Alors que Michael Mann s’attelle à une suite-préquelle, il est toujours bon de revenir sur Heat, pierre angulaire majeure du polar et du film de braquage qui ressort en 4K. Plus qu’un long-métrage culte, ce dernier reste encore aujourd’hui indétrônable dans sa catégorie, tout en restant l’œuvre emblématique de son auteur. Retour sur ce duel au sommet entre deux icônes du Cinéma.
Il est de ces films dont le nom résonne instantanément dans l’esprit de tous les cinéphages, et Heat ne fait pas exception. Véritable marqueur des années 90, ce film de Michael Mann reste encore aujourd’hui un polar d’une maîtrise et d’une singularité assez hallucinante. Un classique indémodable, dont les origines sont finalement plus complexes que « le film où se rencontrent De Niro et Pacino ».
L’avènement de Michael Mann
En effet, après une carrière télévisuelle fructueuse (Miami Vice notamment) ou encore plusieurs bides au box-office (on retiendra le fiasco La Forteresse Noire ou bien le pourtant réussi Manhunter), Mann se verra mis sur les radars des studios grâce au succès surprise du Dernier des Mohicans. Un film d’époque populaire, pourtant assez éloigné de l’image qu’on a du réalisateur (à savoir un cinéaste urbain et aficionado de polar).
Alors que Thief était son premier film destiné au grand écran en 1981, l’idée de Heat était déjà d’actualité dès 1979. Faute de moyens, il tournera 10 ans plus tard un pilote de série avorté, qui sera rebaptisé LA Takedown, et constituera en quelque sorte le brouillon de Heat. Et pour ceux qui vivaient dans une petite grotte, qu’est-ce donc que ce film au casting 4 étoiles d’une durée de presque 3h ?
Heat raconte le conflit entre Vincent Hanna (un inspecteur chevronné de la Criminelle du LAPD joué par Al Pacino) et Neil McCauley (un ex-taulard et braqueur chevronné interprété par Robert De Niro), alors que ce jeu du chat et de la souris répercute ses effets sur leurs vies et leur entourage. Un postulat simple, mais à l’écriture et à l’exécution plus complexe qu’il n’y parait !
Saga policière en 1 film
Bien sûr, la rencontre entre Pacino (Le Parrain, Scarface, L’Impasse) et De Niro (Raging Bull, Casino, Taxi Driver) suffisait déjà à faire entrer notre cerveau en ébullition (et ce des années avant The Irishman), tous deux représentants deux facettes importantes du cinéma américain des 70’s-80’s. Similaires à tout point de vue, bien que chacun d’un côté de la loi, Hanna et McCauley sont deux personnages en totale adéquation avec les autres protagonistes de la filmo de Mann : isolés, aspirant à un idéal (via une échappatoire idéologique ou existentialiste) et les meilleurs dans leur domaine.
Deux facettes d’une même pièce donc, aussi méthodiques l’un l’autre que semblables dans leur inaptitude à gérer leur vie privée. Cet élément est bien sûr cristallisé dans leur fameux dialogue au diner (scène pivot au milieu de l’intrigue) où ces deux Abel & Caïn échangent sur leur philosophie via un champ-contre-champ savamment orchestré (Mann n’a jamais voulu inclure de plan d’ensemble, qui aurait distrait le spectateur selon lui).
Outre deux mastodontes au sommet de leur art, il faut également saluer l’ambition narrative du projet, qui préfigure déjà de l’ambition des futures grandes séries ou mini-séries du genre (Sopranos, The Wire, etc) dans sa manière à conter l’envers du décor et placer la quasi intégralité du focus sur le côté intime des personnages. Ainsi, Heat prend son temps pour dérouler son récit, en montrant les préparatifs du casse central, en présentant (plus ou moins rapidement mais toujours avec efficience) les divers personnages secondaires, l’avancée de l’enquête policière et surtout la part accordée aux femmes.
Que ce soient Ashley Judd, Amy Brenneman ou Diane Venora, les compagnes du trio Pacino-De Niro-Kilmer sont des composantes tout aussi essentielles à la toile narrative dépeinte par le réalisateur : de véritable contre-poids de leur homologue masculin schizoïde, et prenant une place importante lors du dernier tiers du métrage. L’occasion d’aborder la mise en scène hallucinante de maîtrise du bon Michael, nous faisant complètement redécouvrir la Cité des Anges.
In the Heat of the Night
Aidé de son chef opérateur Dante Spinotti, Michael Mann abandonne l’esthétique néon 80’s (qu’il a largement défini dès Thief) pour embrasser une esthétique plus brute et viscérale. La recherche picturale et le soin apporté au cadre est évidemment toujours présent, alors que le cinéaste capte l’ambiance urbaine comme personne (Los Angeles est tel qu’on ne l’a jamais vu, et exactement telle qu’elle est finalement) via des nuits bleutées (reprises par un certain The Dark Knight), une utilisation du scope pour montrer les lumières de la ville, ou autres plans caméra à l’épaule immersifs.
Le point d’orgue étant bien entendu la fameuse scène de braquage/fusillade en pleine avenue de LA (sur le tonitruant « Force Marker » de Brian Eno), qui fait aujourd’hui office de cas d’école et de leçon de découpage, de sound design et de placement de caméra. Un morceau de bravoure encore inégalé aujourd’hui, qui fait presque office de climax à mi-parcours du métrage.
Bien plus qu’un polar ou un film de braquage, Heat peut se targuer d’être un vrai drame humain, se permettant même des parenthèses d’émotion pures pour quelques rôles secondaires (Danny Trejo et une toute jeune Natalie Portman en tête) ou complètement tertiaires (cette séquence où Pacino doit consoler une mère attristée parla mort de sa fille, tuée par un glaçant Waingro/Kevin Gage). Des petits détails qui font de Heat un grand tout cohérent et magnificient, jusqu’à son somptueux final sans aucun dialogue, se concluant via le non-moins superbe « God Moving Over the Face of the Waters » par Moby.
Un 4Klassique du 7e Art
Au final, Heat est un classique du cinéma, qui aura redéfini un genre, en plus d’assoir complètement le nom de son réalisateur à la table des grands cinéastes américains de ces dernières années. Michael Mann restera certainement affilié à ce film, tandis qu’aucun autre long-métrage du genre n’a réellement réussi à se défaire de son influence (même Grand Theft Auto IV et V auront rendu hommage au film dans leurs scènes de braquage).
La récente ressortie en 4K permet d’apprécier ce chef-d’œuvre via une netteté d’image et un piqué absolument impeccable, avec comme seul petit bémol les séquences de jour qui semblent plus ternes que dans l’étalonnage d’origine (toujours présent sur la première version blu-ray). Pas de quoi bouder son plaisir néanmoins, d’autant que les bonus sont chargés (commentaire audio du réalisateur, masterclass avec le casting, making-of…), et que Michael Mann semble décider à en faire une suite-préquelle…
Heat est disponible en Blu-ray 4K, Blu-ray et DVD
avis
Avec Heat, Michael Mann apposait une véritable pierre blanche dans l'Histoire du cinéma, avec ce polar urbain se muant en grand drame de figures névrosées. Plus qu'un film d'action, qu'un film de braquage ou un film policier, on tient là un chef-d’œuvre indémodable et encore inégalé.