En 2008 débarquait Quantum of Solace, 2 ans après la grande réussite qu’était Casino Royale ! Conçu comme la suite directe d’un diptyque formé avec le film de Martin Campbell, Quantum of Solace a cependant été conçu dans la douleur. Script non-finalisé lors de la grève des scénaristes, réécritures chaque jour sur place… Un joyeux bordel qui s’est malheureusement répercuté sur le produit final, malgré de bonnes intentions !
Après un opus qui redorait le blason de l’agent 007, tout en lui donnant un nouveau départ rafraichissant et prometteur, Barbara Broccoli et Michael G. Wilson (producteurs phare de la franchise via EON Productions) passent la 2e vitesse ! Pour se faire, la même équipe de scénaristes rempile (Neal Purvis, Robert Wade et Paul Haggis) et un nouveau réalisateur est engagé. Après A l’Ombre de la Haine et Neverland, Marc Forster (World War Z, Jean-Christophe et Winnie) s’attèle à cette 22e aventure de James Bond. Malheureusement, la grève des scénaristes survint, et devant un script non-finalisé, Forster et même Craig ont orchestré diverses réécritures.
Quantum of Solace reprend très exactement 1h après les évènements de Casino Royale. Vesper est morte, Mr White est capturé par Bond, et ce dernier décide de le livrer au MI-6. S’ensuivra ensuite une quête de vengeance pour punir les coupables, et faire tomber la mystérieuse organisation criminelle teasée dans l’opus précédent. Et si ces promesses paraissent logiques et parfaitement adaptées, difficile de passer outre les problèmes du film.
L’occasion d’aborder la fabrication du film. Quantum of Solace démarre sur les chapeaux de roue. Bond est dans son Aston Martin DBS, lors d’une course poursuite nerveuse en Italie. D’entrée de jeu le bas blesse : une séquence aux cascades excellentes, dotée d’un montage tailladé à la serpe. Ou plutôt par un bûcheron aveugle tentant d’imiter la saga Jason Bourne. Et malheureusement, ce sera globalement la même rengaine tout au long du long-métrage.
Un constat d’autant plus dommageable qu’à l’instar de Casino Royale, le focus est centré sur une certaine viscéralité lors des scènes musclées. On notera ici et là quelques moments réussis, liés à des saillies d’action sobre et tenue : la chute d’un clocher, une baston brutale dans un appartement… Des sursauts de mise en scène néanmoins bien trop rares dans toute cette épilepsie ambiante ! Le lot de consolations restera évidemment un côté pêchu, à défaut d’en apprécier la lisibilité et le vrai bon travail des cascadeurs.
Le Q entre deux chaises
Traiter du deuil et de la vengeance est une promesse des plus excitantes. Mais aussi un prolongement logique de l’arc de Craig/Bond. Des prémices déjà utilisées à bon escient dans Permis de Tuer en 1989 (ou dans l’excellent La Mort dans la Peau du même genre) , mais moyennement appliquées dans le cas présent. Le scénario emmène James Bond de l’Italie à la Bolivie en passant par Haïti et l’Autriche. Un aspect international cher à la saga, mais qui se révèle aussi curieusement anonyme par moments, n’exploitant pas le glamour et le dépaysement adéquat. La faute a une mise en scène et un visuel beaucoup plus classique, dans les carcans des actioners contemporains.
Quantum of Solace dispose d’un aspect réaliste et « gritty efficient » (Casino Royale lorgnait aussi sur ce terrain) mais qui ne trouve pas une balance nécessaire pour conserver son aura classieuse. Une dichotomie de style qui se ressent également dans le fond du scénario. Bond se frayera un chemin jusqu’à Dominic Greene, PDG d’une société écran pour s’approprier les ressources en eau du pays. Très vite le focus sur James Bond est délaissé au profit d’une intrigue cousue de fil blanc, où le but sera de tuer rapidement du yakayo écervelé. Un gros pas en arrière donc !
Pourtant, Quantum of Solace a aussi de bonnes idées et des éléments intelligemment amenés. Tout d’abord Mathieu Amalric est plutôt convaincant en PDG politicard qui la fait à l’envers au gouvernement bolivien. S’appropriant des terrains sous couvert de garantir la préservation de réserves naturelles, Dominic Greene comprend que l’eau ou le pétrole sont l’or d’hier. Un propos environnementaliste moderne pas dénué d’intérêt, loin là encore des exubérances mégalomaniaques à type de destruction du monde.
Rayon Bond Girls on oscille entre le chaud et le froid. Olga Kurylenko campe Camille Montes, une jeune femme également en quête de vengeance, se rapprochant de Greene afin d’atteindre un de ses alliés. Un parallèle pertinent avec Bond (mais qui se révèle un brin inexploité), où leur quête punitive respective les amèneront à s’entrainer (et ce sans coucher ensemble !). Tous deux seront donc en quête d’un soupçon de justice, d’une parcelle de réconfort, une particule de chaleur humaine (d’où le titre du film). De biens jolis mots pour au final limiter l’aspect émotionnel au ras du sol.
Un pas de côté pour James Bond
Très vite, Quantum of Solace se transformera en une croisade de bourrin sans grande finesse, mais néanmoins rythmée. Après tout le film dure 1h40 (soit presque un tiers de temps en moins par rapport au précédent). Pas le temps de s’ennuyer, on va à l’essentiel, quitte à expurger le récit de toute prétention (ou de matière intéressante, au choix). On pourra néanmoins noter que via cet opus, Bond redevient en quelque sorte un réel agent 00 efficace, ayant toujours un coup d’avance.
On pourra noter une Gemma Arterton utilisée comme une Bond Girl clichée et gratuite (et rapidement expédiée dans une scène faisant écho à Goldfinger), un Jeffrey Wright en Felix Leiter ayant encore moins de choses à jouer et un Mathieu Amalric sur le fil avant de sombrer dans le grand guignolesque lors d’un combat final contre Bond. L’occasion aussi de saluer la variété des séquences d’action : poursuite à pied dans Sienne se finissant de manière acrobatique, fusillades en bateau, en avion et un final explosif exploitant le corps à corps. Dommage de ne pas les avoir mieux découpé néanmoins… Mention spéciale à une scène lors d’un opéra, alternant des plans d’1 seconde et montés sans queue ni tête.
Après un Casino Royale de grande classe, Quantum of Solace représente avant tout un gros pas de travers et un James Bond très moyen. Déception à mettre en écho avec les problèmes de production du film évidemment. Heureusement, Daniel Craig assure toujours autant en James Bond. Apportant une vraie énergie et une physicalité dans chacune de ses scènes, on se plait à le suivre pour coller 2-3 pruneaux le tout avec un air laconique. Enfin, David Arnold livre son ultime BO pour la saga James Bond, parvenant grandement à réhausser l’ambiance globale.
Un film avec de bonnes idées, mais très inconstant dans leurs exploitations, et inconsistant dans sa fabrication. Sacrifiant son identité pour se transformer en actioner bourrin et brouillon, Quantum of Solace arrive quand même à intéresser et divertir. Se banalisant au point de perdre ses propres velléités émotionnelles, le film conserve quand même un certain caractère. On retiendra par ailleurs une très bonne séquence de fin, clôturant un chapitre dans la vie de Bond, avant d’en ouvrir un autre d’un tout autre niveau dans Skyfall. Le mot de la fin : le générique par Alicia Keys et Jack White (Another Way to Die) est plutôt sous-estimé !