Jean-Stéphane Sauvaire revient avec Black Flies en Compétition du Festival de Cannes 2023 ! Après Johnny Mad Dog et Une Prière avant l’Aube, le réalisateur français offre un film de genre hard-boiled brut de décoffrage, nous immergeant dans le quotidien d’un jeune ambulancier new-yorkais ! Coup de poing !
Dès sa séquence d’introduction (s’ouvrant sur du Wagner), la caméra de Sauvaire se présente comme un personnage à part entière de Black Flies : toujours au plus près des corps, de la sueur et du bitume, elle capte la fébrilité ambiante et les shoots d’adrénaline du jeune Ollie Cross (Tye Sheridan). Débutant depuis peu dans le milieu urgentiste en tant que rookie, ce dernier compte faire ses armes dans le milieu pour passer le concours de médecine.
Rapidement, il va se rendre compte de l’âpreté d’un milieu humainement exigent, épaulé du vétéran Gene Rutkovsky (Sean Penn). D’abord naïf et idéaliste, Ollie va être confronté à un New York putride, et à de violentes situations d’urgence qui vont remettre en cause sa vie. Bref, quelque part entre Bringing Out the Dead de Martin Scorsese ou un certain Training Day d’Antoine Fuqua, Black Flies s’illustre comme un pur récit hard-boiled !
On connaissait déjà Jean-Stéphane Sauvaire pour ces films secs, qu’il s’agisse d’une plongée auprès d’enfants soldats (Johnny Mad Dog) ou dans la violence d’une prison thaïlandaise (Une Prière avant l’Aube). Black Flies ne déroge pas à cette règle ! Passée une introduction coup de poing, jouant admirablement sur le son strident des sirènes d’ambulance, les cris de détresse des victimes de fusillade et la confusion globale du protagoniste, le film ne diminuera jamais en terme d’intensité globale.
Black Flies : on tire pas sur l’ambulance
Jean-Stéphane Sauvaire chope donc le spectateur par le col, véritable 3e personnage aux côtés de Tye Sheridan et Sean Penn. Tout fana du genre reconnaîtra assez rapidement les codes narratifs convoqués, avec le bleu insouciant qui va s’endurcir jusqu’au point de rupture, auprès d’un vieux briscard désormais éloigné de l’humanité. Le scénario n’échappera malheureusement pas à quelques redondances thématiques dans sa 2e heure (le caractère déifié), notamment via les confrontations avec un Michael Pitt complètement borderline.
Altercations de gangs, drogués, poivrots psychotiques, bébé mort-né…Black Flies pourrait à la longue ressembler à un catalogue des pires maux possibles rencontrés par les ambulanciers, mais Jean-Stéphane Sauvaire parvient à rendre le tout crédible, nourri par une année d’immersion et de documentation sur le sujet. Une authenticité globale qui se ressent (prise en charge d’asthme, hémorragie, réanimation en urgence..) via les divers gestes et procédures illustrées, tout en implémentant ces données dans un film de genre viscéral : bref Sauvaire fait du cinéma !
Outre des situations bien retranscrites, il faut saluer le casting principal. Sean Penn a beau être parfois sur la limite en campant cet homme brisé par la vie, en froid avec son ex (Katherine Waterston sous-utilisée) et adepte des leçons de bonhomme, mais l’acteur amène tout son bagage pour proposer une incarnation qui tienne. Cependant, Black Flies appartient littéralement à Tye Sheridan (Mud, Ready Player One), proposant la meilleure interprétation de sa carrière et ici ultra investi dans ce rôle à contre-emploi.
Urgences hardboiled
Le script tombe peut-être dans certains moments pivots éculés (jusque dans la relation d’Ollie avec un personnage féminin se voulant fonction avant tout), mais là encore la rythmique et l’ambiance métallurgique de Black Flies (tirant son nom d’une superbe séquence qu’un Seven n’aurait pas renié) terminent d’en faire un film de genre dur, parfois apocalyptique, détenteur d’une lueur d’espoir au bout du tunnel. C’est de la bonne !
Black Flies sortira au cinéma le 3 avril 2024
avis
Avec Black Flies, Jean-Stéphane Sauvaire pallie aux quelques faiblesses d'écriture de la 2e heure par une fabrication et une technicité irréprochables, proposant une virée hard-boiled dans les rues poisseuses New-yorkaises. Une représentation du métier d'ambulancier certes adaptée au genre, mais emprunte d'authenticité. Viscéral et scotchant !