Avec plusieurs millions de visionnages, Validé est le nouveau phénomène français du petit écran ! Franck Gastambide s’est associé à Canal pour livrer la première série française se déroulant dans l’univers de rap game. Et le résultat est validé !
Difficile d’imaginer le réalisateur des Kaïra ou de Pattaya à l’œuvre sur une série sur le rap français. En effet, plus coutumier des comédies potaches, c’est avec une grande curiosité qu’on attendait Validé, mais aussi via une légère inquiétude à l’idée que le résultat soit foiré ! Mais tout ça, c’est oublier que Franck Gastambide a fait ses débuts avec le collectif Kourtrajmé, dont sont issus Ladj Ly ou encore Romain Gavras et Kim Chapiron. Une bande de joyeux lurons ayant fait leurs armes dans l’audiovisuel notamment à travers la mise en scène de clips musicaux pour Mafia K’1 Fry ou DJ Mehdi !
Aborder le rap dans une série peut sembler pertinent, mais terriblement casse-gueule à bien des égards. Si Outre-Atlantique, des shows comme Atlanta ou Empire ont pris le médium de l’industrie pour conter leurs histoires, le rap et le hip-hop n’a jamais été réellement abordé en France, que ce soit au cinéma ou la télévision.
Genre musical numéro 1 dans le monde aujourd’hui, le rap s’est implémenté dans les années 90 sur nos belles contrées via des groupes mythiques comme Suprême NTM ou IAM. Directement influencé par nos voisins américains via l’apogée de NWA, 2Pac ou Biggie, le rap s’est démocratisé, bien que souvent connoté « gangsta, guns et drogues ». Une image qui véhicule des mythes variés, étant issus des bas-fonds défavorisés et de la banlieue.
C’est avec tout cet héritage et cette image que Gastambide a imaginé Validé comme la 1e série francophone se déroulant das le milieu du rap. Le piège aurait été de dépeindre la rue de manière clichée et rebutante, en exagérant les traits, et ainsi la fermer à son public. Heureusement, le réalisateur (derrière la majorité de la mise en scène des épisodes et à l’écriture sur chacun d’entre eux avec des co-scénaristes) ne tombe dans aucun de ses écueils !
Apash aussi rapide qu’une kalash
Validé nous introduit Clément Sabayo dit « Apash », jeune rappeur en herbe de 25 ans oscillant ses journées entre son job de livreur, les sorties entre potes hors de sa banlieue et ses rêves de succès dans la musique. Ayant grandi sans père, désireux d’aider sa sœur à décrocher une bourse ou encore aider financièrement sa mère, notre héros se retrouve également dans de sales histoires de passage de drogue. Tout changera le soir où lors d’un appel pour Skyrock, il impressionnera tout le monde avec des freestyles d’anthologie, notamment la star du rap Mastar.
A la fois success story à la Rocky, drame banlieusard renvoyant à La Haine (notamment via un trio d’amis principal) et série réaliste sur le milieu du rap game à la Entourage (Gastambide cite la série HBO comme une immense source d’inspiration), le show multiplie les influences. Et comme cette dernière, Validé se garnit d’un casting comportant un nombre conséquent de gens du milieu pour garantir une authenticité certaine. De Lacrim à Kool Shen en passant par Mac Tyer, ou les apparitions de Soprano, Gringe et Ninho, c’est tout une galerie de figures emblématiques du rap (contemporaines ou de l’âge d’or) qui assure une vraie légitimité à Validé, en plus d’être utilisés à bon escient sans dévier des personnages principaux !
En parlant de ces derniers, c’est du réussi ! Clément « Hatik » se révèle être un personnage bien écrit et attachant. S’il n’est pas un acteur confirmé de base, son réel pied dans le rap lui donne une vraie crédibilité, tout en étant très à l’aise dans la peau d’un personnage empathique et au parcours compréhensible. Loin de la petite frappe ou de la racaille de bas étage, il est la porte d’entrée et le guide du spectateur dans la série. Son trio avec Brahim « Chinois » (le rigolo et gaffeur de la bande) et William (le manager stratège quia la voix de la sagesse) est le réel moteur de Validé, offrant une excellente dynamique de groupe.
A côté de cela nous pouvons aussi compter sur Sam’s (Mastar) et Bosh (Karnage) en rivaux de poids, offrant un regard moins glorieux d’un milieu ou la compétition et la rivalité est légion, où les mots fusent aussi vite que des balles. Grand fan de la série Gomorra (dont il reprendra régulièrement les teintes vertes de la photographie), Gastambide ne néglige pas la partie plus sombre de Validé, via l’évolution d’Apash dans un milieu criminel auquel il tente d’échapper. Des sous-intrigues loin d’être gratuites ou au côté gangsta invraisemblable, mais un arc offrant un regard sur une banlieue défavorisée où les moyens de survivre sont peu nombreux.
Abordant un milieu profondément masculin, voire machiste, Validé n’oublie pas de donner une voix aux acteurs de l’ombre. Que ce soit Gastambide lui-même en DJ Sno, beat-maker de talent pris dans le feu des luttes intestines entre artistes, ou bien Sabrina Ouazani en directrice artistique s’imposant dans cette industrie, tout le monde a la place pour briller.
Dans cette constellation de personnages fouillés plus ou moins sympathiques, la série n’en reste pas là. Mise en scène carrée et soignée (sans en faire des caisses pour viser le réalisme), personnages réussis, bande-son qui envoie, thématiques actuelles sur la puissance du buzz et des réseaux sociaux, une durée parfaite de 5h… En effet les 10×30 min s’enchainent à une vitesse dingue, offrant un rythme sans faille à un scénario plaisant qu’on suit avec un vrai plaisir.
Tu viens de la rue mais tout est validé ?
Si les cliffhangers et retournements de situation défilent à une cadence folle, cela se fait aussi au détriment de la progression narrative. En effet, l’ascension du personnage principal est plutôt rapide (la saison se déroule sur 6 mois), des situations sont aussitôt résolues quelques minutes après, et on aurait aimer passer plus de temps en coulisses sur l’élaboration des sons pour mieux apprécier cette plongée dans la philosophie de ce milieu.
Une super vitesse qui dessert la dramaturgie et la profondeur du scénario, ce qui est quand même dommage. On pourra aussi regretter un léger manque d’émotion, malgré les thèmes abordés ou une sympathique romance naissante dans cette saison, qui aurait permis d’élever le tout vers la catégorie supérieure. Mais heureusement Validé reste maîtrisée, cohérente et dotée d’une réelle vision, pour 10 épisodes sans aucun temps mort. L’humour est également présent à bonne dose pour contrebalancer le drama et la tension ambiante.
En définitive, Validé est LA réelle surprise série de ce début d’année. Emprunte d’amour pour son sujet, prenante et inspirée, dotée d’un casting réussi avec de très bons personnages, on tient là une nouvelle série se révélant être le plus gros succès dans l’Hexagone (avec plus de 10 Millions de visionnage en 8 jours).
Destinée à tous les publics, elle plaira aux aficionados tout comme aux néophytes qui découvriront l’envers d’un milieu parfaitement documenté. La cerise sur le gâteau ? Un cliffhanger final puissant et surprenant, qui promet une saison 2 passionnante, déjà prévue 2021. Bref, Validé c’est validé !