Avec Hypnotic, Robert Rodriguez, à défaut de signer un bon film, délivre cependant un surprenant et fascinant navet.
Hypnotic est un projet de cœur pour Robert Rodriguez. Cinéaste parfois très justement mal-aimé, la carrière du bonhomme oscille ainsi entre collaborations réussies avec auteurs de grands talents (Sin City avec Frank Miller et Quentin Tarantino, Planet Terror, toujours avec ce dernier et Alita: Battle Angel pour James Cameron) et véritables abominations toutes droit sorties d’un imaginaire affreux, de la saga Spy Kids aux Aventures de Shark Boy et Lava Girl à la destruction de son Desperado avec Il était une fois au Mexique… Desperado 2 en passant par le récent (et toujours douloureux) C’est nous les héros. Laisser les coudées franches à Robert Rodriguez reviendrait donc à aller droit dans un mur artistique, même lorsqu’il se trouve adoubé par de grosses franchises telles que Star Wars, en délivrant ce que la saga a pu proposer de pire sur petit écran avec The Book of Boba Fett.
Hypnotic, qui trottait dans la tête du cinéaste depuis 2002, est ainsi né d’une redécouverte des deux chefs d’œuvres d’Alfred Hitchcock que sont Sueurs froides et Vertigo et de l’ambition de Robert Rodriguez de signer un projet directement influencé par le maître. On se demande ainsi, à la découverte du métrage, où ont bien pu passer ces prestigieuses influences devant un tel déballage d’incompétence artistique et scénaristique au service du néant le plus fascinant. Co-écrit avec Max Borenstein (qui cultive aussi les grands écarts avec le scénario de Minority Report et celui de Godzilla 2 : Roi des monstres), Hypnotic ne se contente ainsi jamais de n’être qu’un ratage total, mais semble pousser les curseurs jusqu’à leur paroxysme dans une quête à la fois éreintante et surprenante du navet ultime.
Les cons, ça hypnose tout…
Hypnotic débute ainsi de manière assez insupportable, convoquant un héritage de thrillers policiers complètement factice : et si les influences s’avèrent assez évidentes car ici plagiées sans aucun moyens ni idées (une scène de train effroyable carrément pompée sur Inception) le film de Robert Rodriguez, malgré le visage et l’allure toujours aussi fascinante du trop rare William Fichtner, se voit porté par un Ben Affleck complètement absent, semblant reprendre la voix rocailleuse de Batman avec son visage désormais si typique, s’étalant comme un meme sur quasiment toute la durée du métrage, du Sad Affleck. Parce que tout sonne faux et cruellement fauché dans Hypnotic, malgré un budget situé entre 60 et 80 millions de dollars : on pense ainsi rapidement en découvrant la piteuse facture technique du projet, à une production Asylum, boîte de productions sans moyens ni idées surfant sur les succès populaires en les recyclant sous des titres dévoilant (à peine) l’escroquerie.
Hypnotic, cependant, n’est pas tout à fait une escroquerie, tant l’on sent un Robert Rodriguez perpétuellement convaincu qu’il tient entre ses mains un grand film. Et chez le spectateur, si le doute se fait plus prégnant, la fascination devant un tel amas de médiocrité demeure, au fur et à mesure de l’accumulation de situations rocambolesques, de dialogues lunaires, d’un pitch de départ plutôt accrocheur, à savoir celui d’un détective s’emparant d’une affaire de braquages menant à la disparition de sa fille, ne devenant au fur et à mesure qu’un simple prétexte, et surtout une vulgaire et grossière excuse pour s’enfoncer de plus en plus vers un point de total non-retour. Parce que si l’on peut (quasiment) tout reprocher à Hypnotic, on ne peut lui retirer la sincérité presque totale d’un auteur médiocre se rêvant ici, durant une heure et demie, en génie du septième art.
Rêve d’enfant, cauchemar cinématographique
Comme s’il avait lui-même été hypnotisé par son idée, le réalisateur pousse ainsi à fond son concept, tentant, avec un acharnement presque touchant, au fur et à mesure de ses épuisants retournements de situations, de transmettre son état à un spectateur pouvant, après un tel supplice, plus facilement céder à ce piteux tour de magie. Malheureusement, il n’en est rien, parce qu’Hypnotic n’est finalement rien d’autre qu’un projet faussement intelligent mais réellement stupide, un défilé aussi indigent qu’ahurissant de bêtise, de pauvreté scénaristique et technique mis au service du néant. À l’instar de ses projets plus familiaux, Robert Rodriguez retombe ici en enfance, déployant sous un projet supposément plus cérébral, la démonstration d’un petit garçon jouant avec excès, mais sans aucune logique, qu’elle soit scénaristique où cinématographique.
Malheureusement, au vu de son accueil plus que glacial et de son énorme bide au box-office américain, le sort semble définitivement cruel pour les rêveurs, et donc pour Hypnotic, mais pour Robert Rodriguez, rien ne semble avoir touché sa candeur enfantine : le cinéaste prépare déjà le retour de Spy Kids sur Netflix. Quel luxe pour le cinéaste d’être parvenu à pouvoir transfigurer son coffre à jouets en projets cinématographiques coûtant plusieurs millions de dollars et rassemblant plusieurs grosses stars hollywoodiennes, en plus de se payer une avant-première au dernier Festival de Cannes : il est néanmoins réellement dommageable qu’il faille des spectateurs pour endurer de tels supplices.
Hypnotic est actuellement en salles.
Avis
Hypnotic fascine de par sa totale médiocrité, ici poussée jusqu'à un point de non-retour. De la piteuse facture technique au scénario grotesque servant de minuscule prétexte à tous les retournements de situations les plus rocambolesques, Robert Rodriguez fascine de par sa candeur enfantine à se croire, durant une heure et demie, génie du cinéma, alors qu'il n'est finalement qu'un auteur médiocre en totale roue libre.