9 ans après l’immense Mad Max Fury Road, George Miller revisite sa mythologie avec Furiosa. Non seulement une épopée mythologique aussi furieuse que virtuose, le réalisateur australien signe sans nul doute le meilleur préquel de tous les temps, avec en tête d’affiche Anya Taylor-Joy (Le Jeu de la Dame) et Chris Hemsworth (Thor).
Mad Max c’est un peu le gros bébé de George Miller depuis plus de 40 ans. Un jalon important de l’Histoire du cinéma, mais avant tout de tout un imaginaire du post-apocalyptique, à jamais incarné par la figure errante de Mel Gibson dans Road Warrior. Pourtant, Miller a toujours su réinjecter un carburant différent à chaque opus, jusqu’au monumental Mad Max Fury Road.
Un sommet du cinéma d’action faisant la part belle à l’épure verbale pour mieux exploiter son univers visuel et son récit viscéral. Mais plus encore, cette course-poursuite de 2h se présentait comme un passage de témoin entre Max Rockatansky (Tom Hardy) et la réelle protagoniste de l’intrigue : l’inoubliable Furiosa, jouée par Charlize Theron.
Presque une décennie plus tard, George Miller dévoile ainsi Furiosa – Une Saga Mad Max, un préquel de 2h28 (le plus long film de sa carrière) contant la genèse de ce personnage désormais culte. Un nouveau film opportuniste pour les 2-3 cancres qui penseront que le projet s’est fait suite à la réception unanime du précédent film. Hors, George Miller a non seulement écrit Furiosa en même temps que Fury Road, mais prévoyait initialement de le faire en premier sous forme d’anime !
Once Upon a Time in the Wasteland
Un récit qui nous mène une vingtaine d’années plus tôt, toujours dans le Wasteland australien post-apocalyptique connu. Furiosa est une enfant de 10 ans vivant sur la Terre Verte, à la fois Oasis et havre de paix. Passée la même introduction par message radiophonique qu’en 2015, le film embraye directement sur la pédale accélératrice : la jeune enfant est enlevée par les sbires de Dementus (Chris Hemsworth), un seigneur de guerre qui va être en conflit avec un jeune Immortan Joe (l’antagoniste de Mad Max Fury Road !).
Se faisant, le film déroulera un récit dense s’étalant sur plusieurs années, alors que Furiosa devient tour à tour esclave de Dementus, puis War Boy pour la Citadelle. Une origin story prenant donc à la fois des accents de revenge story énervée, autant que l’épopée digne d’un neo-western. Mais malgré un canevas de base clair faisant forcément penser aux premiers Mad Max (dont la perte de l’être cher face à une bande de routards), George Miller dynamite absolument tous les codes du genre !
Dramaturgiquement déjà, Furiosa fait plus penser à Mad Max 2 dans son traitement de fin du monde, tout en proposant une structure en 5 actes (à l’encontre de tous les carcans du blockbuster). Une manière de déjouer tout poncif scénaristique, tout en embrassant un caractère mythologique digne d’un grand péplum de Cecil B.DeMille !
Furiosa : une saga mythologique
L’occasion d’apprécier le fait que le travail de George Miller sur la notion même de récit (que l’on retrouve notamment dans Happy Feet ou 3000 Ans à t’attendre) infuse Furiosa jusque dans sa substantifique moelle : on semble même plus proche du conte légendaire, voire tribal à la Primal. Un caractère impeccablement personnifié via la présence d’un chaman conteur, dont la voix-off offre ue autre strate de lecture à toute la mythologie de l’univers Mad Max.
Une construction d’univers qui parvient à aller encore plus loin, traitant le Wasteland à la fois comme une Terre Biblique, un futur où l’humanité tente de se reconstruire par la loi du plus fort (la nature belliqueuse de l’humain étant par ailleurs parfaitement représentée lors d’une guerre de territoire sous ellipse), et un espace désertique faisant office de véritable purgatoire. Comment pouvons-nous nous reconstruire après une tragédie ? Quel est le moteur émotionnel qui nous motive à avancer ? Quel est mon but ou ma raison d’être ?
Des questionnements humains qui étaient déjà au cœur de Mad Max Fury Road, mais que Furiosa réorchestre tel un folk tale où l’innocence ne peut qu’être contaminée par le chagrin et la haine. Le film amène ainsi une surprenante noirceur et une violence que l’on a pas l’habitude de voir dans du film à grand spectacle. Le plus beau reste que la violence graphique concourt à mieux nourrir les fantastiques personnages du métrage.
Duel au sommet
Allant encore plus loin dans le mutisme de son protagoniste, Furiosa jouit désormais d’une densité émotionnelle à la mesure de son arc narratif sur 15 ans, brillamment captée par le jeu intense de la jeune Alyla Browne, puis d’Anya Taylor-Joy (au bout de 45 minutes). Outre une romance évitant toute boursouflure (excellent Tom Burke), c’est surtout du côté de Chris Hemsworth en Dementus que Furiosa délivre : non seulement le meilleur méchant de la saga, l’acteur australien livre la performance de sa carrière en tyran aussi sadique que barjot.
Flirtant avec le grotesque ou le sur-jeu, Miller parvient à un édifiant équilibre dans ses variations de ton, où un ours en peluche devient un fusil de Tchekhov pour apporter la gravitas nécessaire à cet antagoniste. Le film n’est jamais meilleur que lorsque le bad guy est réussi, et Furiosa triomphe haut la main sur ce versant, jusque dans son anti-climax funèbre où la confrontation devient plus psychologique que musclée.
Mais qui dit George Miller dit aussi « mise en scène » : des premières séquences troquant un jardin d’Eden pour une poursuite à travers le désert, en passant par un monumental moment de bravoure de 20 min sur un Porte-Guerre (allant crescendo dans la pyrotechnie via un montage d’une clarté absolue) jusqu’au dernier mouvement du film (du pur récit mythologique qui relève du jamais vu au cinéma)…Furiosa affiche une virtuosité de chaque instant, rythmée par le score galvanisant de Junkie XL.
Le plus grand blockbuster de la décennie
Ce sera donc d’autant plus regrettable de chipoter sur de quelques détails, notamment certains environnements plus voyants via l’utilisation d’arrière-fonds verts (en début de métrage), ou bien le fait que des éléments de Fury Road (les fameuses épouses de la Citadelle ou Immortan Joe) ne soient pas totalement exploités.
Furiosa – Une Saga Mad Max réussit néanmoins l’impossible : être un grand revenge movie, un superbe film d’action post-apocalyptique, une leçon absolue de mise en scène et de storytelling, et une nouvelle référence du genre. Parvenant à élever Mad Max Fury Road comme on ne l’imaginait guère, difficile de ne pas croire que George Miller a signé le meilleur préquel de l’Histoire du cinéma !
Furiosa – Une Saga Mad Max sortira au cinéma le 22 mai 2024. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
Anti-thèse de Mad Max Fury Road, Furiosa est un nouveau monument d'action et d'épopée mythologique d'un George Miller encore plus virtuose que jamais. Une leçon de scénographie, de découpage et d'écriture, couplée à des performances d'acteurs incarnées. Moins parfait que son prédécesseur mais plus ample et riche, on tient sans nul doute le plus beau préquel jamais fait dans l'Histoire du cinéma. On en ressort à genoux !