Netflix vient de diffuser la première partie de Lupin, dans l’ombre d’Arsène, une touchante lettre d’amour à Maurice Leblanc, même si le cambriolage demeure un peu timoré.
Fan de Arsène Lupin, Assane Diop essaye de laver le nom de son père, accusé à tort d’un vol de bijou. Netflix propose avec la première partie de Lupin, dans l’ombre d’Arsène, composée de 5 épisodes, de revisiter le célèbre personnage littéraire créé par Maurice Leblanc en 1905. Une réussite attachante, même si encore très timide.
Un peu à la Sherlock mais sans l’exceptionnelle patte british, Lupin adapte à notre époque les histoires du fameux gentleman cambrioleur. Pourtant, si on trouve l’adaptation un peu gentille, il faut reconnaître au duo hétéroclite George Kay (à qui l’on doit Criminal ou Killing Eve) et François Uzan (Family Business) le mérite d’avoir transposer intelligemment le personnage sans en faire un reboot en bonne et due forme. Une transposition pleine de respect envers Arsène Lupin, une lettre d’amour à l’auteur et à sa création.
C’est le plus grand des voleurs
Pourtant, la dithyrambe n’est pas aisée tant le show met un certain temps à trouver son rythme de croisière. Il faudra attendre le 3e épisode (sur 5 !) pour que l’intrigue véritable se mette en place en abandonnant une introduction un peu simplette, à la mise en scène peu inspirée et aux ficelles bien trop visibles. Un comble quand on sait que Louis Leterrier est revenu d’Hollywood spécialement pour tourner cette mise en bouche télévisuelle et donner le la visuel de ce Lupin produit par Gaumont et distribué par Netflix.
Le montage rapide prévaut sur une l’action timidement filmée pour un résultat ambivalent, entre touchante naïveté et réalisation impersonnelle qui se contente du minimum pour faire du protagoniste l’élève direct des enseignements de Maurice Leblanc tout en cochant sagement les cases du film de casse et du thriller policier. Flashbacks explicatifs à la Ocean’s Eleven, rebondissements imprévisibles comme dans l’Affaire Thomas Crown, plans détaillés et flashforwards à la Casa de Papel, tout est là pour montrer l’intelligence de Lupin et offrir une lecture aisément codifiée à un public international puisque le show cartonne partout.
Si on ajoute à cela un casting pas toujours engagé, même si Omar Sy y est rutilant de bonne volonté, et une absence de spectaculaire dans la réalisation, les plans larges de Paris sont aux abonnés absents et on reste dans un champ-contre champ trop routinier. De même, trop d’incohérences narratives et de raccourcis scénaristiques, de deus-ex machina ou d’absence singulière d’antagonistes véritables viendront perturber la lecture de ce Lupin, façon 2021.
Oui mais c’est un gentleman
Justement, il est maintenant temps de dire tout le bien qu’on pense la série de Netflix. Ainsi, Lupin excelle dans son adaptation contemporaine des problématiques intrinsèquement liées au personnage de Maurice Leblanc. Une critique de la société capitaliste, égoïste, où les faibles sont toujours les proies des puissants, intouchables, dans un monde entre banlieusard et haussmannien de lutte des classes, tout en dénonçant le racisme et la xénophobie. Ainsi, le casting de Omar Sy reste la meilleure idée de ce revival, permettant au show de faire briller les invisibles de la société, les afro-européens, trop souvent stigmatisés.
De plus, et on touche à la véritable plus-value de Lupin, la revisite du personnage est particulièrement bien gérée. Loin de transposer simplement le héros à notre époque ou de rebooter la mythique série avec Georges Descrières, le show se veut plus un héritage. On retrouve des influences directes qui font de Assane Diop le digne héritier du gentleman cambrioleur, de son goût pour les déguisements, ses manteaux longs à son repaire. Mais c’est dans ses histoires amoureuses que l’on retrouve les plus grandes références avec l’éternelle Clarisse, jouée ici par Ludivine Sagnier, et la comtesse de Cagliostro (ici Pelligrini) jouée par Clotilde Hesme. Mais encore une fois la force de la série réside en Omar Sy, lequel nous offre un Arsène 2.0 tout en classe et fan inconditionnel de Maurice Leblanc, dont la philosophie et les enseignements traversent les âges et vous donneront sérieusement envie de lire les nombreuses itérations littéraires de cette légende française.
A ce titre, on se doit de soutenir le projet lorsqu’un produit de chez nous fonctionne aussi bien à l’étranger. Phénomène international, Lupin est un carton, prompt à redonner ses lettres de noblesses au célèbre gentleman cambrioleur. Un accomplissement patriotique qui nous ravit et témoigne d’un véritable amour de ses auteurs pour le matériel original, lequel brosse un portrait charmeur de la France et c’est aussi pourquoi on lui pardonnera aisément ses errances narratives. C’est loin d’être parfait, mais ça déborde de bonne volonté et c’est communicatif.
La première partie de Lupin, dans l’ombre d’Arsène est une réussite incontestable qui manque cependant du piquant nécessaire pour emménager Assane dans l’aiguille creuse. Ce que la deuxième partie tentera de rattraper cet été.