CODA a crée la surprise en emportant l’Oscar du meilleur film face au favori Power of the Dog de Jane Campion. Mais que vaut vraiment ce remake américain de La Famille Bélier ?
CODA est donc le remake américain de notre Famille Bélier nationale, réalisé par Éric Lartigau, auteur de comédie populaires telles que Mais qui a tué Pamela Rose ?, Un ticket pour l’espace et Prête-moi ta main. D’après un scénario de Victoria Bedos et adapté par l’un de nos plus fameux auteurs, Thomas Bidegain, scénariste pour Jacques Audiard, La Famille Bélier fut ainsi un énorme succès populaire, attirant plus de 7 millions de spectateurs, révélant et sacrant Louane Emera en meilleur espoir féminin.
La Famille Oscar
CODA, réalisé par Sian Heder, réalisatrice sur GLOW et Orange is the new Black et auteure de deux long-métrages passés inaperçus chez nous, s’empare ainsi du remake en transfigurant les agriculteurs en pêcheurs et en remplaçant Michel Sardou par Joni Mitchell. La surdité reste ainsi au centre de l’histoire de ce remake, et CODA va ainsi encore plus loin en offrant à Marlee Matlin et Troy Kotsur, deux acteurs sourds, les rôles principaux, sacrant ainsi ce dernier en premier acteur sourd de l’histoire du cinéma à décrocher l’Oscar du meilleur acteur.
Malgré ces petits ajustements, l’histoire reste la même d’une famille trop étouffante et d’une vocation pour la chanson comme voie de sortie pour un feel-good movie aussi sympathique que néanmoins très oubliable. Parce que les ficelles du récit sont toujours aussi grossières, le fond ne perdant, au demeurant, aucune sincérité. Les interprètes sont tous justes, même si Eugenio Derbes vole un peu la vedette en professeur de musique perfectionniste, et CODA « Child Of Deaf Adults », expression renvoyant aux enfants entendants de parents sourds et malentendants gagne même en qualité technique, avec une belle photographie signée Paula Huidobro.
Le CODA changé
Néanmoins, CODA paraît assez évidemment comme l’un des films les plus faibles qualitativement et artistiquement ayant reçu l’Oscar du meilleur film. Rejoignant le Green Book de Peter Farrelly, comédie sympathique mais caricaturale et grossière sur le racisme qui sacrait le poulet de KFC comme point d’orgue de la réconciliation et de l’acceptation, CODA dépeint ainsi une volonté plus politique qu’artistique prise par l’Académie des Oscars ces dernières années. Les grands projets de metteurs en scène acclamés laissent ainsi leur place à des projets plus fragiles, mais mettant en point d’orgue une représentation plus sociale de la société contemporaine.
Ainsi si le Moonlight de Barry Jenkins, en abordant de front les questions de problèmes raciaux, était un véritable grand film, même si le Mad Max : Fury Road de George Miller méritait le prix en 2016, la pilule est plus dure à avaler pour Green Book en 2019 qui l’avait raflé au Roma d’Alfonso Cuarón, comme pour CODA qui gagne face à de véritables grands films de metteurs en scène reconnus, de Jane Campion à Guillermo Del Toro.
Oscars : politique où cinéma ?
La véritable question est donc à se poser : où est donc passé le cinéma ? Les Oscars, qui depuis ces dernières années alliaient ses récompenses avec les questions sociétales actuelles, ont transformé leur statuette en un symbole politique plus qu’en un véritable signe de gageure artistique. Le prestige laisse donc place à la politique, et même si les questions de représentation et d’impact social restent incontournables, quel signe envoie les Oscars envers des véritables projets de cinéma ayant de plus en plus du mal à trouver des producteurs et une large audience ?
Jane Campion, Martin Scorsese et Alfonso Cuarón ont déjà dû se réfugier chez Netflix tandis que Steven Spielberg, Guillermo Del Toro et Paul Thomas Anderson se frottent à des échecs retentissants au box-office. En sacrant CODA, les Oscars s’assurent donc une fois de plus de rentrer dans l’histoire, en couronnant le premier acteur sourd de son palmarès, et en remettant au centre des débats les questions de handicap. Mais quels signes renvoient donc les studios aux grand metteurs en scène et aux projets emplis d’amour pour le septième art ? La question reste donc ouverte, une année de plus, en attendant que la pandémie s’étouffe et laisse le cinéma reprendre sa véritable place dans les salles obscures.