En 1975, Vera Brandes, une jeune femme de 18 ans va défier les conventions sociales pour réaliser son rêve, organiser un concert pour Keith Jarret à l’Opéra de Cologne. Une audace qui a donné lieu à un enregistrement mythique du 20èmesiècle. Au rythme de Vera raconte le cheminement parcouru, chemin qui a donné lieu à un chef d’œuvre musical.
Tiré d’une histoire vraie, Au rythme de Vera raconte la course effrénée d’une jeune femme à l’ambition débordante. Une ambition qui a donné naissance à The Köln Concert, un album solo du pianiste de jazz Keith Jarret.
Traduction trompeuse
Pour les newbies du jazz, un problème se pose d’emblée, le titre du film. Lorsqu’on lit Au Rythme de Vera, on s’imagine suivre la vie de cette fameuse Vera. Mais, la traduction française du titre du film nous met sur une fausse route. A l’international, on parle de Köln 75. Dès lors, quand on aime un peu le jazz, qu’on s’intéresse à l’histoire de cette musique, les choses prennent une tout autre tournure. Le titre original évoque ce fameux concert qui a donné lieu à l’enregistrement de l’album de jazz le plus vendu au monde. En effet, avec ses 3,5 millions d’exemplaires vendus, The Köln Concert est l’album de piano solo le plus couronné de succès de tous les temps. Mais mettons qu’on n’en sache rien en entrant dans la salle… on dira que la traduction du titre est des plus trompeuse.

Au rythme de Vera semble se construire en trois partie. On ne peut s’empêcher de se dire que c’est une sorte de partition ternaire qui se termine par un final en freestyle (blague de musicien oui, mais il fallait la faire). La première partie du film se concentre sur Vera, ce qui est le plus logique au vu du titre. On suit une jeune ado qui a un rythme de vie effréné, qui se bat pour vivre de sa passion. Puis, progressivement, les choses commencent à basculer, la narration commence à la délaisser quelque peu. Et c’est là qu’on commence à douter de la cohérence du scénario. On se demande pourquoi Vera n’est plus le personnage principal, pourquoi est-ce que tout à coup, Keith Jarret prend toute la place. Comme si le scénario basculait sur un film choral. Puis, on comprend petit à petit où le réalisateur nous mène. Et passer une première incompréhension, les choses se mettent en place.
D’un rythme effréné…
Dès le début du film, on a l’impression de mettre les pieds dans un biopic avec des scènes où on voit une Vera plus âgée. Mais Au Rythme de Vera serait plutôt une esquisse de biopic, avec des plans où les personnages s’adressent directement au spectateur. Si l’idée n’est pas mauvaise, c’est trop épisodique pour en être pertinent. Ça nous sort de la narration et on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi le réalisateur a eu cette idée. Dans la même idée, on se demande quelle était l’idée derrière la création de Michael Watts (joué par Michael Chernus). C’est impossible de comprendre à quoi sert réellement son personnage. Ses interventions sont certes intéressantes, surtout celle de son explication des différents styles de Jazz. Mais il a une présence tellement étrange qu’on ne sait pas quoi penser de lui. On ne sait jamais qui il est réellement ou à quoi il sert.

Si Au rythme de Vera s’ouvre comme un biopic qui n’en est pas un, la première partie du film reste tout à fait délicieuse. En cela, l’esthétique très sixties fait du bien à regarder, comme un vent de fraîcheur. Pour un amateur de série, on retrouve presque un petit quelque chose de l’esthétique de Daisy Jones & The Six. L’ambiance est à la bonne musique, aux soirées un peu douteuses et surtout bien arrosées. Bref, plutôt un bon cocktail pour un film qui va parler de musique dans les années 70. L’actrice Mala Emde interprète une Vera explosive, le genre de nana avec qui on a envie d’être copine. L’ado rebelle qui sait ce qu’elle veut et qui se bat pour l’avoir. Oui, Vera Brandes avait l’air d’être impossible à vivre, mais son personnage est des plus attachant. On passera sur le détail de l’âge de l’actrice, aussi mimi soit-elle, on a un peu de mal à croire qu’elle a 16 ans au début du film et 20 à la fin.
… a une lenteur exagérée
Le problème d’Au rythme de Vera, c’est que si la mise en place de l’intrigue est assez géniale à regarder, les choses se gâtent lorsque la narration passe sur Keith Jarret. D’une part, on se permet de souligner que faire jouer un peu plus le pianiste aurait été une bonne idée. Certes, on ne cesse de nous répéter que c’est un foutu génie, mais on ne l’entend pas beaucoup jouer. Mais passons. Ce qui est frustrant, c’est que cette « seconde partie » qui prend le pianiste comme personnage principal s’enfonce dans une espèce de lenteur à rendre dingue. On passe d’un métronome à 180 bpm pour passer à un 60 bpm (oui encore une blague de musicien, désolé, c’était tentant). Le personnage de Keith Jarret, interprété par John Magaro, fait bien pâle figure à côté de l’explosive Vera.

Alors oui, on connait tous ce mythe du génie torturé. Mais bon sang, il est quand même sacrément agaçant ce Mozart réincarné. Aussi, avant d’aboutir à la troisième partie du film, son final, la narration s’embarrasse de long détours par vraiment nécessaires. Lorsque Vera revient à l’écran, tout semble s’illuminer d’un coup, l’action devient bien plus pétillante. La voir courir partout alors que l’autre se traine en râlant est plutôt parlant. De fait, la conclusion d’Au rythme de Vera essaie d’allier ces deux opposés. Une fin qui ne parvient pourtant pas à retrouver l’éclat du début, et au final, il faudra avouer que le scénario a perdu quelque chose en chemin.
Dans sa globalité, le film est une belle manière de découvrir l’histoire vraie du célèbre concert de Köln 75. Au rythme de Vera regorge de points positifs mais reste tout de même imparfait, notamment par un scénario assez inégal.
Au rythme de Vera est au cinéma dès le 25 juin 2025.
Avis
Au rythme de Vera est un film qui fait, en un sens, plaisir à voir. Joyeux, coloré, frais, Vera Brandes est cette ado rebelle qui sommeille au fond de chacun de nous.