Première pierre angulaire du DC Universe de James Gunn, et via une animation française qui plus est, Creature Commandos se révèle être un nouveau délice télévisuel de sale gosse, donc on adore.
Rick Flag Sr prend la tête d’un commando de monstres pour mener des black-ops impossibles, dont celle de protéger une princesse d’une Amazone renégate. On ne peut pas en dire plus vu que tout n’est pas encore sorti, mais la série Creature Commandos représente le premier pas du DC Universe selon Jesus James Gunn pour le grand public, un premier né qui n’augure que du bon pour la filiation cinématographique du nouveau patron de DC Studios, toujours aussi amoureux de créatures pourtant monstrueuses.
Point rigolo, avant d’être nommée CEO des Studios DC, James Gunn avait écrit Creature Commandos sans que ce projet ne soit sous contrat. Quelques temps plus tard, sa promotion acceptée, le bonhomme a initié son univers partagé DC en greenlightant le seul produit déjà prêt à entrer en production : son Creature Commandos. Pratique d’anticiper ses devoirs à la maison. Créée et donc écrite entièrement par Gunn, showrunnée par Dean Lorey (iZombie, Harley Quinn, Kite Man…) et animée par Bobbypills sous la direction de Balak (cocoricooo !), Creature Commando apparait ainsi comme le premier soft reboot du DCU, faisant le lien entre le Suicide Squad de Gunn et les prochains projets du sale gosse de Hollywood, même si la série ne prend pas non plus trop de risques.
We are all monsters down here!
Pour rappel, The Suicide Squad marquait l’entrée fracassante de James Gunn dans le paysage de DC avec l’introduction de personnages moins vendeurs que les rosters de vilains habituels (sans compter Harley Quinn), proposant une nouvelle fois une bande de misfits timbrés dans un ton mêlant toujours humour sarcastique et action débridée sans toutefois se priver de toucher les cordes émotionnelles sensibles dès qu’il pouvait se le permettre. Une franche réussite qui permettra de développer la série Peacemaker avec John Cena, aussi crétine que follement attachante et pleine de tripes (littéralement), encore une fois.
C’est de là que démarre ce Creature Commandos, introduction au premier chapitre de l’univers partagé made in Gunn et intitulé Gods and Monsters (dont le point d’orgue, ou « divin », sera évidemment le Superman de 2025). Dans le cas présent, pour l’aspect « monstrueux », on ne suit plus le leader Rick Flag Jr (Joel Kinnaman) mais son paternel, Rick Flag Sr (doublé ici par le musculeux Frank Grillo) sous les ordres de la même patronne autoritaire, Amanda Waller (éternelle Viola Davis), directrice de la Task Force X fermée à la fin de The Suicide Squad et maintenant dénommée Task Force M (pour Monsters), d’où provient le commando en question.
Ici exit les adversaires de Batman et bonjour au groupe de monstres issus de différentes licences, notamment inspirées des classiques d’Universal. On retrouve donc une équipe composée de la Mariée, l’épouse de la Créature de Frankenstein (doublée par la classieuse Indira Varma), Eric la créature de Frankenstein elle-même (avec un David Harbour littéraire et hilarant), Weasel le rescapé de TSS (Sean Gunn), GI Robot (Sean Gunn toujours mais avec paradoxalement beaucoup plus d’humanité pour donner vie à un robot tueur de nazis), Dr Phosphorus (le génial Alan Tudyk nous manquait et son ironie vocale est ici parfaitement employée) et Nina Mazuzrski (délicate Zoë Chao). Soit une belle bande de bras cassés pour une nouvelle mission farfelue, mais qui se révèle bien menée (on taira tout spoilers).
Si en soit l’intrigue globale est assez classique, via les retournements de situation immuables dans une pareille entreprise d’infiltration/braquage, avec son lot de déconvenues, trahisons et prises de conscience, Gunn en profite pour faire des apartés et s’amuser comme jamais avec nos émotions sans jamais laisser un seul des personnages en retrait (mais dont pourtant aucun n’est véritablement à l’abri d’une mort tragique). En effet, chaque épisode développe en parallèle la backstory d’un personnage en particulier en mettant en exergue sa caractérisation unique. Exception faite du season premiere qui se contente de placer l’intrigue générale à plat, les suivants prendront plutôt la forme d’un feuilleton avec une intrigue bouclée inhérente à l’épisode et au personnage en question, tout en développant le récit premier. Du grand art. On ne dira rien de plus, les autres épisodes n’étant pas encore diffusés, mais celui sur Weasel (ou tous d’ailleurs) vaut son pesant de cacahuète.
Or c’est justement là la force de Creature Commandos. Car sous prétexte de nous resservir un produit balisé et bien familier chez Gunn, à la croisée des Gardiens de la Galaxie ou de TSS, c’est surtout l’occasion de nous proposer une nouvelle virée douce-amère, au mélange des genres détonnant. Ainsi l’action violente et sanglante à base de démembrements, de peau fondue au phosphore ou de headshots bien énervés, permet de consolider la dramaturgie apportée aux personnages, dont tous souffrent de traumatismes familiaux, dans des envolées lyriques à faire fondre le plus solide des cœurs de pierre. Une proposition pas pour les enfants, où s’ajoutent également des rapprochements charnels, une dénonciation du harcèlement et les conséquences de l’ostracisme. Une prouesse narrative notable et magnifiée par un humour noir, sarcastique, mais jamais cartoonesque. On pleure, on rit, on grince des dents devant des tripes étalées sur notre écran, du bon Gunn en somme, efficace et pertinent faisant la part belle à une écriture character-driven, comme toujours.
Et le pire, ou le mieux, c’est qu’il parvient toujours à nous surprendre ou du moins à nous emporter dans une autre dimension que celle initialement attendue, et là réside la véritable orfèvrerie du show. Car si les deux premiers épisodes posent l’intrigue, sans véritablement prendre de gros risques (en même temps, Gunn ne cherche pas à révolutionner le format ni le genre et jamais cette volonté n’est explicitée), on reste dans le panel usuel des tropes de ce genre de production car la team apprend à se connaître et nous avec, mais la suite s’annonce plus surprenante, plus intime et surtout, plus dramatique, plus belle. Sous ses airs de pastiche et de vanne, Gunn appose à ces Creatures Commandos une singulière plus-value qui, sans nul doute, brillera lorsque les personnages continueront leurs aventures dans des mediums et supports différents (certains des monstres ici présentés en animation se retrouveront par exemple dans le film live-action Superman). Il est là le vrai DC Universe.
Niveau animation justement, même si l’aspect saccadé d’une animation chère à Warner Bros. est toujours symptomatique des animés DC Comics, ici on déménage les habituels studios japonais pour déléguer l’animation à… des Français ! C’est le studio Bobbypills (Lastman, Vermin, Captain Laserhawk : A Blood Dragon Remix…) et Balak à la supervision visuelle, qui apporte(nt) son grain de folie visuelle à un tableau déjà bien déjanté et référencé (les tâches noires énergétiques émanant de Dr Phosphorus, renvoient aux Kirby Frackles) tout en reprenant l’esthétique des productions précédentes de Gunn ou du récent New 52 animé. Encore une fois, dans le respect des personnages et de l’écriture nuancée de Gunn, les frenchies viennent faire le job avec honneur, même si l’ensemble demeure vachement statique (surtout après une claque comme Arcane) et un graphisme global japanisant un peu faiblard, même si évidemment, ici le fond prend clairement le pas sur la forme. Mais on chipote.
En résumé, la série Creature Commandos est une méchante réussite, une nouvelle prouesse acerbe de James Gunn, lequel semble effectivement nous préparer un DC Universe des plus monstrueux.
Creature Commandos est actuellement diffusé sur Max.
Avis
Avec Creature Commandos, James Gunn amorce son DCU via une série animée très réussie, qui reste au plus près de ses personnages monstrueux pour nous offrir une nouvelle déclaration d'amour aux parias super-héroïques.