Comme à son habitude, Warner Bros Animation continue sa flopée d’adaptation de comics culte du Chevalier Noir. Après les moyens Killing Joke ou Silence, c’est au tour du cultissime Batman – The long Halloween d’arriver sur nos petits écrans. Et on aurait pu s’en passer…
MAJ : Ceci est la critique de Batman – The long Halloween mise à jour pour aborder les deux parties dans un même article. Ainsi il contient ce qui déjà été dit dans la première chronique abordant uniquement la partie 1 avec des rajouts et modifications pour englober la partie 2. Et traiter donc les deux parties comme un unique film.
Plus le temps avance, plus on se demande où est passée la belle époque où DC Animation nous offrait les excellents The Dark Knight Returns ou Red Hood. Car si ces derniers ont su saisir l’essence des comics, il est navrant de constater que depuis le studio s’est redirigé vers une uniformisation complète des aventures de sa machine à fric encapée. Et The Long Halloween n’échappe malheureusement pas à la règle…
La série de comics écrite en 1996 par Jeph Loeb et dessinée d’une main atypique mais de maître par Tim Sale s’est vite rangée du côté des meilleures histoires du héros. Prenant la suite du reboot lancé par Frank Miller avec Année Un, le duo s’en approprie totalement les bases pour les transcender. L’histoire part d’une idée simple, un tueur du nom d’Holiday assassine des membres de la famille Falcone durant les jours de fête. En résulte un roman graphique inspiré des films noirs et de gangsters, avec un scénario complexe mêlant plusieurs suspects, confrontations morales (le Chevalier Noir doit sauver des mafieux) et émergence des supers vilains. Un mix entre Seven et Le Parrain qui donnera un des meilleurs comics de tous les temps.
Le principal enjeu de cet animé était évidemment de réussir à condenser un run de 13 comics en deux longs métrages de 1H20. Exercice pas forcément facile mais tout de même confortable avec le choix de scinder l’intrigue en deux parties, un confort dont d’autres adaptations auraient bien eu besoin. Force est de constater que le réalisateur Chris Palmer échoue malheureusement à en tirer profit. L’histoire ne prendra pas la peine de présenter la famille Falcone, contrairement à sa version papier. Ses membres, son fonctionnement, son pouvoir au sein de Gotham n’étant pas relaté, le moteur du récit (leur meurtre) devient un prétexte inconsistant.
Trop de liberté tue la liberté
A partir de là, le dilemme moral -devoir sauver des mafieux qu’ils ont passé leur temps à combattre- perd de sa substance et l’enquête est bien moins prenante. La narration peine à être fluide et à créer un tout homogène, se perdant en de multiples point de vue (Gordon, Harvey Dent, Batman, Falcone…). Mais là où le bas blesse (et énerve), c’est lorsque le film prend des libertés et ajoute des sous intrigues à un matériau de base déjà bien rempli. Plutôt que de développer un minimum la famille Falcone et les victimes au centre du récit, l’adaptation préfère perdre son précieux temps narratif à rajouter un combat à main nu entre Batman et une triade asiatique de Gotham sorti de nulle part, n’ayant pour simple raison d’exister qu’un quota de scènes d’action dispensable et sans enjeu.
Certains aspects des personnages se retrouvent aussi complètement dénaturés. Catwoman n’est plus la voleuse fourbe que l’on connaît mais devient une sidekick aux côtés de Batman. Mais le plus déshonorant reste surtout le choix final du Chevalier Noir de ne pas livrer aux autorités le véritable Holiday alors que dans une scène finale, il démêle le vrai du faux en confrontant le tueur en personne. Une liberté prise par le scénariste qui rend l’inaction du héros complètement hors sujet par rapport à son combat pour la justice.
Ajoutons à cela une sous intrigue avec le Joker dans la première partie (Tout juste échappé d’Arkham, il prend en otage Harvey Dent, attaque Carmine Falcone et tente de décimer tout Gotham lors du Nouvel An) ne semblant exister que pour rentabiliser sur la popularité du clown psychopathe qui a normalement un rôle mineur dans le comics. Des scènes donc complètement hors sujet qui alourdissent une intrigue de base déjà complexe et dont le film n’arrive pas à rendre hommage.
Une narration poussive
Là où la parution mensuelle d’un comics permet de plus éparpiller son histoire dans des sous intrigues et des péripéties annexes, un film, de par son visionnage d’une traite, est censé être un tout cohérent dont les nœuds scénaristiques se répondent. Cependant ici, la multiplication des points de vue et des arcs narratifs diluent complètement le fil rouge de l’histoire au point où la résolution des meurtres et la capture d’Holiday en devient anecdotique. En ce sens, nous pouvons affirmer que l’adaptation du format papier au format animé est un échec.
Il ne se rattrapera d’ailleurs malheureusement pas sur l’animation. Lorsqu’une œuvre originelle a autant marqué par sa patte graphique unique, nous sommes obligés de constater que le graphisme si consensuel de son adaptation -faisant fi des traits marqués, des perspectives exagérées, de tous les jeux de couleurs, d’ombres, de silhouettages imaginés par Tim Sale et qui auraient pu inspirer la direction artistique- nous donne un sentiment de régression.
L’animation globale est plutôt stoïque, lente, propre au DTV low budget, ce qui n’aide pas non plus à nous émoustiller la rétine, laissant place à une mollesse polie. Elle se rattrape cependant plus dans sa seconde partie, où elle fait la part belle à l’action dans un dynamisme surprenant. Elle s’avère même créative lors des scènes fantasmées avec Poison Ivy, son contrôle mental prenant forme dans des visions idylliques plutôt inspirées. Notons en plus une bande originale minimaliste (sûrement due au manque de moyen) mais inspirée ainsi qu’un doublage appliqué.
Un film moyen pour un problème plus global
Cette nouvelle adaptation en deux parties peine malheureusement à convaincre dans son ensemble. Là où elle pourra satisfaire le fan moyen ou un public pas trop exigeant ne connaissant pas l’œuvre de base, le comics méritait clairement une adaptation plus proche de l’esprit de l’œuvre d’origine (à l’image de The Dark Knight Returns de Frank Miller), là ou DC Animation s’est encore une fois contenté d’une production formatée. Car c’est ce que sont devenus ces productions animées, du contenu pas forcément catastrophique, mais totalement oubliable, uniquement fait pour exister sur le moment, intriguer les fans, avant de tomber dans l’oubli pour leur qualité moyenne.
Ces adaptations finissent par donner l’amère impression d’exister seulement pour capitaliser sur le super héros le plus populaire plutôt que de véritablement s’atteler à mouvoir les magnifiques intrigues papier pour leur rendre hommage. Le studio ne fait qu’essorer finalement l’homme chauve souris jusqu’à la moelle finissant par faire croire qu’il est le seul héros de la maison d’édition méritant une adaptation. Et ce n’est pas la seconde partie de The Long Halloween qui peut corriger ce constat global.