Dans cet article, on revient plus en détails que dans notre critique (ici) sur la façon dont Boss Level exploite – et c’est le bon mot – le jeu vidéo dans un film que nous avons trouvé opportuniste dans son vernissage et très moyen quant à sa proposition de cinéma. On n’a jamais été très fan du cinéma de Joe Carnahan, mais mettre les pieds là où il les a mis c’est comme mettre la tête dans un piège à ours, c’est risqué.
On a bien conscience que ce n’est pas simple de parler de jeu vidéo ou même de simplement le référencer au cinéma – surtout quand vous tombez sur des chieurs comme nous. On ne voudrait pas décourager les braves âmes qui s’y risquent et qui s’y cassent les dents, pas de quoi être triste Boss Level, même le tonton Spielberg s’est mangé le trottoir avec son divertissant mais anachronique Ready Player One.
On expose ici nos sévères griefs à l’encontre de Boss Level tout en sachant que l’on pourrait les faire à plus d’un autre film sur leur exploitation souvent putassière du médium – chaque bande-annonce de Free Guy nous donne des envies de meurtres. D’ailleurs, exploitation putassière ou film putassier tout court, on marche sur la ligne.
Pan et pan puis boum boum derrière
Comme l’expression connue et galvaudée qui fait office de titre pour cet article, Boss Level ne parle pas de jeu vidéo mais le galvaude. Alors oui, il y a bien quelques effets putassiers, comme – sporadiquement – le numéro de la tentative qui apparaît façon écran cathodique ou encore la police pixel du générique, on est là dans du pur vernis, qu’est-ce qui justifie ces emprunts dans le fond et la chair du film ? La boucle temporelle ? Ça fait un peu jeu vidéo. Le fait d’avoir à affronter des méchants au sein de cette boucle ? C’est pas un peu léger pour lier le tout ?
Qu’on soit clair, il n’y a pas dans Boss Level de jeu sur les codes, du moins pas au-delà du postulat, qui est dans le fond celui d’une boucle temporelle, un concept qui existe assez au cinéma pour que sa simple présence ne suffise à tirer des ponts avec le jeu vidéo. Le “Die and Retry” est la conséquence d’une boucle temporelle, c’est tout, à ce compte là Palm String pourrait prétendre inclure de l’esthétique jeu vidéo – heureusement à la différence de Boss Level, c’est un bon film.
La seule chose qui raccrocherait les wagons serait quoi alors ? La violence ? Le fait qu’il y ait un gentil hormoné avec des flingues et des méchants caractérisés avec et des flingues et des épées et des bazookas ? C’est assez réducteur et crétin pour qu’on puisse mettre une étiquette jeu vidéo dessus ? Assumez vos films. Vous enlevez le jeu vidéo de Boss Level, vous obtenez le même long-métrage ; même déroulé, même scènes et même tics de réalisation dans leurs écrasantes majorités. Sont-ils au courant que la jubilation d’un jeu vient de son exercice et non de son visionnage ?
Mario le livreur de pizza
Si le film assumait un vrai parti pris “jeu vidéo”, vous penseriez vraiment qu’il aurait une voix off ? Dans Boss Level le jeu vidéo n’est que le glaçage à la truelle d’un film qui pourrait de A à Z se dérouler sans. Même les quelques rares références au sein de l’écriture sont dignes d’un faux nez. Street Fighter un “side scroller” ? Si ce n’est pas du jargon galvaudé, on ne sait pas ce que c’est. C’est un peu le même coup que Guillaume Musso qui cale un petit “trackpad” au détour d’une phrase, question de donner l’impression d’assister à un miracle de technologie alors qu’un personnage vient simplement d’ouvrir VLC sur un ordinateur portable.
Dès que le film parle de ou montre du jeu vidéo, c’est pour réciter une prose qu’il ne semble même pas comprendre lui-même. C’est pourtant un point névralgique pour analyser le rapport du film avec ses emprunts au paysage ludique et interactif. Comment le film parle simplement de jeu vidéo, quel regard plus informel que sa propre forme, pose-t-il dessus ? Il ne résiste pas à cet examen “au naturel », chaque terme sonne comme une référence gimmick. Ce genre de choses – son jargon mal juxtaposé -, ça ne fait effet que de très loin, comme ce gamin qui ne jure que par le “8 bits” et des simili cartes paninis, c’est beau, c’est noble, mais franchement quitte à aller aussi loin, autant mettre des dragons et des chasseurs TIE, au moins à l’image ça rend bien.
Level without Boss
Le rapport du film avec cette “culture” semble à peu près être le rapport du personnage principal avec celle-ci, à savoir un certain je m’en foutisme – ce qui n’est pas un problème pour le personnage mais un peu plus pour le film. D’où nos gros doutes quant à la sincérité de Boss Level sur ces emprunts. Par ailleurs, le film nous sort vraiment le pire personnage de “geek répugnant” qu’on ait pu voir depuis un bon moment au cinéma, il fallait le faire dans un film qui surfe sur le jeu vidéo. Le tenancier de la salle d’arcade est : dodu, le cul planté au fond de sa chaise “gamer”, n’a pas d’enfant par “choix”, parce c’est certainement un puceau doublé d’un con, et il se paie même le luxe d’être un peu arrogant, se la jouant « puriste » pour impressionner tel un dindon le héros. Notre empathie étant toute acquise à Frank Grillo, rare réussite du film, il y a forcément quelque chose de sympathique à le voir recalé. Même si le « tu as quel age », Fallait oser.
C’est un film qui “parle” de jeu vidéo pour les gens qui finalement ne jouent pas à des jeux vidéo. Et ce n’est pas dit positivement, dans le sens où ce serait un film qui pourrait être équitablement abordé par des joueurs comme des non joueurs – genre Scott Pilgrim -, non là il faut le prendre au sens médiocre du terme, un film qui ne fait que suriner une “vibe” jeu vidéo pour vendre un “divertissement” pardonnable sous le prétexte mordant qu’il est un “divertissement”. Un cocktail aux allures de potage.