La team de Radio Silence (Wedding Nightmare, Scream) refait équipe pour Abigail, un simili-remake de La Fille de Dracula. Une proposition de genre joyeusement gore, bien que malheureusement inconstante dans son écriture et l’exploitation de son concept.
Les réalisateurs Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett ont beau faire partie du collectif Radio Silence (V/H/S), leur nom est désormais lié à la franchise Scream avec le cinquième et (décevant) sixième opus. Mais rappelez-vous : le duo a aussi pondu le très sympathique Wedding Nightmare (Ready Or Not en VO, dont la suite est en chantier), revenge movie sur fond de mariage fucked up plutôt énervé.
Les Dents pointues d’Abigail
Alors qu’un Scream 7 se fera avec une équipe différente, Radio Silence revient ainsi avec Abigail, titre de film random au possible cachant en réalité un projet réactualisant La Fille de Dracula dans l’optique d’exploiter le catalogue des Universal Monsters (Invisible Man en est un exemple récent).
Néanmoins désireux de se démarquer du Dark Universe, ce Abigail démarre de la même manière que le très bon Don’t Breathe : une bande de braqueurs amateurs s’introduit dans une demeure pour un gros coup. En effet, le kidnapping de la fille d’un riche magnat est censé leur rapporter un joli pactole de 50 millions de dollars.
Reclus dans un manoir isolé, le casse en question va se révéler être un coup monté, tandis que les membres de l’équipe disparaissent brutalement un à un. Ils vont alors découvrir la nature de la jeune Abigail, en réalité une vampire vieille de plusieurs siècles !
Trombinoscope à pâtée
Bref un high-concept de film de malfrats se muant en film de monstre tout à fait rafraîchissant, sachant que les réalisateurs prennent leur temps pour présenter le trombinoscope de personnages censés représenter les futures proies de la jeune vampire. Un casting charismatique où chaque pion parvient à immédiatement imposer une singularité à leur personnage, bien que l’on reste dans une dimension archétypale : Kevin Durand en baraqué simplet, Kathryn Newton en hackeuse rebelle, le regretté Angus Cloud (dont c’est l’ultime rôle) en malfrat à la petite semaine..
Néanmoins (et c’est relativement dommage), le film se concentrera quasi exclusivement sur Melissa Barrera (désormais scream queen de premier plan) en ex-medic junkie, et le toujours charismatique Dan Stevens en flic ripoux toujours sur le fil. Bien sûr, c’est la jeune Alisha Weir (Mathilda) qui vole la vedette en Abigail, jouant efficacement de la dichotomie du personnage entre innocence juvénile (renforcée par une passion pour la danse classique) et le caractère carnassier vampirique.
Mais rapidement le bas blesse, malgré les bonnes idées. Le film mettra près d’une heure à amener son concept, sans jamais exploiter la topographie de son setting unique, jusqu’à allègrement bazarder quelques personnages comme n’importe quel slasher lambda. Un problème structurel et de rythmique qui va heureusement être contre-carrée par des explosions de sang bien gonzo, alors qu’Abigail devient la menace frontale du film.
Gelée de groseille
La team de Radio Silence a par ailleurs la bonne idée d’abandonner les classiques canines proéminentes consubstantielles à l’iconographie vampirique du siècle dernier, pour une dentition proche d’un piranha. Voir Abigail se fritter à plus gros gabarits dans un tutu ensanglanté à de quoi amener un petit plaisir régressif, très vite le film va vouloir changer de focus dans l’exploitation de sa menace, jusqu’à une finalité teasant une suite.
Une démarche montrant une propension à ne jamais aller dans le jusqu’au-boutisme, qu’il soit horrifique ou transgressif, ou tout simplement dans la tenue de son concept. Du pas de côté antagoniste donc, tandis que l’écriture nous assènera de retournements de situation tantôt gratuits, tantôt grossiers dans leur écriture (la participation de Giancarlo Esposito relève ainsi de la vaste blague pure et simple).
Rayon réjouissance, l’approche régulièrement frontale et généreuse des quelques saillies de violence d’Abigail font bien plaisir, tout comme le parcours du personnage de Melissa Barrera, alors en pleine rédemption dans une relation maternelle avec Abigail. Relation toutefois pas assez travaillée pour en justifier certaines bascules de pouvoir, jusqu’à un fâcheux passage final sous forme de deus ex machina.
Vous l’aurez compris, malgré de bons ingrédients, un casting réussi, une mise en scène carrée et un concept accrocheur, ce Abigail sous-écrit a bien du mal à jongler entre ses diverses tonalités et à infuser les genres qu’il invoque. Pas déplaisant sur l’instant, mais qui in fine nous laisse sur notre faim carnassière.
Abigail sortira au cinéma le 29 mai 2024
avis
Petite déception que ce Abigail, relecture de la Fille de Dracula sous forme d'un anti-home invasion aux velléités gorasses joyeusement assumées. Malheureusement, le scénario déviant de ses lignes directrices et son concept premier nuit à la tenue globale du film ou l'exploitation de ses personnages. En résulte un résultat en demi-teinte, malgré de jolis ingrédients. Dommage !