Après quelques années d’absence derrière la caméra, Ben Affleck revient en tant que réalisateur avec Air. Épaulé de son comparse Matt Damon, ce dernier nous raconte la success story à l’origine de la fameuse Air Jordan : la chaussure de légende créée par Nike via un contrat sans précédent avec le basketteur Michael Jordan. Un biopic efficace et plaisant, bien qu’un peu lisse !
Hollywood raffole des biopics et des success stories prônant l’American way of life. Dernièrement, on pense évidemment à La Méthode Williams, voire Green Book. Mais le fondamental The Social Network tombe également dans cette catégorie, un film capable de prendre une histoire à priori banale pour en créer à la fois un objet cinématographique d’exception et un récit prenant le pouls de notre époque.
Air : une histoire de pompe
Air tombe finalement à point dans la carrière d’Affleck, qui en l’espace de 4 films (de Gone Baby Gone à Live by Night en passant par The Town et Argo) s’affirme comme un metteur en scène puisant ses influences dans les classiques du cinéma américain des 70’s. Premier scénario professionnel de Alex Convery, Air nous mène donc dans le monde corporate du milieu des années 80.
Nous sommes en 1984 en Oregon, alors que Nike est la 3e entreprise spécialisée dans la chaussure aux USA, loin derrière Adidas et Converse. Alors que la section basketball subit de faibles ventes, le département est donc proche de la faillite. L’agent marketing Sonny Vaccaro (Matt Damon) va ainsi proposer un véritable coup de poker : miser l’entièreté du budget du département (250 000 dollars) sur un seul joueur ! Michael Jordan, la vedette montante, est malheureusement prête à signer avec les deux géants de la chaussure.
S’ensuivent donc diverses actions de Vaccaro (d’abord en friction avec les divers pontes du comité d’entreprise) pour non-seulement contrer l’agent de Michael, développer la mythique chaussure et approcher la famille Jordan afin de convaincre un futur deal marquant dans l’histoire du sport. Bref, de la success story sous forme de feel good movie prônant l’entreprenariat frondeur...mais sans réel sous-texte derrière !
Petit succès illustré
Car si Air se veut plaisant et incarné, difficile d’en tirer un quelconque regard ou discours vis-à-vis de cette histoire dont le but est de faire du profit sur l’image d’un joueur. Sur le papier on pourrait donc penser à du Aaron Sorkin tendance Moneyball, mais sans la substantifique moelle ! Au final, le tout a parfois des allures d’hagiographie capitaliste, sans réellement explorer les rouages du milieu corporate.
Ainsi, lorsque le designer Peter Moore développe le prototype de la fameuse Air Jordan, le spectateur sera privé de toute séquence intermédiaire sur sa confection ou les diverses itérations créatives ayant abouti au produit final. Tout se déroule un peu trop sur des roulettes, même lorsque Matt Damon briefe de manière ludique une Viola Davis (qui campe donc la mère de Michael Jordan) prête à faire ce qui est le mieux pour son fils.
Une équipe qui fait la paire
Jusque dans l’ultime contrat signé, Air manque un tantinet de soubresauts narratifs afin de pleinement faire ressentir au spectateur la lutte acharnée ayant conduit à un deal valant aujourd’hui des centaines de milliards de dollars ! Heureusement, Ben Affleck sait s’emparer du script pour proposer un vrai rythme sans temps mort, dopés aux dialogues plutôt savoureux tout à fait incarnés grâce à son casting de talent !
Si Affleck lui-même semble un peu effacé face à l’excentricité requise pour jouer le PDG Phil Knight, ce dernier s’impose en chef-d’orchestre appliqué pour mettre en avant de belles performances par Matt Damon, Chris Messina (probablement le personnage aux meilleures répliques), Chris Tucker ou Jason Bateman. Des rôles investis, servis par une mise en scène sans grande folie mais de bonne tenue. Une fabrication des plus carrées (jusque dans la reconstitution des 80’s bande-son comprise), dopées par la photographie de Robert Richardson (JFK, Once Upon a Time in Hollywood).
Vient ensuite la grande question : mais où est Michael Jordan ? Prétextant que l’on ne peut montrer une fausse copie du plus grand des basketteurs, Ben Affleck se tire également une balle dans le pied en le montrant constamment hors-champ et sans réelle ligne de dialogue. Une figure évanescente dirigée par papa et maman, et dont Air peine à pleinement retranscrire l’aura. De menus défauts qui peinent à élever le résultat final vers des cimes plus marquantes, sans réellement nuire au plaisir de visionnage.
Air est disponible sur Prime Video depuis le 12 mai 2023
Avec Air, Ben Affleck revient par la petite porte avec ce Air des plus plaisants. Malheureusement,difficile de passer outre une absence de discours autre que l'amour du gain, et le non-traitement de Michael Jordan. Malgré ses rails narratifs évidents, le résultat tient la route via son casting de talent, sa fabrication carrée et ses dialogues savoureux.