Dernier volet de la trilogie, Jurassic World – Le Monde d’Après (Dominion en VO) débarque enfin en salles. 4 ans après les évènements de Fallen Kingdom, les dinosaures arpentent désormais la surface du globe. Cette fois-ci, le trio originel de Jurassic Park est de la partie, dans une mission à l’ampleur inédite sur le papier. Malheureusement, le réalisateur Colin Trevorrow passe (complètement) à côté de son sujet et du service minimal.
Jurassic Park aura révolutionné le cinéma par son apport technologique, tout en s’inscrivant dès 1993 comme un film culte réveillant une passion inter-générationnelle pour les dinosaures. Par la suite, aucun film n’aura réellement su réitérer l’exploit du film de Spielberg (pas même le réalisateur avec le pourtant sympathique Le Monde Perdu). Après un Jurassic Park 3 mal goupillé, Colin Trevorrow aura ravivé la franchise avec le succès planétaire de Jurassic World en 2015.
Une suite au postulat de base intéressant (la découverte du fameux parc tant rêvé), qui tombait ensuite progressivement dans l’ombre de son aîné sans la même maîtrise. Et malgré un Jurassic World Fallen Kingdom qui enchaînait les couleuvres niveau narration, Juan Antonio Bayona court-circuitait le script de Trevorrow par une mise en scène d’une redoutable efficacité, convoquant ses influences du cinéma fantastique avec une certaine maestria par instants.
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Pour Jurassic World – Le Monde d’Après, Colin Trevorrow revient derrière la caméra, pour ce qu’il annonçait lui-même comme le point culminant et le réel cœur de la franchise. Pour rappel : les dinosaures font désormais partie du monde des humains, pullulant dans chaque continent (ne demandez pas comment) et orchestrant des ravages écologiques divers. Owen (Chris Pratt) et Claire (Bryce Dallas Howard) élèvent Maisie (Isabella Sermon) à l’écart par peur qu’elle soit retrouvée puis étudiée. De plus, plusieurs animaux sont braconnés et capturés par plusieurs entreprises malveillantes.
Lorsque Maisie et le bébé de Blue (qui habite évidemment pas loin de nos héros) sont enlevés, la petite troupe se lance à la poursuite de Biosyn, une corporation aux intentions sinistres. De manière concomitante, Alan Grant et Ellie Sattler (oui, Sam Neill et Laura Dern sont bien de retour !) vont enquêter sur l’origine de sauterelles préhistoriques ravageant les cultures. Tout ce beau monde va ensuite se rencontrer, dans une intrigue enchaînant les enfilages de perles, invraisemblances, facilités et absence de magie, pour ce qui constitue sans doute le pire opus de la franchise !
Vous avez tué des dinosaures ?
N’y allons par par quatre chemin : Jurassic World – Le Monde d’Après est un exemple crasse de dévitalisation de propriété intellectuelle, en plus d’un formidable loupé scénaristique passant complètement à côté de son sujet. Pourtant, la première demi-heure amène des éléments intéressants avec justement le braconnage et la cohabitation difficile entre le monde moderne et celui du Crétacé. Mais rapidement, Jurassic World Dominion se transforme en mauvais Mission Impossible et un très mauvais Jurassic Park ! Tandis que le trio originel (oui Jeff Goldblum est aussi présent) se retrouve embrigadé de manière téléphonée au sein de l’intrigue, Owen, Claire et même un Barry Sembène (Omar Sy venu le temps d’un segment) devenu agent secret crapahutent à Malte pour taper du yakayo.
Un passage pas dénué d’intérêt, alors qu’on découvre un marché noir souterrain, et que les quelques pugilats musclés se concluent par une course-poursuite dans les rues étroites plutôt efficace et un tantinet prenante. Mais là encore le bas blesse : Bayona n’est pas là à la mise en scène et cela se ressent dès la première séquence, sans point de vue, sans gravitas, sans maîtrise formelle et via une photographie numérique cruellement anonyme. Pire, les effets visuels des divers dinos oscillent entre le chaud et le froid (surtout lors des mouvements et de l’incrustation dans des décors réels). La légère contrepartie est le nombre assez conséquent de reptiles (de toutes les tailles) tout au long des (longues) 2h26, même si peu sont réellement exploités.
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Après cet aspect globe-trotting pas forcément déplaisant de par son caractère comique (dont un quidam se faisant croquer en trottinette sans avoir vu les 2 gros reptiles sur la grand place, ou bien des raptors tête-chercheuses qui préfèrent se concentrer sur nos héros plutôt que sur tous les figurants), Jurassic World 3 abandonne son aspect « aventure internationale » pour s’emmurer dans un nouveau « parc » (un complexe scientifique pourvu d’une réserve naturelle). Une unité de lieu qui sera expurgée de toute réelle tension (si ce n’est un moment réussi avec un Therizinosaure), alors que les digressions s’enchaînent sur les fameux « plans » du méchant Dodgson (peut-être le bad guy le moins méthodique qui soit, dont on rentre dans sa base comme dans un moulin) : des motivations de contrôle de l’agro-alimentaire mondial aussi nébuleuses qu’expédiées…
Ils ont dépensé sans compter
Et alors que cette grosse partie aurait pu être l’occasion d’un vrai survival, là encore le rythme laborieux se la joue pépère, alors que les protagonistes enchainent les déconvenues éclairs et les trous du scénario aussi gros que dans un gruyère. Mention spéciale aux dinosaures ayant lu le script pour contourner ses cibles dans de l’eau gelée, ou bien les divers clins d’œil putassiers au film de 93 (le T-Rex qui passe sa tête pour faire le logo de la franchise). Le clou du spectacle sera la propension de Trevorrow de recycler son 2 vs 1 du film de 2015, de manière encore plus gratuite et sans aucun poids.
Une absence d’efficacité que l’on pourrait résumer à l’utilisation du gros Giganotausore (le plus gros carnivore ayant foulé cette Terre), impeccable techniquement mais non-mis en scène et incapable de manger ne serait-ce qu’un personnage. C’est avec consternation qu’on remarque que Jurassic World – Le Monde d’Après dispose d’un body count bien chiche, ou l’essentiel des morts collatérales surviennent en milieu de film et sporadiquement.
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Bien sûr, il faut parler du casting, campant tous des personnages lisses sans aucune once de développement. Après avoir lâché l’affaire concernant les persos des précédents films (même Daniella Pineda et Justice Smith font acte de présence au tout début, avec le dernier désormais employé pour la CIA de manière grotesque), même les anciens n’ont rien à jouer. Voir le trio de retour fait plaisir initialement, et même si le charisme est toujours intact, l’écriture globale laisse encore sur le carreau, alors qu’une romance Alan-Ellie se goupille à coups de gros sabots digne d’une cour de récré.
Le bas blesse encore plus en constatant l’apathie globale du Professeur Grant, plus enclin à s’émerveiller de pouvoir lever sa main face à des dinos (outil encore plus efficace que la Force visiblement) que de commenter la situation ou de prendre part à quelconque conflit. La partie cocasse viendra néanmoins de Jeff Goldblum, aux répliques caricaturales sur la théorie du chaos, mais dont on s’amusera de tirades curieusement méta telles que « Jurassic World ? Je suis pas fan » ou « Vous avez fait une promesse à un dinosaure ? ». Bref, même les acteurs n’y croient pas, et ce n’est pas la nouvelle DeWanda Wise (une pilote free-lance s’embarquant dans l’aventure sur un simple état d’âme) ou le retour de B.D.Wong (passé de scientifique cynique à simplet émotif) qui vont changer la donne.
Blockbuster goût lessive
Vous l’aurez compris, Jurassic World – Le Monde d’Après est un film stérile, où il faut compter les bonnes idées sur les doigts de la main, dans un blockbuster sabordant lui-même son postulat de base. Le plaidoyer animalier auquel il se revendique fera d’ailleurs doucement rire, car au-delà du fait d’être constamment dans le sur-place (cette aventure n’aura pour ainsi dire aucune incidence sur un éventuel reboot) la question n’est jamais réellement traitée.
La musique de Michael Giacchino est une belle béquille, mais pas de quoi sauver ce cruel échec ressemblant avant tout à un délire de producteurs incompétents plutôt qu’une conclusion satisfaisante. Balourd, mal écrit, inefficace, Jurassic World – Le Monde d’Après est donc un produit vide tournant en circuit fermé, dénué d’aventure, de merveilleux ou de wow effect malgré son action régulière. On se contentera de revoir le court-métrage Battle at Big Rock (qui aurait réellement fait un bon opus) ou bien le prologue nous rappelant que les dinosaures sont finalement bel et bien du passé.
Jurassic World – Le Monde d’Après sortira au cinéma le 8 juin 2022
avis
Jurassic World - Le Monde d'Après est un échec à presque tous les niveaux : personnages désincarnés, intrigue foutraque, CGI ambivalents, dinosaures sous-exploités, tension aux abonnés absents, script aux facilités invraisemblables...
Difficile de sortir satisfait de 2-3 moments efficaces dilués dans un métrage aussi inutile que consternant dans son approche. Bref, c'est bien mauvais !