Son pilote magnifique, la première saison de Perry Mason vient de se conclure magistralement, une nouvelle claque incontournable de HBO.
Détective miséreux, Perry Mason se heurte à une affaire de meurtre d’enfant qui le conduira jusque sur les marches du tribunal, en tant qu’avocat de la défense. Reboot parfaitement orchestré, la série de HBO de 8 épisodes nous raconte une origin-story pertinente d’un personnage emblématique de la culture populaire américaine, le tout à couvert d’une enquête noire incroyable. Du bonheur.
Rolin Jones et Ron Fitzgerald recrées donc, avec l’aide de Robert Downey Jr à la production, un préambule particulièrement efficace aux romans de Erle Stanley Gardner, eux-mêmes déjà adaptés en série et téléfilms avec Raymond Burr. Une entrée en matière judicieuse pour resituer le contexte économique d’une Amérique marquée et criblée de dettes par la Grande dépression de 29 alors que la prohibition prend fin dans une ambiance unique, à la reconstitution extrêmement détaillée. Bienvenu à Chinatown !
L.A. Noire
On parle d’ambiance parce qu’en bonne série de genre, Perry Mason parvient à installer un climat particulièrement fidèle sur les Etats Unis de l’entre-deux-guerres. Entre politique d’immigration renforcée, ségrégation raciste ou l’émergence de courants religieux indépendants, la Cité des Anges subit des transformations socio-culturelles incroyables. Le terrain propice pour développer une intrigue racée et follement terre à terre où humanisme et intimisme tentent de cohabiter dans un environnement en plein changement.
Lancinante, la série de HBO propose deux temps dans sa construction narrative. Une introduction où les personnages se découvrent, où l’on apprend à connaître le passé et les traumatismes de ces survivants de la Grande Guerre. Puis vient la confirmation, la résolution où chacun évolue pour devenir les protagonistes que l’on connaît bien, de Perry Mason qui fait ses premières armes au tribunal à Della Street, éternelle revendicatrice pétillante sous les traits de Juliet Rylance, ou Paul Drake, l’ex flic devenu privé et intensément interprété par Chris Chalk.
Un casting enchanteur qui ne peut que magnifier la prestation folle de Matthew Rhys, laconique et complètement absorbé par son rôle. Le gallois campe à la perfection un enquêteur désabusé puis un avocat habité mais c’est avant tout un perfectionniste des petites émotions. Un regard en coin lourd de sens, un soupir épuisé, une merveille émotionnelle pour proposer un regard plein d’optimisme en dépit de circonstances tragiques et tétanisantes.
Car sous couvert de montrer l’émergence d’un grand avocat, la série propose une affaire sombre, savamment distillée et pleine de rebondissements. Forcément les poncifs des films noirs se retrouvent facilement mais permettent justement à Perry Mason de nous offrir un thriller politique où urbanisation, corruption et détournement de fonds sonnent comme autant de références au genre. Pourtant, si les éléments principaux de la narration servent surtout un développement de personnages, les surprises sont là et fascinés, on se balade dans un L.A. reconstitué comme jamais.
Fedoras vissés sur la tête, cigarette en coin, l’omniprésence de Bogart n’est jamais cachée mais assimilée au milieu de Cadillacs, maisons de passes et vestes en tweed. Un décor enchanteur magnifié par la réalisation soignée de Tim Van Patten (habitué à l’époque après Boardwalk Empire) et de Deniz Gamze Ergüven (The Handmaid’s Tale). Jamais intrusive, la caméra granuleuse se contente d’absorber toute l’énergie et l’émotion déployée par un casting convaincu en de longs travelings soyeux et un montage racé qui jamais ne perd en lisibilité pour coller au plus près des réactions de ces enquêteurs d’antan, sans en perdre une miette.
Parfaitement ficelée, la première saison de Perry Mason offre un regain de fraicheur dans la télévision contemporaine en exploitant paradoxalement un style nostalgique des plus pertinent, on attend donc la saison 2 avec impatience.