Après La French et Bac Nord, Cédric Jimenez retourne au polar avec Novembre, présenté à Cannes dans la catégorie Hors Compétition. Porté par un casting de talent, le métrage nous invite à revisiter les 5 jours qui ont suivi les attentats du 13 novembre 2015. Malheureusement, peu de choses semblent être incarnées dans ce thriller sans réel angle d’attaque.
Malgré quelques polémiques, Bac Nord fut un franc succès (encore plus au niveau spectateurs) en 2021, avec un Cédric Jimenez s’affirmant dorénavant comme un des réalisateurs les plus musclés en terme de mise en scène. Amoureux du polar 70’s, le réalisateur aura su en comprendre les codes pour les retranscrire dans un contexte typiquement français. Bref, il était donc tout à fait légitime d’attendre Novembre, surtout avec la charge émotionnelle qui en découle au sein de nos subconscients !
Rappelez-vous : le 13 novembre 2015, plusieurs vagues d’attentats islamistes auront touché la capitale. Les abords du stade de France et quelques rues seront touchées, mais le plus sanglant demeure la tuerie du Bataclan, cristallisant un réel trauma dans l’esprit français même des années plus tard. Au total, plus de 130 victimes, et une traque acharnée de la police afin de retrouver les coupables. C’est ainsi que Olivier Demangel (Atlantique, Baron Noir, Tirailleurs) propose un scénario dès 2017, occultant les attentats pour uniquement se focaliser sur l’investigation qui aura suivi.
Plongée dans le service anti-terrorisme
Le postulat de base est tout à fait légitime, mais peut être questionné d’entrée de jeu. Au décours d’une scène d’intro à Athènes extrêmement immersive, nous découvrons le personnage de Fred (Jean Dujardin) dirigeant une équipe de contre-terrorisme, sans parvenir à alpaguer la tête pensante. Plusieurs mois plus tard, c’est avec une grande pudeur que Jimenez décide d’aborder la fameuse soirée du 13 novembre, alors que divers policiers sortent de leur occupation suivant une alerte téléphonique massive.
Une démarche faisant office de véritable note d’intention, alors que les 1h40 de film se passeront auprès des forces de l’Ordre. S’ensuivent donc séquences de perquisitions, d’interrogatoire, de filature jusqu’à la fameuse opération musclée le soir du 18 novembre. Et si le postulat est louable, c’est là que le bas blesse grandement, alors que Novembre ne parvient pas à encapsuler tous les tenants et aboutissants pivots de cette affaire importante.
En prenant le film par le prisme du polar, Novembre devient donc beaucoup trop programmatique, compensant par un montage sans réel temps mort une succession de séquences attendues dans ce type de film, sans grande gestion de suspense, gravitas ou même émotion. Les moments de respiration et d’incarnation sont donc très rares, et Jimenez se sert avant tout de son très bon casting comme béquille.
Jean Dujardin en impose en chef de section, malgré le peu de caractérisation préalable (l’intro), tandis que Sandrine Kiberlain et Jérémie Renier peinent à exister autrement que par leur charisme et autorité naturelle retranscrite. Un constat dommageable, pour des personnages fonction ,intégrée dans une machinerie sans bout de gras ni viande consistante.
Féminin à l’honneur
Malgré tout, la rookie Inès (jouée par une Anaïs Demoustier excellente comme d’habitude) et la source Samia (Lyna Khoudri dans un rôle relativement unidimensionnel, mais incarné). La première parvient à exister un tantinet, notamment via sa relation avec la seconde dans le but de percer les pré-jugés hiérarchiques, et accéder aux fameux terroristes responsables. Cela reste globalement assez balisé, d’autant qu’à part une scène de dialogue pointant clairement que les protagonistes ne peuvent s’attarder sur leurs propre ressenti, nous n’avons aucun affect ou parcours de personnage.
Le plus contestable ceci dit sera si on prend Novembre par le prisme de l’exposé réaliste, alors que le film compile les informations de manière moins globale qu’un documentaire. Au contraire des brillants Zero Dark Thirty, Munich et consorts, Jimenez et son scénariste n’ont visiblement rien à dire sur les institutions sécuritaires, la gangrène du terrorisme, les dysfonctionnements de la police ou bien les impasses d’investigation. Pire, la voix des victimes parait cruellement anonyme et programmatique, regroupée via 3-4 phrases dans une séquence de 2 minutes (là où on met plus en avant le visage des terroristes).
Sec comme un bon whisky
Malgré tout, on évite l’échec là encore via les comédiens, et surtout la fabrication globale du film. Novembre est imprégné d’une mise en scène sèche, brute, proposant parfois quelques fulgurances bien musclées. Outre l’introduction nous plongeant direct dans le bain, c’est bien le climax interventionnel (qui durait plusieurs heures en réalité, ici ramené à du gros mitraillage de quelques minutes) que l’on retiendra. La musique de Guillaume Roussel et la photographie de Laurent Tanguy saupoudrent cette volonté viscérale, mais il faudra ensuite se contenter d’un court épilogue enfonçant les portes ouvertes (« on va lutter contre le terrorisme, car c’est pas fini ») pour que Novembre s’inscrive in fine comme un objet cinématographie bien emballé, mais cruellement creux. Une vraie déception !
Novembre sortira au cinéma le 5 octobre 2022
avis
Novembre est donc bien une vraie déception. Programmatique en temps que chronique réaliste des faits, peu incarné en temps que polar coup-de-poing, le tout se suit heureusement sans gros déplaisir via une mise en scène immersive de bonne facture et des comédiens de talent. Un film écrasé par sa pudeur, qui ne parvient à aucun discours ni encapsulation de la puissance évocatrice de ces évènements traumatiques. Aussitôt vu, aussitôt oublié malgré le soin apporté.