Empire of Light est le tout nouveau film de Sam Mendes (American Beauty, Skyfall, 1917). Un projet personnel du réalisateur britannique, qui puise dans ses souvenirs d’enfance pour conter un drame humain et touchant. Une déclaration d’amour au cinéma imparfaite ceci dit, mais à la fabrication exemplaire et au casting impeccable !
En près de deux décennies, Sam Mendes a su installer son nom comme une valeur sûre du cinéma britannique, et ce dès son chef-d’œuvre American Beauty en 1999. Une chronique acide sur l’american way of life, qui sera suivie par bon nombre de films notables, tels que Les Sentiers de la Perdition, Jarhead, les Noces Rebelles, l’illustre Skyfall (et sa suite Spectre) ou bien le saisissant 1917 il y a déjà 3 ans. C’est dans cette foulée sans grosses anicroches qu’Empire of Light déboule donc.
Prenant place en 1980, Empire of Light nous invite à Margate, petite ville balnéaire au sud de l’Angleterre. Nous découvrons Hilary Small (Olivia Colman), une quadragénaire dépressive atteinte de troubles bipolaires, et manageuse au sein de l’Empire Cinema. Au même moment, le récit introduit Stephen (Michael Ward), un jeune homme aspirant à devenir architecte et qui va débuter un premier job au sein de l’Empire. Une romance improbable va ainsi se créer entre ces deux personnages, avec comme finalité un apprentissage émotionnel pour chacun.
La capsule temporelle de Sam Mendes
Avec Empire of Light, Sam Mendes s’attelle lui-même au scénario afin de conter une histoire « à la Roma« , à savoir un récit purement fictionnel avec un fond semi-autobiographique. Ce dernier versant se traduit par le personnage d’Hilary, calqué sur la mère du réalisateur et qui fut atteinte de troubles psychiatriques. La seconde composante vient du décor principal du film, à savoir cet imposant cinéma d’époque en bord de mer, que le jeune Sam fréquentait ardemment. Enfin, le personnage de Stephen est la matérialisation des anxiétés du cinéaste vis-à-vis des bouleversements politiques du début des 80’s, avec par ailleurs l’avènement des émeutes racistes ou la politique de Thatcher.
Un triumvirat thématique donc, avec comme finalité une déclaration d’amour au 7e Art et en sa capacité d’échappatoire vers un territoire de tous les possibles. Et c’est dans cet aspect que Empire of Light déçoit fondamentalement (à contrario d’un Cinema Paradiso ou plus récemment d’un The Fabelmans), la faute à un caractère artificiel (« le cinéma c’est la vie et ça efface tous les problèmes ok ? ») et finalement trop peu traité.
Mendes filme le cuir de la salle, et surtout l’envers du décor (la loge du projectionniste, le hall ou le kiosque) avec un amour certain, mais tout cette dimension demeure parfois survolée et secondaire pour pleinement convaincre. De plus, cet élément parait assez peu écrit vis-à-vis des autres thématiques, heureusement traitées avec une dose d’humanité certaine.
Empire of Light : à la recherche du bonheur
En effet, mis à part l’amour du cinéma, Empire of Light est avant tout l’histoire d’un (re)connexion entre deux êtres que tout oppose, et qui pourtant vont se rapprocher au sein de cet édifice à rêves. Et à ce titre, on pourra noter ce caractère rafraichissant d’avoir une romance allant à l’encontre des codes pré-établis (à savoir une femme mûre amoureuse d’un jeune homme), renforçant son caractère unique et finalement authentique.
Passé cet aspect, l’alchimie entre Olivia Colman (qui illumine l’écran comme dans La Favorite ou The Crown) et Michael Ward (révélation emplie de charisme vue précédemment chez Steve McQueen) porte l’entièreté du film à elle seule. Dommage de ne pas avoir mieux creuser les motivations de ce dernier (son amour de l’architecture étant évoqué puis complètement éludé, tandis que son environnement familial semble lui aussi survolé), à croire que Mendes a avant tout voulu le faire fonctionner au service du personnage d’Hilary.
Une complicité certaine demeure heureusement, alliée à un acting saisissant et tout en nuances, pour des personnages que l’on suit avec plaisir. Le reste du cast est bon (avec de petits rôles pour Colin Firth ou bien Toby Jones), mais on aurait aimé que Mendes s’intéresse un peu plus à eux, afin de mieux supporter l’arc narratif des deux protagonistes.
Sans pathos ni violon, Empire of Light amène également un regard empli de tendresse et de compassion sur les fêlures humaines et la maladie mentale (là encore cristallisées par une superbe performance d’Olivia Colman, qui reste au centre du récit), ainsi que sur le besoin d’abroger toute honte qui puisse en découler.
Du cinéma raffiné malgré les faiblesses
Et si le script a des zones de faiblesse (on pourra regretter que le réalisateur n’a rien de plus à dire sur les contestations nationalistes), Empire of Light ne déçoit pas en terme de fabrication ! Outre une mise en scène élégante, le film nous abreuve de cadres léchés, sublimés par la photographie du grand Roger Deakins (Blade Runner 2049). Le tout transpire donc le cinéma classieux à chaque instant, et difficile d’enlever de notre rétine l’image imprimée d’un superbe panorama nocturne sur les feux d’artifice du Nouvel An ou encore la nature prenant le pas lors d’un climax touchant.
Et si cela ne suffisait pas, le magnifique duo Trent Reznor & Atticus Ross (The Social Network, Soul, Bones and All) nous gratifie d’une magnifique bande-originale où piano et synthés se conjuguent en une nappe sonore au profil aérien. Bref, visuellement et musicalement, Empire of Light apporte son « A game » pour épouser à merveille son talentueux casting. Dommage que l’écriture tire un tantinet le film vers le bas, malgré des qualités narratives indéniables !
Empire of Light sortira au cinéma le 1er Mars 2023
Avis
Empire of Light est un Sam Mendes mineur, la faute à un script imparfait. La célébration du 7e Art a beau mal se marier avec le reste, le film demeure un plaisant moment de cinéma grâce à une fabrication exemplaire et un regard touchant sur les connexions humaines possibles. Porté par une Olivia Colman en état de grâce et un Michael Ward confirmant son talent, il serait dommage de passer à côté de ce joli long-métrage, bien que manquant de cohésion !