Après un début tout à fait prometteur, The Idol se sera révélée comme une malheureuse déception via une saison 1 brinquebalante. Pourtant, le nouveau show de Sam Levinson (Euphoria) a de quoi réjouir dans ce drame provocateur avec The Weeknd et Lily-Rose Depp. Hélas, la maîtrise narrative et de point de vue fait défaut à ce qui aurait pu être le Showgirls d’HBO.
Après sa présentation controversée à Cannes, nous étions plutôt enthousiastes vis-à-vis de The Idol, nouvelle série prometteuse de Sam Levinson (Euphoria, Malcolm & Marie). Et pour cause, le nouveau show d’HBO nous prenait par le col pour nous plonger dans un conte de fée déviant aux côtés de Jocelyn (Lily-Rose Depp), une jeune star de la pop au passé traumatique. Devant jongler entre sa fragilité intérieure et l’hypersexualisation du monde de l’entertainment moderne, cette dernière faisait la rencontre du mystérieux Tedros (The Weeknd) dans le pilote.
Mais rapidement, cet obscur propriétaire de nightclub se sera immiscé dans la vie de Jocelyn, au point de la contrôler à tous les niveaux (musicalement, physiquement, mentalement..). Une emprise qui s’étend à d’autres aspirants artistes pris sous son aile, désormais prisonniers d’un culte au sein duquel Tedros les brise pour exploiter leur talent.
PIMP my Weeknd
Un postulat de base tout à fait accrocheur, dans lequel The Idol s’engouffre joyeusement via un abord faussement sulfureux, qui embrasse tout le caractère vulgaire et décadent du milieu qu’il dépeint. On pense tout de suite à Showgirls de Paul Verhoeven, film culte lui aussi dénigré à l’époque de sa sortie. Néanmoins, The Idol va rapidement pêcher par une composante non-négligeable : son scénario !
En effet, The Idol aura nourri les débats par un « male gaze » sans fards, et pourtant Sam Levinson met les pieds dans le plat de manière tout à fait réjouissante (et un peu grasse certes) pour montrer les affres d’un showbiz dont le fer de lance est la course à l’hypersexualisation. N’importe qui au courant de la représentation féminine dans les clips musicaux ne devrait ainsi pas être surpris par ce pointage de doigt.
The Idol ne prend aucune distance, et montre à tire-larigots les diktats d’un milieu (et donc d’une Amérique moderne) friand de paroles graveleuses, du dénudement corporel et de figures féminines soumises à son public. Et lorsque The Idol plonge dans ces coulisses, la série est à son meilleur. Un postulat là encore cristallisé dans les premiers épisodes (le tournage de clip allant jusqu’à l’usure psychologique).
Agents véreux (Jane Adams est d’ailleurs bien convaincante en exécutive ultra cynique) mis de côté, The Idol s’attarde ensuite beaucoup plus sur le fameux Tedros et la maison de Jocelyn se transformant en prison pour ses occupants. Et si l’emprise qu’à un The Weeknd à queue-de-rat est exposée d’emblée sans gros questionnement (évidemment, le personnage est répugnant et vile, sans que la série n’en fasse l’éloge), le traitement de Jocelyn se révèle bien trop trouble pour nous satisfaire d’un quelconque arc narratif satisfaisant !
Ooh ooh child, thing’s are not gonna get easier
Initialement présentée comme une enfant-star ayant subi l’autorité toxique d’une mère désormais décédée, Jocelyn navigue dans cet univers avec aisance, comme porte-étendard de toutes les problématiques de la série. Et si le fait de la voir tomber sous la coupe de son crush démoniaque, il sera d’autant plus étrange de ne jamais la voir questionner les dérives sectaires d’un Tedros allant toujours plus loin dans la domination collective.
Fait encore plus dommageable lorsque la série opère un soubresaut bienvenu dans l’épisode 4, où Jocelyn commence à percevoir le pot-au-rose. Et pourtant, The Idol semble être amputée de plusieurs axes narratifs, dès lors que le season finale s’embrayera avec un 5e épisode précipité (la série devait compter 6 épisodes, que s’est-il donc passé ?) dans ses résolutions ou le traitement de tous ses personnages.
Pire, un ultime revirement intervient pour amorcer une saison 2 incertaine, opérant une nouvelle balance de pouvoir au sein du couple principal. La problématique de savoir si une dramaturgie claire et faite avec sens était bien présente dans The Idol se pose donc, tout comme la question de savoir ce qui a bien pu se passer en coulisses.
Au final, cette saison 1 (qui aurait pu/dû être une mini-série de qualité) déçoit et se révèle fatalement plutôt lisse dans l’abord du star system, le fonctionnement de l’embrigadement sectaire et de l’exploitation de ses sujets, passé son amorce réussie. Un constat cruel tandis qu’en terme de fabrication, Sam Levinson amène un vrai soin typique de ses précédentes réalisations.
Une idole de toute beauté
Nous ne sommes pas dans le style sur-expressif d’Euphoria, mais The Idol bénéficie d’une superbe photographie en 35mm (une rareté dans le monde de la télévision) et d’un style visuel calfeutré qui titille la rétine avec plaisir à chaque photogramme. Une manière de sublimer la pestilence du milieu dépeint, et cela fait étonnamment sens !
Même en terme de musique, Mike Dean (producteur de Kanye West qui a aussi un petit rôle ici) et The Weeknd font également les choses en grand, que ce soit pour la soundtrack (« The Lure ») ou bien pour la playlist (« One of the Girls »). Bref, The Idol fait office de série qualitative sur la forme, portée par un casting de têtes plus ou moins connues !
Le personnage de Tedros aura fait couler beaucoup d’encre, et pour cause, The Weeknd use de son image afin de la détourner, en incarnant un prédateur que l’on appréciera détester, avant de le voir de plus en plus pathétique au fur et à mesure des épisodes. Un traitement tout à fait adéquat là encore, tandis que The Weeknd se veut curieusement plutôt convaincant malgré les excès du personnage.
Nepo baby à contre-emploi
De l’autre côté du spectre se tient une Lily-Rose Depp véritablement investie dans cette protagoniste de starlette borderline. Un rôle pas facile où l’actrice défait son image de fille sage à son papa, mais dont l’aspect « personnage-porte d’entrée » initial se voit flouté au fil de l’intrigue. On appréciera ensuite un casting plus ou moins bien utilisé (Hank Azaria, Moses Sumney, Eli Roth, Suzanna Son, Karl Guzman…), mais qui se révèlent cruellement mis de côté encore une fois, à l’instar de la chanteuse Jennie.
Au final, The Idol fait office de gros pari manqué malgré de belles intentions, une bonne amorce de proposition « rentre-dans-le-lard », un casting plutôt réussi et un vrai soin en terme de fabrication globale. 5 épisodes qui ne se regardent pas sans déplaisir, avec son lot d’axes thématiques pertinentes, pour avoir l’impression de s’être arrêté au milieu du guet.
The Idol est disponible sur Prime Video via le Pass Warner
avis
The Idol est peut-être la vraie déception série de l'année. Sans être réellement ratée, la nouvelle œuvre de Sam Levinson laisse la curieuse impression d'un acte manqué et d'un projet diablement excitant et provocateur sur le papier...pour au final bazarder son traitement et laisser plusieurs plans narratifs sur le côté dans l'optique d'une saison 2. C'est beau et pertinent, mais c'est vain !