Nouvelle année dit nouveaux remakes en « live-action » pour la firme Disney ! Et cette fois, Rob Marshall (Pirates des Caraïbes – la Fontaine de Jouvence, Le Retour de Mary Poppins) s’attaque à La Petite Sirène, figure de proue de la Renaissance Disney il y a plus de 30 ans. Et si des problèmes persistent dans cet exercice schizophrène, force est de constater que des qualités sont bien présentes.
Après une décennie de vache maigre pour Disney (qui commençait même à se faire damer le pion par Don Bluth sur le territoire de l’animation 2D), La Petite Sirène fut considérée comme un petit miracle lors de sortie en 1989. Premier jalon de ce qu’on appelle désormais la Renaissance Disney, le film de John Musker & Ron Clements sera un tel succès que la firme aux grandes oreilles renflouera totalement ses caisses et débutera sa lancée de films cultes (La Belle et la Bête, Aladdin, Le Roi Lion…) dans la foulée.
Remake-mania
Et après 1 ou 2 réussites (Peter & Elliott le Dragon, Le Livre de la Jungle) mais surtout pas mal de daubes (Pinocchio, Mulan, La Belle et la Bête, Peter Pan & Wendy…), il était temps que La Petite Sirène passe au moulinex du remake. L’appréciation globale du résultat final reste difficile à évaluer suivant que l’on soit connaisseur du matériau de base ou non, mais cette itération a le mérite de proposer une certaine sincérité dans la manière d’aborder cette transposition…tout en tombant dans divers pièges également !
Librement adapté du conte d’Handersen (1938), La Petite Sirène nous présente Ariel, une sirène de 16 ans vivant au royaume sous-marin d’Atlantica. Fascinée par les humains et le monde de la surface, cette dernière est cependant contrainte à rester dans les fonds-marins, sur ordre de son père le roi Triton. Collectionnant les artefacts du monde des hommes aux côtés de ses amis Sébastien (un crabe), Eureka (un oiseau marin) et Polochon (un poisson), son destin va être chamboulé à la vision du prince Eric.
Un coup de foudre dont va se servir Ursula, la maléfique sorcière bannie du royaume, pour changer Ariel en humaine en la privant de sa voix. Elle aura donc 3 jours pour soutirer un baiser au Prince Eric, au risque de ne plus jamais pouvoir s’exprimer ni redevenir une sirène. Bref, le pitch que tout le monde connaît et qui reste le même pour ce remake qui ne dévie jamais réellement du scénario original. Où est donc la singularité ?
La même Petite Sirène…mais différente !
Point de vraie surprise narrative, La Petite Sirène sauce 2023 ne s’écarte pas des plates-bandes de 1989 : le sauvetage d’Eric en pleine tempête, la découverte du monde terrestre, les manigances d’Ursula et bien sûr les morceaux musicaux cultes sont tous de la partie. Mais contrairement à des décalques fades mis en scène mollement (coucou La Belle et la Bête), Rob Marshall fait montre d’une certaine tenue dans la réalisation globale, et parvient régulièrement à transposer le charme et l’efficacité du film original.
Malheureusement, cela ne se fait pas sans heurts, notamment sur sa première partie plus brinquebalante. Après une séquence introductive inédite mettant en scène la méfiance des humains vis-à-vis des créatures marines, il faut tout de même un temps pour s’acclimater à un royaume des sirènes totalement vide et factice.
Difficile d’adapter de manière réaliste un fond-marin peuplé de créatures humanoïdes, et La Petite Sirène version 2023 semble avoir la nageoire entre 2 coraux à hésiter entre designs cartoons et fantaisistes ou bien une approche plus tangible et « live ». Le film ne se pose donc pas de questions sur la manière d’adapter ce monde sous-marin, balbutiant entre fonds bleus et décorums vides. Le constat est d’autant plus prégnant lorsqu’on découvre un Javier Bardem à queue de poisson sur son rocher, souverain d’un peuple dont on voit seulement 4-5 représentants benetton sous forme de figurants.
Casting réussi
Heureusement, ces séquences restent minoritaires, tandis que l’on suivra avant tout Ariel et ses compagnons animaliers. Si là encore le bat blesse au premier abord, le casting vocal parvient néanmoins à leur donner un minimum d’incarnation (en particulier Daveed Diggs en Sébastien et Awkwafina en Eurêka) et un soupçon de charisme malgré leur design « réaliste » et sans aspérités.
Ce qui nous mène donc aux points forts du casting : Halle Bailey incarne une Ariel aussi douce et pétillante à l’image qu’impressionnante vocalement ! Pas facile de passer après Jodi Benson (qui a un petit caméo) mais force est de constater que la jeune actrice affiche ses talents pour son premier rôle de cinéma, et s’impose clairement comme une vraie Princesse Disney en live avec sa propre identité.
Non content de porter le film, La Petite Sirène montre également une Melissa McCarthy troublante de similitude avec la Ursula animée (jusque dans ses tentacules CGI complètement crédibles), jusque dans l’intonation et les mimiques machiavéliques. Enfin, Jonah Hauer-King semble lui aussi un prince tout droit sorti de l’écurie Disney, partageant une alchimie avec Halle sans forcément tomber dans la caricature à l’eau de rose.
Nageoires remixées
Il y a narrativement des petits détails qui méritaient un regard plus neuf (pourquoi Eric accepterait d’épouser la première venue l’ayant sauvé ?), mais La Petite Sirène 2023 a aussi la bonne idée de délocaliser son action dans un royaume fictif des Caraïbes, justifiant son cadre aux populations créoles (et l’accent d’un certain Sébastien !).
Un setting cosmopolite loin d’être gratuit ou tendance, mais qui supporte le propos de l’histoire (la portion terrestre a d’ailleurs été rallongée pour rendre la romance moins téléphonée) ainsi que les diverses inspirations musicales derrière le sublime score restauré d’Alan Menken. On notera d’ailleurs 2 nouvelles chansons par Lin-Manuel Miranda (Hamilton, Vaiana, Encanto) qui se marient bien avec le reste, tout en amenant sa signature kinétique et moderne.
« Part of your World« , « Under the Sea » ou « Kiss the Girl » sont bien présentes, mais on aurait aimé que Marshall se lâche un peu plus visuellement parlant, malgré quelques tentatives d’amener son passif dans la comédie musicale à la Broadway. Une timidité globale qui nuit à l’ensemble, même si Rob Marshall amène une mise en scène plus incarnée, son comparse Dion Beebe à la photo (les séquences de plateau bénéficient de son talent) et un respect qui ira jusque dans un climax réjouissant de fidélité (ceux qui savent..savent !).
L’éternelle impasse
En conclusion, cette nouvelle version de La Petite Sirène n’échappe pas à beaucoup de feux rouges inhérents à sa condition d’adaptation trop référencée. Oscillant entre technique solide et direction artistique peu inspirée, Rob Marshall parvient quand même à apprivoiser le charme de l’histoire de base, bien aidé par un casting réussi. Pas de quoi rendre ce film légitime, mais au-dessus de la mêlée des précédents remakes sans âme de l’écurie Disney.
La Petite Sirène sortira le 24 mai 2023
avis
La Petite Sirène représente ce quine va pas dans cette tendance à remaker des classiques d'animation, sans vouloir pleinement réinventer la formule. Ceci dit, Rob Marshall parvient à proposer quelque chose de régulièrement incarné malgré quelques choix visuels et artistiques douteux. Outre une bonne technique, il faut saluer le casting (notamment Halle Bailey), qui portent le tout vers un résultat pas déplaisant.