Avec Marcello Mio, Christophe Honoré réalise son propre hommage au cinéma. Une douce comédie portée par une actrice brillante, Chiara Mastroianni. Un film en compétition officielle à Cannes.
Faire un film sur le cinéma, maints réalisateurs se sont attelés à cette tâche, essayant de réaliser une œuvre qui leur correspond, une mise en abyme qui flirte avec le rêve et la réalité. Marcello Mio est l’hommage personnel de Christophe Honoré, un focus sur le métier d’acteur et sur une famille du cinéma, celle de Chiara Mastroianni. Un témoignage adressé directement aux vivants mais aussi à un mort, le père de Chiara : Marcello Mastroianni.
Être fille de…
Tout commence sur un tournage. Tout commence dans une fontaine. Une séquence d’ouverture où se mêlent déjà Chiara et Marcello, une référence directe à La Dolce Vita de Fellini, et à cette scène mythique du cinéma où Anita Ekberg crie à Marcello Mastroianni “Marcello, come here !”. Et voilà que soixante ans plus tard, c’est au tour de Chiara de crier ces mêmes mots pour le bonheur de la photographe.
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La fusion avec son père ne fait alors que commencer. Partout où elle va, Chiara est avant tout la fille de Mastroianni et de Deneuve, un amalgame qui la pousse à se questionner sur son identité. En elle, tout le monde voit ses parents, jusqu’à Nicole Garcia qui lui demande lors d’un casting d’être “plus Mastroianni et moins Deneuve” alors qu’elle pensait être simplement Chiara. De cette confusion naît un trouble de l’identité, Chiara se sent le fantôme de son père, et pour se trouver elle décide de devenir lui.
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Le problème, c’est qu’on n’adhère jamais totalement à son changement identitaire car on ne le comprend pas en détail. Une transformation excessive qu’Honoré ne parvient pas à justifier et qui nous laisse dans un à-côté. Cette incompréhension persiste jusqu’au bout du film, nous laissant un arrière-goût amer : l’élément central de l’histoire nous échappera à jamais.
Une Chiara en Marcello
Malgré tout, Chiara Mastroianni excelle dans le rôle de son père, l’illusion est parfaite. Marcello semble plus vrai que nature, tandis que tout dans le corps de Chiara renvoie à son père : son allure, sa démarche, sa tenue, sa coiffure. Elle devient lui dans les moindre détails, arpentant les rues de Paris, buvant du whisky, devenant l’amie des chiens errants. Chiara s’accapare son histoire, son vécu, et les personnes qui l’entourent, bien que méfiantes, se prêtent au jeu.
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Mais voilà : là encore, le problème est que ça ne semble être qu’un jeu, auquel même les personnages ne croient pas véritablement. Melvil Poupaud et Benjamin Biolay resteront dubitatifs jusqu’au bout. Peut-être qu’Honoré aurait dû pousser plus loin la confusion, jouant davantage sur le trouble que Marcello fait naître chez ses proches. Sa métamorphose perturbe, inévitablement, puisqu’elle fait revivre un mort, et on sent que Deneuve souffre de cette transformation, mais ce trouble reste en surface. A cela s’ajoute le deuil simplement évoqué par un Honoré qui préfère rester dans la légèreté.
Une comédie légère
Marcello Mio est une comédie légère sur la famille où chaque comédien incarne son propre rôle. Malgré les nombreux talents, seul Fabrice Luchini nous persuade par son interprétation et rayonne dans le rôle du meilleur ami prêt à tout pour Marcello. A ses côtés se détache également Hugh Skinner, peut être parce qu’il est le seul à jouer un personnage fictif, un militaire anglais qui recherche l’amour.
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Honoré s’est amusé à réaliser ce film, multipliant les citations et voguant dans un univers qu’il peut moduler à son gré. En suivant cette famille d’artistes, il rêve avec eux, jouant sur les frontières entre illusion et réalité. Le cinéma n’a pas de limite, et si on le souhaite, une loge peut devenir en un instant une rue pavée d’Italie. L’art permet tout, même à Chiara d’être Marcello.
Honoré nous emmène avec Marcello Mio dans une déambulation bien agréable mais qui aurait mérité une destination. Peut-être aurait-il fallu qu’il réalise un film qui parle à tout le monde, et pas seulement à des acteurs jouant des acteurs.
Marcello Mio de Christophe Honoré est à découvrir au cinéma depuis le 21 mai 2024.
Avis
Avec Marcello Mio, Christophe Honoré signe un hommage au cinéma, au métier d'acteur et à la famille de Chiara Mastroianni. Un film sur la quête d'une identité qui ne parvient pas à aller jusqu'au bout de sa réflexion. Une comédie légère qui nous laisse un peu de côté, on airait aimé qu'Honoré s'enferme moins dans un entre-soi.