Crazy Bear voit le retour à la comédie trash d’Elizabeth Banks, qui en partant de faits réels signe une farce grotesque et poussive.
Crazy Bear avait tout du gros délire régressif complètement jouissif sur le papier : produit par le génial duo Phil Lord et Chris Miller (La Grande Aventure Lego, 21 et 22 Jump Street, Spider-Man : Into the Spider-Verse, entre autres réussites), inspiré de faits réels complètement ahurissants, et porté par un casting solide (Keri Russell, O’Shea Jackson Jr., Alden Ehrenreich et Ray Liotta à qui le film est dédié, endossant ici l’un de ses tout derniers rôles) il n’y avait finalement que le retour derrière la caméra d’Elizabeth Banks pour nous laisser craindre le pire. Parce qu’après son segment discutable sur le tout aussi raté My Movie Project et l’échec public et critique de son Charlie’s Angels et de sa défense plutôt houleuse, l’actrice ne semblait clairement pas être la personne idéale pour s’emparer de ce Crazy Bear.

Et c’est malheureusement l’impression qui l’emportera sur ce projet, qui délaisse rapidement l’hilarité pour se muer en une farce aussi grossière qu’insupportable. La mise en scène fade d’Elizabeth Banks, alternant scènes de mises à mort outrancières et échanges nébuleux entre des personnages tellement écrits à la truelle qu’on se trouve pressés de les voir trépasser, font rapidement de ce Crazy Bear un moment de 90 minutes plutôt douloureux à passer, avec en prime quelques pincements au cœur pour cet ours (même numérique) qui a lui aussi parfois l’air de souffrir autant que le spectateur.
Ours mal léché
Dès son introduction, Crazy Bear laisse ainsi rapidement poindre la galère. Outre le fait qu’Elizabeth Banks se trouve clairement à la peine pour introduire son inutilement vaste galerie de personnages, un sentiment de parodie maladroite vient ainsi complètement tuer une quelconque tension, tant les dialogues lourdauds, ainsi que les réactions exagérés et incompréhensibles de ses protagonistes, laissent, même face à un ours cocaïné, un perpétuel sentiment d’incompréhension. Parce que malgré cette ambition de farce continue, tout s’avère empreint à la mise en scène d’un premier degré de chaque instant, ne sachant jamais transfigurer cette quête parodique dans la mise en images de la réalisatrice.

Alternant mollement des échanges absurdes et lunaires, voulant à la fois emprunter à la comédie noire et à l’horreur, ces incessants changements de ton ne sont jamais assumés à l’écran, lourdement surlignés par des nappes sonores de monteurs qui ont alors également dû travailler sous l’emprise de stupéfiants. Parce que Crazy Bear, souffrant d’une quelconque identité, semble parfois clairement s’inspirer de tout le non-sens que l’on peut trouver sur certaines vidéos YouTube où TikTok (citant même Wikipédia), reprenant l’écriture caricaturale et exagérée, le montage épileptique et la perpétuelle quête d’absurde. Se rêvant en pur produit de son époque, Crazy Bear ne garde malheureusement cette ambition que sur le papier, trahi par son totale manque d’audace et de créativité.
Sucre en poudre
Pour dynamiter le tout, il ne reste alors à Elizabeth Banks que la surenchère sanglante. Ayant abandonné des personnages livrés à eux-mêmes dans leur caricature, et dans une forêt servant juste de décor, très fadement éclairé (réussissant tout de même ses scènes nocturnes), l’on peut alors trouver une once de plaisir dans une scène d’attaque d’ambulance, dont la brutalité et l’efficacité aurait dû régner sur l’entièreté du projet. Parce que Crazy Bear, à part ses quelques outrances de violence complètement gratuites (et finalement rarement inventives), ne provoque nul plaisir, se réfugiant dans son dernier tiers dans la sanctification féministe d’une héroïne des temps modernes, opposée à un vilain mafieux jusqu’au boutiste, qui tombe alors complètement à plat au vu de la fadeur des dialogues et des personnages très maladroitement présentés.

D’une parodie qui ne s’assume pas, à la mise en scène, en passant par une comédie poussive et mal écrite et un ton horrifique et sanglant en seule et maigre étincelle, Crazy Bear échoue ainsi à peu près sur tous les points. En perpétuelle quête d’identité, le projet épouse ainsi la mise en scène fade d’Elizabeth Banks qui semble démunie lorsqu’il s’agit d’insuffler une quelconque âme d’un produit qui se rêve de notre époque, mais qui semble finalement être l’exercice paresseux d’un algorithme daté, plutôt peu inspiré et surtout, en manque totale d’audace et d’inspiration. Un Crazy Bear qui assène des coups de griffes dans le vide, seule impression tenace que laisse finalement ce film, dont le seul conseil serait qu’à prendre de la poudre, autant prendre celle d’escampette.
Crazy Bear est actuellement au cinéma.
Avis
Crazy Bear souffre de son total manque d'identité, d'une réalisatrice ne parvenant jamais à insuffler une quelconque âme à un produit qui se voudrait de son époque, mais ne parvient jamais à réussir sur aucune de ses ambitions. De la farce régressive, Crazy Bear se mue alors en parodie grossière et poussive, mollement mise en scène et avec pour seul mérite une scène en ambulance. Prenez la poudre, mais d'escampette.