Avec Medellin, Franck Gastambide fait preuve d’ambition, mais s’avère malheureusement rapidement dépassé par les enjeux.
Medellin sonne comme une évidence dans la carrière de Franck Gastambide, à qui tout sourit depuis l’adaptation de son Kaïra Shopping au cinéma en 2012. Depuis, l’acteur-réalisateur n’aura eu de cesse de s’imposer, en poussant le curseur de son premier projet avec le poussif (et fatiguant) Pattaya, avant de réaliser l’un de ses rêves de gosse en mettant en scène un Taxi, avec l’aval de Luc Besson himself. Mais l’ascension ne s’arrête pas là, puisque Franck Gastambide s’est chargé des deux saisons de Validé sur CANAL+, qui furent elles aussi de gros succès d’audience pour la chaîne cryptée. Il était ainsi presque évident de voir l’acteur s’emparer d’une comédie d’action, tout en conservant tout ce qui faisait l’identité de son oeuvre, et aussi de ses énormes lourdeurs.
Parce que Medellin pourrait se voir comme un mashup de toute la filmographie de Franck Gastambide, puisqu’on y retrouve le ton bas du front de son éternelle bande de loosers de quartiers populaires, contraints de quitter leur petite zone de confort pour débarquer en un territoire hostile, et surtout une véritable terre de fantasme. Ce qui est nouveau cependant, c’est ce basculement, ici presque total, vers le cinéma d’action, tendance EuropaCorp et plus particulièrement l’influence d’un certain Michael Bay, avec drapeau américain, armes au poing, soirées cocainées et grosses poursuites. Un goût déjà observé dans la filmographie récente de l’acteur, ayant décroché le premier rôle du remake du thriller coréen musclé Hard Day (transfiguré en Sans répit, et y perdant énormément), avant celui du Salaire de la peur, tous deux pour Netflix. Malheureusement, malgré cette ambition nouvelle, Franck Gastambide se perd, et nous avec.
Les Kaïras s’en vont en guerre
Pour l’histoire, on suit Reda (Ramzy Bedia) et ses deux amis, Stan le fidèle (Franck Gastambide), et de leur ami un peu trop confiant (Anouar Toubali), s’envolant pour Medellin avec l’intention d’aller chercher le petit frère de Reda, Brahim (Brahim Bouhlel), se prenant pour Pablo Escobar et enlevé par des Narcos. Et déjà, quelque chose cloche : on entre dans Medellin comme dans Pattaya, avec une bande de bras-cassés toujours aussi insupportable de bêtise et de clichés, alternant les stéréotypes sur le pays, de la soirée cocaïnée à la virée nocturne forcément en partie oubliée. Pourtant, Franck Gastambide semble étonnamment en retrait, ne sachant apparemment quel rôle jouer face à la véritable muse et le moteur de ce projet qu’est Ramzy Bedia.
Déjà formidable dans le récent Youssef Salem a du succès, l’acteur croque littéralement tout sur son passage, même face à un Mike Tyson venu gentiment récupérer son chèque. Si l’alchimie avec Franck Gastambide fonctionne parfois un peu, cette absence de l’acteur-réalisateur se remarque aussi derrière la caméra, hésitant entre comédie potache, d’action et une fin qui tombe comme un cheveu sur la soupe, d’un acteur-réalisateur visiblement dépassé sur à peu près tous les plans. Parce que si Medellin s’avère mené sans aucun temps-mort, avec ce qu’il faut de rythme et de rebondissements, l’on passe notre temps, après un plutôt surprenant retournement de situation, à se demander où nous emmène réellement Franck Gastambide, coincé entre Pattaya et un Bad Boys 2 sans folie (donc pas un Bad Boys 2).
Bad Boys non-validés
Ainsi, en plus d’un récit mené avec beaucoup d’efficacité, la facture technique de Medellin s’avère assez réussie : la photo d’Antoine Marteau (signant son meilleur travail après avoir collaboré sur Babysitting 2 et Épouse-moi mon pote) rappelle évidemment Michael Bay sans le plagier, et les compositions de Julien Grunberg et Paul-Marie Barbier jouent sans folie mais avec le même professionnalisme la partition d’une comédie d’action savamment menée. Mais voilà : Medellin, sur le fond, ne convainc pas, parce que Franck Gastambide ne va jamais au bout de ses pourtant belles ambitions. La comédie d’action s’avère emballée sans aucune nervosité ni inventivité (malgré de beaux mouvements de caméra), et la comédie s’essouffle peu à peu pour laisser place à une envie de drame toute nouvelle, mais tombant, comme le reste, complètement à l’eau.
Ainsi, malgré un rythme efficace, le show de Ramzy Bedia et une ambition de comédie d’action à la fois nerveuse et sanglante, Medellin échoue à convaincre. Parce que Franck Gastambide semble trop occupé à livrer un spectale rythmé plutôt qu’à y apporter la moindre identité, retombant souvent comme un refuge dans ses pires travers, observés au sein d’une filmographie pas encore assez solide pour rivaliser avec ses écrasantes références. On ne retiendra ainsi de Medellin qu’une sorte de Pattaya dont l’alliage avec Michael Bay et le cinéma d’action américain ne prend pas, comme un mélange forcément raté entre de la pure adrénaline et de la vraie folie avec une simple dose de farine.
Medellin est disponible sur Prime Video.
Avis
Avec Medellin, Franck Gastambide tente un patchwork ambitieux entre Pattaya et le cinéma d'action américain sous grosse influence de Michael Bay. Malheureusement, l'alliage ne prend pas, l'acteur-réalisateur ne sachant offrir une quelconque identité à un projet certes rythmé, mais tournant rapidement à vide, malgré le show de Ramzy Bedia et une direction artistique soignée.