Seth Rogen et Evan Goldberg reviennent sur le devant de la scène avec The Studio, une série sur les coulisses hollywoodiennes qui dégouline de leur amour communicatif pour le cinéma, dans une proposition hilarante, absurde, crade mais ô combien singulière et déjà culte. Magistrale !
Matt Remick, le nouveau directeur du Continental Studios, ne vit que pour et par le cinéma. Il va tenter de redresser la major à la tête de laquelle on vient de le placer contre vents et marées, les réalisateurs capricieux, l’image publique du studio, les relations presse, les délires des acteurs, ça ne sera pas de tout repos. Développée par Seth Rogen et son comparse Evan Goldberg, The Studio est une nouvelle pépite signée Apple TV+ qui nous offre une comédie caustique, à l’image de ses paternels, fourmillant d’idées visuelles comme narratives pour aborder la crasse, mais surtout le rêve, véhiculé par la machine hollywoodienne. Un bijou.

Créée, écrite, réalisée et produite par Seth Rogen (qui est également devant la caméra pour interpréter le personnage principal) et son comparse Evan Goldberg, The Studio nous offre un florilège des thèmes et des genres appréciés par les deux enfants terribles de Hollywood. Pourtant, si les sales gosses dirigent ce projet un peu fou, sorte de plongée méta dans leur propre environnement naturel, ils sont aidés dans cette tâche par Peter Huyck, Alex Gregory et Frida Perez. Ainsi, cette équipe de choc co-produit et co-scénarise chacun des 10 épisodes de cette satire du showbiz, particulièrement savoureuse sous la houlette de Point Grey Pictures et Lionsgate Television.
Hollywood sous acide
Le style de Rogen et Goldberg est reconnaissable entre mille. De Preacher à The Boys, en passant par Invincible, leur patte télévisuelle est celle d’un barouf parfaitement orchestré, où la violence du verbe répond à une démesure graphique. Avec The Studio, ils s’attaquent à Hollywood, un univers qu’ils connaissent bien, pour en révéler les dessous avec une ironie mordante. Comme dans This is the End, ils analysent les faux-semblants du star-system, mais ici, leur regard est plus adulte (ou presque) et plus féroce. Bye bye l’apocalypse et bonjour l’hystérie quotidienne des studios. La réalité devient alors une comédie hallucinée, où les situations loufoques restent néanmoins toujours ancrées dans une réalité palpable.
Ainsi, au cœur de The Studio réside une tension permanente entre l’art et l’industrie, entre la passion créative et la machine commerciale hollywoodienne. Cette bataille se cristallise autour de la franchise Kool-Aid (fil rouge narratif de la saison), projet initialement confié à Martin Scorsese avant d’être rapidement arraché des mains du maître pour être confié à un réalisateur plus jeune et malléable, signe que l’industrie préfère façonner des produits calibrés plutôt que soutenir l’ambition artistique. Ce blockbuster ultra-marketé, pensé pour reproduire le succès de Barbie, devient un symbole du cynisme hollywoodien, où les décisions ne sont dictées que par les prévisions de rentabilité.

Matt Remick, lui, tente d’évoluer dans cet univers impitoyable, déchiré entre son amour du cinéma et la pression de faire fructifier le studio. Il jongle entre rachats de scénarios sacrifiés sur l’autel du profit, compromis absurdes et coups bas du business alors que la série dissèque avec un humour acéré les coulisses du pouvoir, où chaque film se négocie comme un produit de consommation. Mais The Studio ne se contente pas d’être d’une critique acerbe : elle met en lumière ceux qui, envers et contre tout, tentent encore de faire exister un cinéma audacieux.
Seth Rogen, au centre de l’objectif, porte littéralement le show sur ses épaules avec une énergie débordante. Son interprétation de Matt Remick est à la fois touchante et délirante, entre celle du boss dépassé et du passionné dévoré par son métier. A ses côtés on retrouve Catherine O’Hara, Kathryn Hahn, Ike Barinholtz, Chase Sui Wonders et même Bryan Cranston (délicieux en mode Tom Cruise dans Tonnerre sous les Tropiques), tous parfaits dans leurs rôles respectifs, aussi perchés qu’inspirés. Un casting tout simplement fabuleux mais dont la vraie surprise vient surtout de l’incroyable galerie de guests puisque chaque épisode s’articule autour de l’arrivée d’une nouvelle personnalité, dépassant l’effet caméo pour s’intégrer pleinement à la satire. Martin Scorsese, Ron Howard, Zoë Kravitz ou même le boss de Netflix lui-même viennent incarner leur propre image avec une autodérision jouissive.
Free the camera
Pour décupler son ambivalence folle, il fallait au show d’appuyer son irrévérence sur une véritable maîtrise formelle et on découvre alors que les plans-séquences forment l’ADN de The Studio. Chaque épisode repose sur ces longs travellings qui transforment le chaos hollywoodien en un ballet aussi fluide que frénétique. Le second épisode, intitulé The Oner (plan séquence chez Shakespeare) entièrement tourné en un plan de 30 minutes, en est le point culminant. Mais toute la série regorge de moments où la caméra s’attarde sur des discussions absurdes et des tractations surréalistes, donnant une dynamique unique aux dialogues et à la narration. Certains épisodes prennent même des identités propres, comme cette parodie de Chinatown, ou quand elle nous offre le rare privilège d’observer les coulisses d’événements mythiques du showbiz comme les Golden Globes, où les accords et les tensions se jouent loin des projecteurs.

Mais sous ses airs de comédie potache, The Studio est avant tout une déclaration d’amour au cinéma. C’est une série pour les cinéphiles, ceux qui aiment le cinéma, vont voir des films et qui en parlent. Rogen et Goldberg n’ont jamais caché leur fascination pour Hollywood et le septième art, et ici, ils s’autorisent une plongée totale dans cet univers, entre hommage et déconstruction, dans une mise-à-nue terriblement contagieuse. Ainsi, les bougres y déversent tout ce qui les anime depuis leurs 16 ans, lorsqu’ils ont débarqué à Los Angeles avec des rêves plein la tête. Leur vie, leurs obsessions, leurs désillusions et leurs fous rires : tout y est, livré avec une sincérité dingue et communicative, et ils nous invitent à rêver avec eux. Alors merci, merci pour ça messieurs Rogen & Golderbg.
Avec The Studio, Seth Rogen et Evan Goldberg livrent une satire mordante et hallucinée d’Hollywood, où ce joyeux bordel devient, au final, la plus sincère déclaration d’amour au cinéma vue depuis longtemps. Probablement la meilleure série de l’année, et nous ne sommes qu’en mars.
Les deux premiers épisodes de The Studio sont diffusés ce 26 mars, puis un épisode par semaine jusque fin mai.
avis
La saison 1 de The Studio dynamite Hollywood dans une satire acide et un amour sincère du cinéma dans un tourbillon jouissif, où chaque plan respire le bordel mais surtout la passion dévorante.