Bazardé par son studio, Here débarque en France après un four commercial Outre-Atlantique. Derrière cette sortie anonyme sans promo se cache en réalité la nouvelle réussite d’un Robert Zemeckis (Retour vers le Futur) retrouvant toute l’équipe de Forrest Gump pour une proposition de cinéma singulière et touchante !
Il fut un temps avant Here où Robert Zemeckis était un des artisans de renom du cinéma Hollywoodien (avec la team Spielberg, Joe Dante ou George Lucas) via des succès comme Retour vers le Futur, Forrest Gump, Roger Rabbit ou encore Seul au monde ! Un cinéaste-conteur versé dans les nouvelles technologies, qui opéra un sacré virage il y a 20 ans.
En effet pionnier de la performance capture avec Le Pôle Express, Beowulf ou bien Le Drôle de Noël de Mr Scrooge, Zemeckis n’aura presque cessé d’expérimenter la 3D et l’usage des effets numériques au sein de projets étonnamment boudés par la critique, mais également le public. Et même lorsqu’il revenait à des récits au classicisme assumé (Flight, Alliés), la réception oscillait entre le chaud et le froid.
Et suite au gros four (injuste) de Marwen, on pensait avoir perdu ce bon Bob avec ces 2 pires métrages : le très moyen The Witches (bazardé sur Max en post-Covid) et la fadasse adaptation « live » de Pinocchio sur Disney+. Inutile de dire qu’Here fait office de bouffée d’air frais et de promesses de retour à un cinéma audacieux, où le parti-pris rentre en adéquation avec les velléités créatives du réalisateur.
Proposition inédite de cinéma
Débutant de nos jours dans le salon vide d’une maison en banlieue pavillonnaire, Here nous renvoie rapidement dans le même espace à la préhistoire..avant que les époques se télescopent ! Par la suite de multiples sauts dans le temps nous font découvrir l’ère glaciaire, puis l’Amérique indienne vierge des colons, avant que ces derniers ne viennent bâtir la maison, et que plusieurs personnes viennent y vivre du XIXe siècle à nos jours.
Mais Here s’intéressera avant tout au destin de la famille Young, d’abord via l’emménagement des parents lors de l’après-guerre (Paul Bettany et Kelly Reilly), avant de rapidement s’intéresser à leurs fils Richard (Tom Hanks), se mariant avec Margaret (Robin Wright). C’est donc à un voyage intime qu’Here nous invite, en suivant la vie d’individus à travers un simple espace où la temporalité se retrouve éclatée.
Un parti-pris directement hérité de la BD éponyme signée Richard McGuire, au spleen mélancolique plus marqué et allant très loin dans le futur. Mais Zemeckis et le scénariste Eric Roth (Forrest Gump, Benjamin Button) resserrent le concept autour du duo Hanks-Wright, tout en hésitant pas à créer des parallèles de par une narration non-linéaire.
Des allers et retours faisant côtoyer la trame avec un couple au ton bohème qui fera fortune avec une invention dans les 40’s, des inserts amérindiens 3 siècles plus tôt, de futurs occupants dans les années 2010 ou bien une famille qui va malheureusement éclater à l’orée du XXe siècle. Des scénettes qui ont parfois un léger aspect frustrant devant une importance variable des personnages secondaires (Zemeckis ayant clairement en tête un quatuor principal en terme de focus), mais offrant in fine une portée vertigineuse inédite.
Quand l’infiniment grand côtoie l’unité familiale
On a beau ne pas être dans le côté hyperesthésique (et métaphysique) d’un The Tree of Life, Here parvient à régulièrement sublimer la « banalité » de la vie (naissance, enfance, mariage, conflit, deuil..) par la multiplicité des points d’ancrages temporels, les contrastes liés à la pluralité de personnages, et surtout la profession de foi de sa mise en scène : une caméra fixe, centrée sur la pièce de vie de la demeure.
Un point de vue limitant en apparence, que Zemeckis embrasse sans jamais tricher (très belle idée d’user de miroirs intra-diégétiques pour voir une autre partie du salon). La résultante est une promiscuité avec les personnages de Here, et un effet sur la durée où l’intime supporte une dimension existentialiste (les plus grands sentiments n’étant finalement qu’une simple pierre sur un chemin infini).
Here, ou le focus toujours centré sur l’humain
Le tout cristallisé avec aisance dans l’ultime séquence du film ! Oui Here, est une proposition de cinéma singulière, à lire via un abord purement émotionnel plutôt que théorique et n’ayant finalement rien à voir avec du théâtre filmé (le processus entier ne fonctionnerait sans ses effets de montage superposant les époques ou usant avec efficacité des ellipses pour appuyer le temps qui passe). On regrettera peut-être une technicité parfois en deçà, mais même là le de-aging (parfois notable il est vrai) s’accepte en quelques secondes pour ne plus être questionné.
Car au fond, on a avec Here la nouvelle preuve que Robert Zemeckis est un cinéaste touche-à-tout devenu trop rare. De plus, le casting est sans réelle surprise..excellent. Telle une capsule venue d’un autre temps (à l’instar du dernier Eastwood) couplée à un questionnement sur l’usage des technologies numériques pour conter des histoires jamais mises en scène de la sorte, on tient là une très belle pioche qu’il serait dommage de laisser filer !
Here est sorti au cinéma le 6 novembre 2024
avis
Avec Here, Robert Zemeckis revient avec son meilleur film depuis bien longtemps. Derrière un parti-pris artistique audacieux se cache en réalité un drame parfois vertigineux, pliant le temps à sa guise pour mieux sonder l'intime. Porté par un casting de talent et un usage intelligent des technologies numériques, on en ressort touché en plein cœur ! Une réussite !