Jason Reitman et Hugh Jackman se livrent à une petite leçon d’histoire avec The Front Runner et en profitent au passage pour taper sur les médias.
« Je tremble pour mon pays quand je pense que nous pouvons avoir le genre de dirigeants que nous méritons » déplorait Gary Hart, grand favori de la présidentielle américaine en 1987, anéanti par le premier scandale politique moderne lié à son infidélité. Sujet dont s’empare l’inconstant Jason Reitman (Tully) pour son The Front Runner.
En l’état, on pourrait considérer que le film est un grand « mais » puisque chacun de ses aspects se veut tout autant pertinent qu’incomplet. Rien que derrière la caméra, le réalisateur joue avec les cadres pour tantôt nous offrir un point de vue subjectif de la situation, tantôt lui donner quelque chose d’impersonnel, appuyant ainsi la dimension intemporelle de l’affaire. Malgré ça, rien n’est fait pour nous entraîner vraiment dans l’action et là où un Pentagon Papers pouvait nous prendre aux tripes, on se retrouve ici bien trop passif. On saisit ce qui se passe, mais on ne le vit pas.
The Front Runner et la culture de l’ambigu
Bien que son discours sur les médias soit davantage destructif que formateur, on ne peut nier que The Front Runner tape là où ça fait mal, à raison. Derrière ces journalistes en quête de scoop racoleur, on retrouve les futurs tabloïds, les chaînes d’infos en continu et évidemment la course aux clics sur internet. Plus de trente ans après, rien a changé et c’est même pire. Même constat du côté des politiques dont la peoplisation de leur vie privée est devenue partie intégrante de leur image publique. Que serait un couple présidentiel sans Paris Match ? Que serait François Hollande sans son scooter ? De la même manière qu’Idiocracy, le long-métrage parle d’un futur bien sombre, à la différence près que c’est désormais notre présent.
Et si Reitman pose les bonnes questions, il se garde bien d’apporter des réponses, ne jugeant ni la situation, ni ses personnages. Il en est de même pour Hart, campé par un Hugh Jackman toujours aussi charismatique, finalement pas assez présent à l’écran pour qu’on puisse démêler le vrai du faux. Est-il un politicien habile ? Un honnête visionnaire ? Un manipulateur infidèle ? Le réalisateur préfère laisser au spectateur le soin de se faire sa propre opinion sans avoir toutes les clés de compréhension. L’idée est bonne, proche de la réalité – notre perception d’un politique étant conditionnée par les médias et l’homme lui-même -, mais également frustrante et ambiguë (que cherche-t-il à nous dire ?).
Lors de son retrait, Gary Hart déclara : « Dans la vie publique, il y a des choses intéressantes, mais ça ne veut pas nécessairement dire qu’elles sont importantes ». C’est ce qu’est The Front Runner, un film intéressant, mais dont les insuffisances l’empêchent d’être important.