Barbie casse la baraque au box-office, mais néanmoins jamais son image de produit lisse, et surtout d’interminable spot publicitaire.
Avant Barbie, il y avait Greta Gerwig et Noah Baumbach. Une histoire d’art et de sentiments qui s’est traduite sur grand écran par les deux petites pépites du cinéma indépendant que sont Frances Ha et Mistress America. Puis l’un et l’autre ont continué sur leur propre route, l’une signant Lady Bird et Les Filles du Docteur March, perpétuant ainsi son observation de femmes fortes et indépendantes avec certes (un peu) moins de folie et d’inventivité, mais une sincérité toujours égale, l’autre délivrant aisément son meilleur film à ce jour, le poignant Marriage Story, avant le plus inégal White Noise, tous deux pour Netflix. Pour ce qui constitue le film le plus important de sa carrière à ce jour, Greta Gerwig convie donc une nouvelle fois Noah Baumbach, et l’on se demande où a bien pu passer le regard des deux auteurs face à cet interminable campagne promotionnelle estampillée Mattel qu’est véritablement ce Barbie.
D’un cinéma fauché, centré sur les dialogues et les sentiments de leurs iconoclastes et inspirants personnages, le duo s’époumone ici à donner un tant soi peu de chair à une véritable icône de la pop culture, un jouet culte et intergénérationnel porté par un casting prestigieux et un budget imposant. Si l’on reconnaît quelques motifs de l’univers que les deux auteurs charrient, de la collaboration au scénario pour l’un à deux très bons Wes Anderson (La Vie Aquatique et Fantastic Mr. Fox) pour les décors colorés, et des figures féminines en pleine crise existentielle pour l’autre, rien des personnalités de Greta Gerwig et Noah Baumbach ne survit à cette épuisante coquille vide, qui semble uniquement se servir de leurs noms pour tenter de masquer ce qui n’est finalement qu’un spot publicitaire de presque deux heures.
Barbant
Barbie (enfin la Barbie stéréotype campée par Margot Robbie) vit donc à Barbieland, où chaque être parfait s’épanouit dans ce monde parfait. Mais des pensées mortifères ainsi que la déformation de ses pieds vont pousser Barbie à franchir la frontière du monde réel pour rencontrer sa propriétaire et tenter d’effacer ses idées noires et ainsi retrouver son corps et son insouciance. Si l’idée de confronter la poupée de plastique au monde réel était bonne sur le papier, le scénario de Greta Gerwig et Noah Baumbach ne sort cependant jamais de son migraineux et surcoloré monde factice. Peu importe où évoluent ses personnages, à part une introduction en mode relecture de 2001 : l’odyssée de l’espace et quelques numéros musicaux très réussis où la réalisatrice semble s’épanouir, tout paraît complètement inanimé.
Barbie ne raconte finalement rien d’autre qu’une quête surlignée de Mattel de redorer son image et celle de son produit phare. Le scénario n’est ainsi fait que d’allers-retours entre monde réel, abordé sans la moindre inventivité, et de messages importants sur le féminisme, l’inclusion et le patriarcat repris par des grandes firmes qui à force d’être répétés finissent par épuiser. Parce que Barbie laisse la même sensation désagréable de grandes entreprises modifiant juste la charte graphique de leur marque durant le mois des fiertés : celui d’un engagement de façade, permettant un coup de communication à moindre coût et censé perpétuer les bénéfices en s’attirant les grâces de l’opinion publique sans aucune prise de risque. Tout sent ainsi le produit formaté et surgonflé, ajoutant au nom de ses prestigieux auteurs celui d’un casting pharaonique, devant la caméra comme sur les tubes pop s’enchaînant, comme le défilé de ses interprètes, avec une totale lassitude.
Barbafric
De cet amas de couleurs flashy inutilement bavard, de ce produit désincarné à l’extrême cherchant, comme son héroïne, sa véritable utilité sans succès, on peut cependant sauver Margot Robbie et surtout Ryan Gosling, sûrement le plus hilarant de tout ce que le métrage peut vraiment offrir. Du reste, il ne demeure rien, que des dialogues inutilement étirés sur l’acceptation de soi, la sororité, tout cela noyé dans toute la panoplie clinquante d’une marque étalant ici son carnet d’adresse et de chèques pour en mettre plein la vue et tenter de masquer sa propre vacuité artistique, à l’opposé de celle, plus financière de se servir du cinéma comme d’un immense écran de publicité. Barbie épuise et irrite lorsqu’elle ne se sert de ses personnages que comme de vulgaires poupées, délivrant un humour faussement transgressif qui ne va, de plus, jamais jusqu’au bout de ses idées.
Des acteurs qui cabotinent dans des batailles fluos filmées comme des clips, et un scénario qui tente d’aborder de vrais questionnements, mais qui préfère simplement y cocher des cases pour se muer en produit d’une époque où seuls comptent la visibilité et les réseaux sociaux, Barbie est ainsi sûrement un pur produit de son temps. Un temps où l’art s’avère sabordé à des fins financières à peine dissimulées, et où le spectateur n’est traité que comme un client, venant y chercher un condensé du pire de ce que le cinéma peut proposer : un film opportuniste, où sous couvert de belles idées, de clins d’oeils méta et autre fan-service, rien ne sauve une coquille vide dont la seule utilité est de se remplir de billets roses jusqu’à l’overdose.
Barbie est actuellement au cinéma.
Avis
Les talents de Greta Gerwig, Noah Baumbach, Margot Robbie et Ryan Gosling n'y font rien : Barbie n'est qu'un épuisant, éreintant et migraineux spot publicitaire de près de deux heures à la gloire de Mattel qui sous couvert de messages sociaux importants, tente vainement de cacher sa face la plus opportuniste et surtout la plus vaine. Un produit sans âme qui veut cocher toutes les cases de son époque, en transfigurant au passage son spectateur en client comme un autre.