13 nous livre le récit très personnel et intime d’un rescapé des attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan.
Vendredi 13 : il y a ceux pour qui ça porte chance, et ceux qui s’en méfient comme des chats noirs et des échelles. Pour Erwan, romancier et passionné de rock, ça devait être un vendredi soir comme les autres, meilleur que les autres peut-être. Jusqu’à ce qu’il se retrouve tel un animal piégé. Jusqu’à ces balles reçues dans les fesses…
Pourtant, de la chance, Erwan en a eu ce soir-là. Une chance qui se mesure en centimètres ; des balles qui auraient pu suivre une autre trajectoire et ne laisser aucune chance à ce récit d’exister. Au-lieu de ça, la seule question qui le hante alors c’est : « Vais-je rebander un jour ? ». Un récit touchant et surprenant que nous avons pu découvrir en avant-première dans le cadre de la deuxième édition du très réussi Phénix Festival : le premier « pré festival d’Avignon » à Paris !
Vivant, à quelques centimètres près…
C’est dans une salle de concert que nous nous retrouvons d’abord, pour quelques instants seulement. Il y a cette musicienne qui joue de la guitare et chante en live ; il y a Erwan qui danse, qui s’amuse, qui profite avec insouciance de cette soirée de fête… Et puis il y a cette lumière rouge qui se met à clignoter, comme un signal d’urgence, une menace qui gronde, le drame qui se prépare… La suite, nous la connaissons tous.

Nous retrouvons alors Erwan dans une salle d’hôpital. La bonne nouvelle, c’est qu’il est vivant, même si ça ne s’est joué à rien. Un miraculé, c’est comme ça qu’il se définit, certainement pas comme une victime. De ce statut il ne veut pas. Après tout, il est debout, il bouge, il respire, il peut faire des projets, même si l’infirmier regarde souvent ses fesses… Même s’il n’est pas sûr de pouvoir bander à nouveau un jour. Cette obsession, c’est à elle qu’il s’accroche comme à une bouée…
Se raconter pour mieux renaître
Alex Metzinger nous captive d’un bout à l’autre. Très joliment accompagné par les notes et la voix charmante de Pauline Garder qui se font complices tout au long du spectacle, il joue les différents personnages de la pièce : ses amis qui viennent régulièrement lui rendre visite, son père… Et malgré quelques accents qui tendent à rendre les personnages un peu caricaturaux, le comédien parvient aisément à faire exister chacun d’eux avec leurs doutes, leurs interrogations, les peurs qu’ils ont tues jusque-là mais qui commencent à déborder.
« Le corps se retape pas sans amour. Faut lui donner une raison de lutter. »
Des interrogations et des émotions qui commencent par ricocher sur le bouclier d’humour auquel Erwan se cramponne solidement. Une histoire – la sienne – qu’il se met à raconter parce que les autres en ont besoin, tout en la tenant subtilement à distance d’abord, en l’abordant à la deuxième personne du singulier. Puis, progressivement – à travers l’écriture notamment, mais aussi l’amour – le chemin se fait vers l’acceptation, vers la résilience, vers le « je ».
Comment raconter ce que l’on connaît déjà par cœur ?
Ce n’est jamais évident de créer une œuvre autour d’un évènement à ce point ancré dans notre histoire collective et aussi chargé émotionnellement. Il est difficile d’évoquer les attentats du 13 novembre 2015 sans avoir encore la chair de poule, même 7 ans après. Chacun a son histoire personnelle de cette soirée meurtrière, ses propres émotions collées au corps comme une seconde peau. Mais les images que nous avons tous en tête sont les mêmes : celles de l’horreur.

Alors, comment aborder le sujet avec sincérité et émotion, sans s’enliser dans le pathos ou sombrer dans le voyeurisme ? Comment dire ce que l’on a besoin d’entendre, sans pour autant oublier de laisser un peu de place à l’imaginaire ? L’exercice est périlleux. Ainsi, lors du OFF 2021, nous avions été déçus par Les vivants, autre récit d’une reconstruction après le Bataclan qui, à l’inverse, nous avait paru trop pudique.
Un chemin délicat vers l’émotion
Dans 13, nous ne sommes encore pas parvenus au niveau d’émotion que nous espérions, mais nous ne sommes pas passés loin. Un texte un peu moins bavard peut-être, des sentiments ou des pensées qui pourraient s’incarner au lieu de toujours se dire, davantage d’implicite, de silences pendant lesquels les émotions auraient le temps d’infuser… Quelques longueurs en moins et un peu de profondeur en plus, en somme, nous auraient permis d’accéder aux frissons que nous guettions.

Pour autant, cette pièce est une réussite. Elle nous embarque par sa construction habile, par la mise en scène vivante et originale de Pierre Azéma et Laurence Gray ; par son univers musical qui nous promène de Gilbert Becaud à The Cure ; mais aussi par le joli duo que forment Alex Metzinger et Pauline Garder. Sans oublier le message d’amour et de résilience qui transpire de ce récit et qui fait du bien. Une ode à la vie, à l’amitié, à l’amour, qui devrait sans aucun mal conquérir Avignon.
13, de Pierre Azéma & Alex Metzinger, d’après « Le livre que je ne voulais pas écrire » d’Erwan Larher, avec Alex Metzinger & Pauline Garder (musique live), mise en scène Pierre Azéma, se joue à l’Espace Roseau Teinturiers, à Avignon, du 06 au 31 juillet à 20h35 (relâche le mardi).
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.

Avis
Cette pièce aborde un sujet lourd et bouleversant. Pourtant, elle nous fait rire, sourire, aimer. Elle nous donne envie de fredonner, de danser, de nous relever de nos épreuves quelles qu'elles soient. Une belle leçon d'espoir et de résilience.