Equalizer 3 vient clore la trilogie portée par Denzel Washington, l’occasion de vous livrer notre classement personnel, sans aucune violence.
Equalizer s’éteint donc, avec la même discrétion que ses deux prédécesseurs. Si l’on ne doute pas du potentiel commercial du dernier volet de la franchise lancée en 2014 par Antoine Fuqua et Denzel Washington, nous restons cependant plus perplexe sur son intérêt artistique. Parce qu’à l’opposé d’autres actionners bourrins portés par des stars hollywoodiennes vieillissantes venus y trouver une drôle de cure de jouvence en s’éclaboussant le visage avec le sang de leurs nombreux adversaires, Equalizer aura été, en comparaison avec des sagas telles que Taken où John Wick et leurs multiples rejetons, bien trop sage à notre goût. Parce qu’avant d’être un justicier implacable et violent, le personnage campé par Denzel Washington ressemble bien trop à son acteur, et à l’image de bon chrétien qu’il souhaite véhiculer autour de ce qui ressemble plus à un véhicule qui lui est entièrement dédié plutôt qu’à un véritable tour de force.
Cependant, on ne pourrait nier que malgré son manque de panache, la trilogie mise en scène par l’exécuteur de commandes Antoine Fuqua ne s’est pas avérée irréprochable techniquement, offrant, malgré des durées totalement abusives pour ce qu’ils veulent finalement raconter, des projets dotés de beaux moments de tension, très honnêtement exécutés. L’occasion donc, au moment où la franchise s’éteint avec un troisième opus sorti cette semaine, de vous livrer notre classement, tout personnel, très subjectif, et dénué de la moindre violence. Attention, cependant, quelques SPOILERS, même de moindre importance, peuvent se glisser entre nos lignes.
3. Equalizer 3 (2023)
L’histoire : Robert McCall a trouvé refuge dans le sud de l’Italie. Mais son petit coin de paradis paisible se voit troublé par la mafia locale, qui s’en prend un à un à tous ses nouveaux amis…
Robert McCall est donc de retour pour un ultime tour de piste (notre critique), et que ce soit le justicier ou son acteur, tous deux ont l’air, à l’image de cette franchise qui s’éteint, désespérément fatigués. Parce qu’après une introduction brillante rompant net avec la monotonie de cet impassible personnage, ici enfin transfiguré en monstre froid qui démontre enfin quelques signes de faiblesse, Equalizer 3 regagne rapidement son infaillible et ennuyeuse ligne de conduite dans un dernier opus qui ne fait que reproduire, sans aucune inventivité ni tension, les maigres acquis d’une franchise manquant définitivement de souffle. L’allure fantomatique et le regard éteint de Denzel Washington auront ainsi réussi à contaminer jusqu’à cet inutile dernier opus, dont l’Italie et sa camorra ne sont ainsi qu’une maigre illusion pour tenter de cacher cette énième et ennuyeuse redite.
Tous autour de l’acteur ne sont ainsi qu’un défilé de stéréotypes, des méchants mafieux aux gentils locaux, dont l’humanité ou la monstruosité se voient étouffés par l’absence totale d’audace et de prise de risques d’un trio d’artistes ici évertués à délivrer le minimum syndical. Que ce soit le scénariste Richard Wenk, qui signe un pâle copier-coller de ses deux précédents et déjà très perfectibles travaux ou le metteur en scène Antoine Fuqua, se contentant de glorifier une dernière fois un acteur qui s’efface, tous copient l’allure de ce désormais fantomatique justicier qui aura fait du manque d’audace sa principale ligne de conduite. Une fin sans tambour, et en Italie, avec pâtes et sans patate.
2. Equalizer (2014)
L’histoire : À Boston, Robert McCall travaille dans un magasin de bricolage : c’est un employé modèle, qui s’évertue à aider ceux qui l’entourent. Mais la nuit, il redevient ce veuf insomniaque écumant chaque fois le même café pour lire et boire sa tisane. Jusqu’au jour où il croise la route d’une jeune prostituée malmenée par la mafia russe, et que son passé d’ancien agent secret réveille le justicier impitoyable qui sommeille en lui…
Il fallait bien un début, et après avoir vu des noms tels que Russell Crowe et Paul Haggis où Nicolas Winding Refn s’être emparés successivement du projet, ce sera finalement le duo Antoine Fuqua et Denzel Washington qui emportera la mise, treize années après l’uppercut Training Day, avec à la clé un Oscar pour son acteur. L’imper beige porté par Robert McCall dans la série originale laisse donc place aux tenues de l’américain modèle campé par un Denzel Washington employé de magasin de bricolage sans histoires, dont le passé militaire trouble resurgira face à la mafia russe, alors qu’il se prend d’amitié pour une jeune prostituée (Chloë Grace Moretz) passée à tabac. La durée de ce premier opus (deux heures et douze minutes, tout de même) paraît ainsi quelque peu insensée au vu de ce qu’entreprend de raconter et de lancer ce premier opus.
Parce qu’à part son exécution technique aussi propre qu’impersonnelle, Equalizer, face à la concurrence, n’a rien de réellement neuf à proposer. Si l’on admire les quelques mises à morts, surtout dans le réveil de ce veuf trouble se muant en tueur professionnel, ce premier opus est surtout l’occasion de remettre son acteur sur le devant de la scène en lui offrant une franchise taillée rien que pour lui. L’occasion pour Denzel Washington de se montrer en bon chrétien déterminé à racheter ses pêchés passés, surabusant sa sagesse à coup de lectures, de discours de motivations et de tisanes. C’est ainsi ce qui constituera la force et la limite de la franchise : malgré le charisme de Denzel Washington, la récompense s’avère parfois bien maigre pour ce que le film à réellement à offrir, autre que la prestation d’un acteur venu imposer son propre mantra au mépris de la fougue et de l’originalité.
1. Equalizer 2 (2018)
L’histoire : À Boston, Robert McCall est devenu chauffeur VTC, mais est resté ce justicier discret et impassible. Lorsqu’il apprend que sa meilleure amie Susan Plummer a été assassinée lors d’une mission à Bruxelles, il retrouve un ancien coéquipier, Dave York, et tente de retrouver les meurtriers…
55 millions de dollars de budget pour le premier opus, et 200 millions de dollars amassés au box-office mondial : la mise en route d’un deuxième opus relevait donc de l’évidence, et qu’elle soit plus réussie que son prédécesseur presque tout autant. Parce que si ce deuxième tour de piste s’avère toujours doté d’une durée effarante au vu de ce que son scénario souhaite raconter, Antoine Fuqua semble ici plus sûr de lui et du potentiel de sa franchise en signant quelques beaux moments de tension au milieu d’un ensemble cependant toujours aussi monotone. On retiendra ainsi, outre la présence de Pedro Pascal, une quête plus personnelle et quelques scènes véritablement prenantes, avec en parangon un final en pleine tempête superbement exécuté. En délaissant la mafia et en s’attaquant à des flics pourris, Equalizer 2 ne renouvelle ainsi rien qu’une approche plus moderne d’un justicier du quotidien transfiguré en chauffeur Uber.
Les personnages secondaires, en plus d’être plus travaillés et directement reliés au passé du héros, délivrent ainsi le minimum syndical d’émotion qui faisait cruellement défaut au premier opus, ce qui sera définitivement oublié dans le dernier volet. C’est finalement peu de choses, mais cela rend l’intrigue beaucoup plus intéressante à suivre sur la durée, et offre aux moments d’affrontements quelques belles montées d’adrénaline. Malheureusement, l’impassibilité et l’immortalité de ce héros effacent tout possible suspense, et les leçons de morale de ce vieux sage maniaque s’avèrent toujours aussi lourdes que répétitives. Malgré une belle facture technique, rien ne vit dans cette franchise que le numéro d’un acteur venu jouer les vieux sages au mépris de l’audace et de la prise de risque de ses impériales prestations passées. Rien ne vit plus dans les yeux de l’acteur, comme dans ceux, éteints, du spectateur.