Le premier choc avec le nouveau jeu d’infiltration de Lince Works est sa filiation compliquée avec leur précédent titre sorti en 2016. Là où le premier épisode s’articulait autour d’une dualité ombre et lumière, l’obscurité étant évidemment à l’avantage du joueur, pour se cacher mais aussi se téléporter ou recharger son énergie, Aragami 2 abandonne lui cet aspect. Finie l’infiltration de proche en proche, de tache d’ombre en tache d’ombre et place à un pur Tenchu-like, voire même Tenchu-lite, tant les bases du titre vont rapidement s’avérer un brin simplistes.
Du simili grappin, à la simili barre de posture rappelant un certain Sekiro, toujours des fourneaux From Software, Aragami 2 ne se cache pas de ses inspirations lui assurant cependant un socle d’efficacité appréciable. Fluide, précis, bien ajusté dans ses sauts ou dans la distance couverte par sa téléportation et même jusqu’au temps de pause des gardes dans leur ronde, tout est au poil côté infiltration, Aragami 2 connaît ses classiques, mais justement, se repose un peut-être un peu trop dessus… Bestiaire minimum, missions qui se répètent et se ressemblent, manque flagrant de justesse dans le système de scoring… On a bien du mal à comprendre l’addition salée qui nous a été concoctée : 35€. Alignez 5€ de plus, vous vous offrez Kena : Bridge of Spirits, carrément.
Si l’on pourrait bien identifier la coop comme fonctionnalité “signature” du titre, elle se limite dans les faits à balancer 2 ou 3 joueurs dans une carte au lieu d’un, sans vraiment plus d’idées à ce sujet, ce qui vient surtout encore faciliter un jeu déjà pas bien ardu – et donc stimulant. Aragami 2 est sinon le proto jeu d’infiltration arcade, de son look jusqu’à la pointe de son gameplay et de sa progression. Même les visuels semblent avoir été passés au Kärcher en disant adieu au Cel-shading de l’opus de 2016. Encore heureux qu’il reste cette excellente OST pour nous rappeler la parenté.
Faire mille fois mille fois
Nous en parlions déjà dans la partie précédente, mais les soucis d’Aragami 2 – et c’est bien le problème – sont loin de s’arrêter à son manque flagrant de personnalité ou de prise de risques, que se soit formelles, ou pire encore, en terme de gameplay.
Comme principal élément dysfonctionnel, on a donc déjà identifié le manque de variété avec des missions certes de plus en plus ouvertes, mais variant trop peu leur architecture. Pour vous dire, aucun des environnements n’a ne serait-ce qu’une seule mécanique propre pour dynamiser et renouveler l’infiltration. Non seulement le jeu fait alterner ses dizaines et dizaines de missions dans “seulement” 10 cartes, mais ne propose même pas de différences marquées entre celles-ci. Très rapidement vous résoudrez tous les niveaux de la même façon, à la chaîne, le seul kit de votre personnage étant incapable de compenser une telle carence. On tombe très rapidement dans les automatismes et l’ennui.
Le souci venant couronner et aggraver tout cela étant le système de scoring. De fait, le jeu ne pousse pas à “bien jouer”, à “mieux jouer”, c’est presque le contraire qui s’opère avec la multiplication des missions interchangeables qui ne donnent pas envie d’être refaites pour obtenir les badges (aucune détection, aucun victime ou le classique “tuer tout le monde”). Vous pouvez faire une mission sans grande précaution et repartir avec un rang S. Très vite vous vous contenterez de slalomer entre les ennemis, récupérer un objet ou assassiner une cible quelconque, puis rejoindre la sortie, le tout sur une dizaine d’heures en paraissant presque 30. Pourquoi s’investir dans une mission qui ne demande pas de s’appliquer pour être bien menée, d’autant plus quand une dizaine d’autres identiques la suivront dans tous les cas ?
Aragami Zzzzzzzz
Cette chienlit si palpable, on ne la retrouve pas que dans les structures du jeu, mais aussi au niveau mécanique. Déjà, Aragami 2 n’est pas aidé par sa vision de l’aigle local ou “vision des ombres” convocable sans restriction et dont l’utilisation est même fortement encouragée, voire nécessaire. Elle permet, en autres effets classiques, de découvrir les objectifs (toujours les mêmes, évidemment) ou les pièces d’or dispersées dans les niveaux et permettant d’améliorer et customiser votre personnage. Pas besoin d’observation, Aragami 2 devient un pur jeu d’exécution grâce au bouton magique. Une option qui participe encore à uniformiser sa proposition, comme un énième titre à l’infiltration prémâchée par cette assistance dupliquée ad nauseam.
Si certaines choses sont donc en trop, a contrario d’autres ne sont pas là et on se demande bien pourquoi. Par exemple, il n’existe pas de manipulation pour porter un garde immédiatement après l’avoir neutralisé. Il faut finir l’action, attendre qu’il soit bien à terre, puis maintenir Y et enfin, on a le droit de déplacer le corps. Hitman le propose, Dishonored aussi, même les Far Cry et autres Assassin’s Creed des usines à jeu d’Ubisoft le font, mais pas Aragami 2, alors même que c’est un point qui touche au cœur de sa proposition de gameplay. C’est un jeu qui a 15 ans de retard, venu d’un temps où l’infiltration était encore un « genre » et pas une brique implantée à la chaîne dans tout les triple A.
Non seulement vous avez déjà joué à Aragami 2, mais en plus, il y a de grandes chances que ces autres expériences aient été meilleures malgré leur antériorité. Pourquoi ne pas avoir continué à travailler le sillon tracé par le premier jeu ? À moins d’être en cruel manque ou de chercher à tout prix un titre d’infiltration en coop, on vous conseillera quand même de bien mûrir votre achat. Au mieux, reste t-il disponible dans le Xbox Game Pass, sans doute pour continuer de vous convaincre de l’étrangeté de son tarif sur les boutiques « conventionnelles ». À 35€, ça a des allures de mauvaise blague tout de même.