloignée des drames intimes de sa filmographie.
Inspiré de l’album-photo éponyme du photographe Danny Lyon, The Bikeriders nous invite à suivre de 1965 à 1973 la vie d’un groupe de motards du Midwest : les Vandals ! Véritable étendard d’un vent de liberté propre à cette époque, le film entend donc nous faire vivre auprès de ces individus au gré des bouleversements du chapitre, jusque dans leur chute.
Un programme alléchant, qui semble renvoyer à Easy Rider ou bien Sons of Anarchy du côté série, tout en se basant sur des personnages et un contexte ayant réellement existé (Mike Faist interprète même Danny Lyon, affublé de son appareil photo et interviewant divers membres-clés). Un point de départ pour finalement proposer un métrage sous influences Scorsesiennes, virant vers le film de gangster plutôt conventionnel.
Motards qui s’affranchissent
Après un long traveling dans un bar, puis une altercation musclée, un freeze-frame intervient avec l’irruption d’une voix-off : c’est Jodie Comer (Killing Eve, Free Guy, Le Dernier Duel) qui narrera la décennie cinématographique qu’est The Bikeriders, tel Ray Liotta dans Les Affranchis. En effet, en terme de structure narrative « rise & fall » et dans la tonalité, le film culte de Scorsese infuse le film de Jeff Nichols, sans réellement le laisser prendre son envol.
Introduisant le personnage de Kathy (Jodie Comer), le film nous la présente comme le réel point d’entrée dans cet univers masculin roulant des mécaniques, parti de rien si ce n’est l’envie d’exister à travers les roues et l’asphalte. Et c’est dans cet aspect que The Bikeriders arrive à tirer son épingle du jeu, en retranscrivant le symbole de liberté représenté par la bécane, telle des ailes d’Icare au-dessus des lois.
Dans cette optique, c’est un Austin Butler (Elvis) parfait en crooner bad-boy qui se veut le représentant allégorique, tiraillé entre la raison (sa femme Kathy) et la passion (le chef Johnny). Malgré une caractérisation de personnage plutôt lisse accentuée par le côté taiseux du personnage, Benny trouve son incarnation dans ce tiraillement, au centre de la thématique doucement amère de The Bikeriders.
Gangrène de Vandals
Temps qui passe oblige, The Bikeriders nous immerge préalablement dans l’euphorie communicative et la bonhommie ambiante du groupe, tels des rockstars du bitume s’affranchissant de leur condition prolétaire. Mais après des séquences d’humour, de beuveries légères, de jeu de chat & la souris avec la police et pugilats au parfum victorieux, la trajectoire globale épouse le versant plus sombre d’une violence croissante, tandis que le code moral des Vandals devient plus trouble au fil de son expansion.
L’occasion d’y voir un parallèle intelligent du climat post-Vietnam, synonyme de la fin d’un idéal américain (ère qui aura nourri le cinéma des 70’s avec un panache incontournable). C’est particulièrement probant lors d’un cours passage où un jeune adolescent va rapidement s’émanciper de tout ordre établi à la simple vue du groupe lors d’une escapade, ou que le vrombissement des moteurs devient source de terreur. Malgré tout, on regrettera parfois que Jeff Nichols se concentre avant tout sur l’image globale que la profondeur globale des divers personnages, figures parfois évanescentes qui disparaissent au cours du récit.
Heureusement, The Bikeriders peut compter sur son très bon casting, empli de têtes connues (Norman Reedus grimé, Boyd Holbrook ou bien l’acteur fétiche de Nichols : Michael Shannon), mais ce sont bien Tom Hardy et Jodie Comer qui tirent leur épingle du jeu, en incarnant les réels personnages du métrage (malgré le festival d’accents !).
Outre le fait que cela fait plaisir d’enfin revoir Hardy investi dans un rôle, entre le patibulaire, l’anti-héros touchant et le truculent, Comer roule littéralement sur le reste de la distribution. Véritable boussole morale de The Bikeriders, l’actrice britannique fait montre d’un charme caustique la rendant immédiatement attachante, et offre ainsi à l’intrigue un regard extérieur et pertinent sur la condition de la femme dans le genre du gangster movie. Les Affranchis raconté par Lorraine Bracco en somme.
The Bikeriders sortira en France au cinéma le 19 juin 2024
avis
Nourri d'une mise en scène élégante et travaillée, The Bikeriders n'atteint pas les hauteurs de ses illustres influences, préférant parfois survoler ses personnages. Mais c'est dans son amertume à combustion lente qu'il trouve le bon angle pour dépeindre le changement d'une époque. Malgré une trame de rise & fall très attendue, c'est aussi via son excellent casting (et sa BO 60's) que le film opère un joli retour de Jeff Nichols, à défaut d'être aussi singulier que ses précédentes œuvres.