Les Olympiades est le nouveau film de l’inénarrable Jacques Audiard. Réalisateur prestigieux de notre cinéma hexagonal, ce dernier avait pour habitude de nous plonger dans des récits torturés avant d’opérer un virage plus éclectique. Néanmoins, aucun n’aura paru être une telle réinvention avec cette exploration de la vie amoureuse des 4 trentenaires du XIIIe arrondissement parisien. Via un superbe noir & blanc et un casting en or, Audiard prend un coup de jeune !
Pour comprendre la genèse du film, il faut d’abord se pencher sur Les Intrus, une bande-dessinée de l’américain Adrian Tomine. Composée de 6 nouvelles où s’entrecroisent divers personnages, cette œuvre a tapé dans l’oeil d’Audiard (avant qu’il ne s’engage sur son western en langue anglaise Les Frères Sisters) et de Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu). Cette dernière va écrire un premier jet, qu’Audiard reprendra ensuite aidé de Léa Mysius (Ava). Ainsi nait Les Olympiades, présenté ensuite en Compétition Officielle du Festival de Cannes 2021 !
Le pitch est très simple : nous suivons Camille (professeur qui va se lancer dans l’immobilier), Émilie (étudiante de Sciences Po qui bosse dans un centre d’appels), Nora (bordelaise débarquant dans la capitale pour faire du droit) et enfin Amber Sweet (personnage de cam-girl plus mineur mais d’importance égale), alors que leurs rencontres et destins s’entrecroisent au sein du fameux quartier de Paris 13e. De l’amour (un peu), de la mélancolie (pas mal), mais aussi du rire (beaucoup) et une quête à la recherche de soi (surtout) ponctuent ce récit sous forme de marivaudage.
En prenant de jeunes adultes (étudiants diplômés ou se lançant dans la vie active), Les Olympiades aborde avec pertinence et singularité une génération perdue qui pourtant a tout pour elle. Des trentenaires qui cherchent encore à devenir des adultes, à gérer leurs émotions et surtout à trouver leur identité à l’heure de l’instantanéité des relations. Nos personnages vont donc se rencontrer par hasard, s’amouracher et se décevoir dans un postulat de base certes bien connu et dont la finalité ne surprendra personne.
En effet, autant aborder le grief que l’on peut avoir avec Les Olympiades : à savoir que le scénario ne comporte pas d’enjeux dramatiques autres que son postulat initialement présenté. C’est dommage, tant cela aurait permis d’amener bien plus d’émotion à l’ensemble ! Néanmoins, Audiard, Mysius et Sciamma parviennent avec douceur et authenticité à prendre le pouls d’une génération perdue, issue d’une middle-class multi-culturelle en quête de repères. Une recherche à la fois intime, humaine et professionnelle , dont l’apport des deux cinéastes féminines pré-citées se ressent dans la sensibilité globale de l’écriture.
Ménage à quatre
L’enjeu principal (et donc le plaisir du spectateur) sera donc de suivre le cheminement de ces âmes solitaires et imparfaites. Chacun des personnages se ment à lui-même et est par ailleurs en fuite de quelque chose. Camille (Makita Samba superbe) arrête l’enseignement du français pour se lancer dans un business auquel il est étranger. De plus, il fuit l’engagement amoureux, ce qui engendrera des frictions avec Émilie (la magnifique révélation Lucie Zhang). Légèrement égoïste sur les bords, cette dernière fuit elle aussi la stabilité de son environnement familial ou professionnel pour enchaîner les petits boulots et les relations sans lendemain.
Enfin, l’excellente Noémie Merlant campe une Nora un tantinet borderline, au mystérieux passé traumatique qui se retrouve malgré elle victime de moqueries après avoir été confondue avec Amber (Jenny Beth dans un rôle étonnant), une cam-girl connue de tout le campus. C’est un vrai bonheur de suivre chaque comédien, dans des séquences tantôt mordantes (oui le film est drôle), tantôt sensuelles ou planantes, afin de retranscrire le spleen existentiel des protagonistes.
L’occasion donc d’aborder la fabrication du film, qui pâlie légèrement le caractère parfois surécrit du métrage. S’ouvrant sur les tours du 13e arrondissement, le superbe noir & blanc du chef op’ Paul Guilhaume filme les Olympiades, Montouris ou Tolbiac comme dans le Manhattan de Woody Allen (toute proportion gardée). Le sexe est dépeint à l’écran avec bienveillance, érotisme et un vrai caractère charnel (parfois avec une certaine distance en lien avec la thématique du film), ce qui est aussi bienvenu. Visuellement, c’est donc de toute beauté, enchaînant les plans aériens voluptueux ou perspectives d’un arrondissement moderne, loin de l’architecture Haussmannienne toujours associée à la capitale.
« Moi j’ai besoin d’amour »
Nous sommes donc à l’instar du choix de casting, toujours dans la volonté d’un décorum moderne et multi-culturel. C’est donc un brin dommage de ne pas avoir mis ce dernier un peu plus en avant : les familles de chacun sont quasiment au 4e plan et la la volonté de traiter ces problématiques (tout comme la perspective de carrière) est rapidement éludée. La finalité du récit est plus sommaire (trouver l’amour et la stabilité) mais cela aurait permis au métrage d’aller plus loin dans sa proposition et la caractérisation des personnages.
Le résultat final demeure néanmoins plus que convaincant! On pourra noter une bande-son absolument superbe de Rone (Paris 13th, Call Center, Nora & Amber ou encore One Month Later figurent parmi les morceaux divins de cette OST) convoquant à la fois de la musique électronique et atmosphérique de toute beauté. Là encore, la fabrication globale transpire la rigueur, et cela ne devrait nullement nous choquer de la part d’Audiard, toujours un fin esthète même en se réinventant !
Les Olympiades est donc une petite perle de douceur et de spleen ainsi qu’une belle déclaration d’amour au quartier cosmopolite éponyme, via un Jacques Audiard prenant un coup de jeune bienvenu. Légèrement surécrit par instants et et laissant assez peu de place à l’émotion au final, difficile de rester de marbre face à une telle proposition, toujours au service de ces fabuleux comédiens. C’est très bon !