The Outsider ce sera montrée comme la série évènement de ce début 2020, pulvérisant des records d’audience pour une nouveauté HBO ! Après un début de saison extrêmement réussi que vaut donc cette adaptation du roman éponyme de Stephen King ?
The Outsider aura su séduire d’entrée de jeu. Prenant place dans une Géorgie à l’ambiance poissarde, nous suivions dans les premiers épisodes l’enquête policière autour de Terry Maitland. Ce dernier, père de famille exemplaire et respecté, se voyait accusé du viol et du meurtre sauvage d’un enfant. Incarné par un Jason Bateman tout en subtilité, la série débutait comme un réel thriller policier à la Prisoners ou The Night Of pour démêler le vrai du faux.
Mais très vite, l’inspecteur Ralph Anderson, joué par un Ben Mendelsohn habité, soupçonne que le véritable tueur court toujours, au même moment ou de nouveaux faits terribles surviennent, rouvrant l’enquête, et questionnant encore une fois l’innocence de Maitland. C’est à ce moment que The Outsider verse vers l’horreur à la Stephen King, où une menace invisible plane, faisant ressortir toutes les peurs et craintes liées au trauma de l’Amérique d’aujourd’hui.
Si la série opère un réel sans-faute pour toute la mise en place de son intrigue et de ses personnages, allié à une mise en scène et un découpage aux petits oignons, The Outsider opèrera par la suite une légère baisse de régime. En effet, la forme sera plus fonctionnelle à intervalles réguliers, tout comme l’écriture plus attendue, la faute à une enquête faisant du léger surplace pour atteindre la longueur de 10 épisodes. C’est bien dommage, mais la qualité reste heureusement présente, avec une vraie cohérence autour de cette histoire plongeant vite dans le fantastique.
Le tout se reflète évidemment visuellement et thématiquement. Sondant les peurs intrinsèques de l’Amérique contemporaine via son tueur aux visages multiples, The Outsider intrigue le spectateur sur la nature de cette menace sortie de l’obscurité. Par la suite, le fameux El Cuco (renvoyant pas mal à Grippe-Sou via son attrait pour les enfants et sa soif des traumas enfouis) se découvrira progressivement. Un rythme étiré, au tempo pas toujours parfait, mais qui a le mérite de dépeindre des investigations sans facilité, ou le travail de terrain et le recoupement des preuves. On ressent toute l’influence de Richard Price, habitué des œuvres parfaitement documentées du genre.
La raison face à la spiritualité
Si El Cuco se révèle être un antagoniste fascinant, il est très peu présent à l’écran. Pourtant son emprise sur les personnages, les évènements, et donc le spectateur, est palpable dans chaque épisode. Que ce soit des apparitions furtives, à découvert ou non, il infuse l’esprit des protagonistes tel une combustion lente. A ce titre, chaque acteur livre une interprétation admirable. Outre Mendelsohn, dont le personnage perdra ses acquis pour mieux accepter la possibilité du fantastique comme catharsis de ses maux, The Outsider a la très bonne idée de placer Holly Gibney comme moteur de la série.
Cette dernière, interprétée par une Cynthia Erivo toute en excellence, est un personnage récurrent de l’œuvre de King, vue notamment dans Mr Mercedes. Parfaitement retravaillée pour cette adaptation, nous avons affaire à une détective adeptes de troubles obsessionnels compulsifs et d’une personnalité schizotypique renfermée. Un personnage proche de l’autisme d’aucun dirait, qui se révèle attachant, notamment dans une histoire d’amour naissante touchante. Mais Holly est surtout un personnage captivant par sa propension à croire l’incroyable,n’écartant aucune piste, et ayant une longueur d’avance sur une police esclave de sa rationalité protocolaire. Un excellent vecteur des évènements de la série.
Si la série perd en superbe en milieu de chemin en diluant sa tension et multipliant ses pistes d’enquête pour recouper les preuves, The Outsider retrouve un rythme soutenu et captivant dès pour sa dernière ligne droite. Utilisant un intense Marc Menchaca (Ozark) comme un esclave conscient de El Cuco, la série se permet des saillies de violence et de tension bienvenues, jusqu’à un épisode 9 sanglant, mélancolique et apportant ses moments de flippe.
Un final qui n’aura pas forcément grand chose d’original, mais qui a le mérite de jouer habilement de ses dédales de grotte dans la pénombre. Légèrement facile dans son écriture, notamment dans les diverses décisions des personnages, le tout se révèle bienvenu dans la manière de conclure l’arc de chaque personnage, unis dans cette cause.
La meilleure adaptation télévisuelle de Stephen King
Si The Outsider n’évite pas de légers écueils, difficile de rester insensible face à une adaptation à la fabrication de qualité, ayant compris l’univers de son auteur, et remanié un récit balisé pour créer une intrigue sombre et prenante. Via une musique et une photographie travaillée pour créer l’anxiogénéité, la série se démarque par l’écriture de ses personnages.
Chaque acteur est impliqué allié à une caractérisation fine, pour un traitement inspiré du deuil et des traumas du passé. The Outsider est la meilleure adaptation télévisuelle de Stephen King, et un coup réussi pour la première incursion de HBO dans le registre du fantastique et de l’épouvante pure. Une série à ne pas négliger donc, prouvant encore une fois le talent de Richard Price, et la qualité des productions de la fameuse chaîne.