Cash, en plus d’être une comédie complètement maîtrisée et diablement attachante, confirme une fois de plus l’immense talent de Raphaël Quenard.
Cash confirme la grande année que va traverser Raphaël Quenard. Poignant dans Je verrai toujours vos visages, et déjà représentant d’une France oubliée dans le génial Chien de la casse, on retrouvera très prochainement l’acteur consécutivement dans le Quentin Dupieux annuel sobrement baptisé Yannick, et dans Sur la branche, partageant l’affiche avec Daphné Patakia, Benoît Poelvoorde et Agnès Jaoui. Dans Cash, le premier long-métrage de Jérémie Rozan, à qui l’on ne doit la réalisation que de quelques épisodes de l’étrange La Révolution, déjà pour Netflix, Raphaël Quenard est ainsi quasiment de tous les plans, effaçant de son charisme tout authentique tout le casting, pourtant formidable, où l’on peut pourtant retrouver pêle-mêle Agathe Rousselle, Igor Gotesman, Antoine Gouy, Grégoire Colin et l’inénarrable Bruno Lochet.
Oscillant entre Martin Scorsese et le Louis-Julien Petit de Discount, où des employés de grande-distribution sortaient des aliments pour les revendre à prix bas dans une épicerie populaire, Cash se paye le luxe d’être une comédie à la fois maîtrisée, diablement attachante, et complètement contemporaine. Où des oubliés décident de se rebeller contre une famille toute-puissante et d’un système de distribution de parfum de luxe international, Chartres et sa cathédrale se voient ainsi transfigurés en petite bourgade typiquement américaine, à base de boîte de nuit, de bras cassés, de petites magouilles et de tas de billets, avec un plaisir complètement communicatif.
Au parfum
À Chartres, Daniel Sauveur (Raphaël Quenard) et son meilleur ami Scania (Igor Gotesman) n’en peuvent plus du pouvoir que la famille Breuil exerce à la fois sur leur vie et sur leur ville. Contraints de travailler pour eux, ils mettront en place une arnaque qui va rapidement devenir plus grosse que prévue. Et déjà, à la mise en scène, Jérémie Rozan s’avère très inspirée : même pour son premier long-métrage, et malgré des influences évidentes mais parfaitement assumées, Cash s’avère aussi travaillé à la mise en scène qu’au scénario, transfigurant ainsi le plaisir de ses attachants personnages dans une comédie d’arnaque au tempo travaillé, sorte de déclaration d’amour aux délaissés, à la manière du cinéma de Gustave Kervern et Benoît Délépine, sans poésie mais avec le même amour pour ses petits mais grands personnages.
Le cinéaste parvient ainsi à saisir une beauté presque identique dans des lieux périphériques souvent oubliés du cinéma populaire : du marché hebdomadaire en passant par les zones industrielles, l’usine et le quartier pavillonnaire, Cash transfigure tous ces décors communs en de jolis écrins cinématographiques. Et surtout, fait de ces petits anti-héros de véritables figures d’oubliés qui reprennent ici la parole : mais sans faire du Ken Loach, Jérémie Rozan signe ici une vengeance sociale dénuée de violence gratuite, mais d’une malice et d’une énergie complètement communicatives. On lui pardonne ainsi (presque) tous ses défauts, de seconds-rôles jouissifs complètement sacrifiés (surtout les féminins) à une conclusion quelque peu sur-explicative et redondante qui ne mettent pourtant jamais fin à ce véritable petit plaisir de comédie.
Cash Quenard
Il y ainsi, comme évoqué plus haut, outre une déclaration d’amour aux déclassés et au cinéma d’un certain Martin Scorsese, celle, beaucoup plus prégnante, à un acteur. Raphaël Quenard, plus que tout autre, se ballade véritablement dans Cash comme s’il habitait à lui seul le film, tel un écrin rêvé pour un acteur qui le sert ici à merveille. De loser patenté à chef d’entreprise résolu, en passant par l’amoureux maladroit, Jérémie Rozan dévoile le tapis rouge à son interprète qui réussit ici sur tous les tableaux, à la fois escroc, amoureux et petit parrain local pétillant de justesse sur tous les plans. On doit ainsi à son sourire, à son impénétrable conviction d’agir justement, d’effacer toutes les maladresses d’un premier film certes imparfait, mais déployant au travers du visage de l’acteur toute sa sincérité et son énergie sans failles.
On gardera ainsi de Cash, outre le visage de Raphaël Quenard que l’on va donc beaucoup revoir par la suite (et on l’espère avec un plaisir identique), un parfait petit plaisir de comédie estivale, qui en plus de remplir son contrat, met en lumière des personnages et des décors oubliés avec un amour et une sincérité très contagieux. On lui pardonnera ainsi ses presque toutes ses maladresses et ses imperfections, tant il est rare de passer un aussi joli moment par ces temps incertains, où les délaissés et les déclassés sont entendus avec une oreille attentive et passionnée, et surtout, finissent enfin par gagner.
Cash est disponible sur Netflix.
Avis
Cash, malgré quelques défauts et maladresses, s'avère parfaitement remplir son contrat de petit plaisir estival sous forte influence de Martin Scorsese. Porté par un Raphaël Quenard qui n'en finit plus d'épater, le premier film de Jérémie Rozan lui dévoile le tapis rouge autant qu'à ses personnages d'oubliés et de leur décor, ici transfigurés en véritable petit plaisir à la fois communicatif, sincère et amoureux.