Sans nul doute le jeu vidéo le plus attendu de 2023, Starfield aura su faire couler beaucoup d’encre depuis sa sortie. Nourri de débats disparate inhérent à une gestation depuis près de 10 ans, la nouvelle IP de Bethesda se révèle in fine comme une œuvre majeure du jeu vidéo spatial, même si entachée par quelques défauts bien regrettables.
Starfield. Un nom qui résonne comme la promesse d’un nouvel univers gargantuesque au sein de l’écosystème Microsoft. Développé activement depuis 8 ans par Bethesda Game Studios (Skyrim, Fallout), le projet est en réalité dans la tête de Todd Howard (créateur du jeu et grand ponte de Bethesda depuis plus de 25 ans) depuis une vingtaine d’années.
En effet, après avoir révolutionné la fantasy via la saga The Elder Scrolls (Morrowind, Oblivion, Skyrim) ou bien le post-apo via Fallout 3 ou Fallout 4, le bougre rêve d’un RPG spatial où le joueur aurait la liberté d’explorer un vaste écosystème planétaire via son vaisseau. Bien sûr, l’industrie nous aura apporté son lot de jeux du genre, que ce soit chez Star Wars avec KOTOR ou bien la saga Mass Effect, mais ces expériences avant tout narratives cloisonnaient fortement cet aspect de liberté via une zone précise dans chaque monde.
Starfield : vers l’infini et au-delà
Il y a moins de 10 ans sont également sortis No Man’s Sky ou bien la bêta de l’arlésienne Star Citizen : des simulations avant tout, sans réelle charpente de RPG digne de ce nom ! Ainsi, l’annonce et les présentations officielles de Starfield suscitaient inévitablement l’engouement et les rêves les plus fous de la part de toute une frange de joueurs s’attendant au « next big thing » révolutionnaire, aussi impactant qu’un Breath of the Wild ou Elden Ring.
Starfield nous emmène 300 ans dans le futur, alors que le joueur se retrouve dans une mine sur une planète reculée. Lors d’excavations rudimentaires, nous découvrons un curieux artefact métallique (probablement d’origine alien), dont le toucher émet un signal d’origine inconnu et nous offre une bien étrange vision. Peu après une attaque fomentée par des pirates de l’espace, le joueur va rejoindre l’organisation Constellation : un groupuscule d’explorateurs désireux de percer les secrets de l’univers, et de découvrir l’origine de ces mystérieux artefacts !
Galaxie cloisonnée
Tout comme les autres jeux Bethesda Games Studios, nous débutons l’aventure par la personnalisation de notre avatar (le choix de customisation est vaste, allant d’une gamme de physiques pré-établis jusqu’à la modification de l’ossature/taille d’oreilles/couleur de peau, etc), et même le choix de 3 traits caractéristiques (allégeance à un groupuscule, présence de nos parents..) qui auront des avantages/désavantages en terme de statistiques ou de possibilités de gameplay par la suite.
Pas de franche surprise à ce niveau, avant que Starfield nous dévoile finalement un game design bien connu. Sauf qu’à la place d’une vaste contrée open-world, c’est la Voie Lactée que l’on explore, et ses dizaines de dizaines de planètes groupées en divers systèmes solaires. Et autant le dire tout de suite, la première source de déception est là : l’aspect compartimenté de l’exploration ! En effet, le joueur doit aller dans son vaisseau, choisir une destination sur la map, y aller en vitesse supra-luminique, être en orbite autour de la planète, choisir (librement) une zone d’atterrissage, puis explorer cette dite-zone.
L’espace aux frontières finies
Pour ceux qui pensaient avoir une expérience « seemless » en terme de déplacement c’est donc raté, Starfield nous rappelant sans cesse sa nature vidéoludique. Et pourtant, passée la légère frustration initiale, cet exercice s’adopte comme chaque autre mécanique de gameplay pour affirmer un constat : aucun RPG à ce jour ne s’est révélé aussi vaste dans ses nombreuses zones d’exploration ! Et il suffit de se rappeler des décollages/atterrissages d’un Star Citizen (chacun prenant plusieurs longues minutes) pour conclure que Bethesda a sans doute tenu compte des limitations techniques d’aujourd’hui, mais tient également à conserver l’aspect ludique et immédiat du jeu vidéo.
Bien sûr, un compromis aurait pu être souhaitable, notamment lorsque quelques mini-temps de chargement viennent malheureusement ponctuer l’entrée/sortie dans un bâtiment, ou que l’exploration à pied se retrouve limitée par un mur invisible. En effet, le joueur peut se poser à n’importe quel endroit d’une planète (qu’il y ait des éléments d’intérêts tels qu’un camp, une ruine, une ville, ou rien du tout excepté de la faune/flore), et la zone en question sera générée procéduralement, tout en conservant les éléments d’intérêts.
La topographie ne sera donc pas toujours la même d’un joueur à l’autre, mais reste telle qu’elle au sein de chaque partie, tout comme les objets/personnages/quêtes/bâtiments s’y trouvant. Pas de véhicule d’exploité ceci dit, mais l’exploration à pied se révèle particulièrement longue si tant est qu’on veuille faire la tour des immenses zones d’atterrissage (plus grandes qu’une map de Morrowind) que le trajet à pied se révèle franchement amélioré par l’utilisation du jet-pack.
Contenu aux proportions stellaires
Ainsi, Starfield affiche finalement un univers de SF au lore extrêmement impressionnant, dans un décorum, un contexte et une production design se voulant avant tout réalistes. Qualifié de « NASA-punk », on ne rencontrera pas d’aliens humanoïdes tels que dans un Star Wars (même si certaines créatures se révèlent plutôt impressionnantes en terme de mini-boss), ni d’arme fantaisiste tel que le sabre-laser. Un credo qui s’applique donc également aux diverses planètes de Starfield : majoritairement des astres rocheux arides dénués de vie !
Le sentiment de quantité plutôt que de qualité pourrait effectivement survenir si l’on se contente de faire un rapport du nombre de planètes véritablement dignes d’intérêt sur l’ensemble des centaines de systèmes explorables. Et pourtant, ce choix gargantuesque contribue à nous immerger dans un univers extrêmement vaste, réaliste, qui pourtant réserve aussi son lot de surprises, et un contenu in-game rarement égalé dans un RPG.
C’est simple, il faudra plus d’une cinquantaine d’heures pour venir à bout de la quête principale sans rusher (et donc en faisant énormément de choses à côté), et le triple si on souhaite réellement venir à bout de l’ensemble des quêtes. Starfield ne prend d’ailleurs pas vraiment le joueur par la main passée ces quelques heures introductives, et c’est à nous de découvrir au fur et à mesure l’ensemble des possibles.
Que ce soit la physique assez ahurissante du moteur Creation 2.0 (chaque objet a toujours son poids, et peut être déposé n’importe où dans la galaxie avant d’être trouvé au même endroit des dizaines d’heures plus tard), le feeling varié des armes (on sent qu’id Software a prêté main forte), les divers arbres de compétence, la gestion d’inventaire (soute et co-équipiers compris),les divers styles de jeu (shooter, hacking, infiltration)… Starfield se veut aussi une grosse sandbox vidéoludique aux proportions assez dingues, bien que cloisonnée.
Technique parfois vieillissante
Car finalement, Starfield est aussi freiné dans une certaine technique parfois vieillissante, en lien avec son propre moteur. Le soft de Bethesda est très beau pour de l’open world, proposant notamment des intérieurs très détaillés, avec des effets météorologiques et une gestion volumétrique de la lumière parfois franchement épatants. On peut même parfois admirer le cycle rotatoire d’une planète en temps réel lors de panoramas stellaires à couper le souffle ! En terme d’ambiance, c’est donc un pur bonheur, renforcé par un excellent sound-design et une BO atmosphérique de toute beauté signée Inon Zur.
De l’autre côté, certains paysages désertiques se révèlent plus datés, au même titre que pas mal de PNJ secondaires. Le système de dialogue est évidemment fourni, tandis que la notion de choix par le joueur impactera grandement certaines situations ou rapports avec des personnages. Il est d’ailleurs possible de sortir de situations plutôt tendues via la diplomatie (à condition de trouver la bonne voie et de développer les skills adéquats).
Le bas qui blesse néanmoins viendra dans cette caméra statique face à des PNJ plus hypotoniques tu meurs, directement hérité des précédentes productions Bethesda. Comparé aux autres jeux du genre contemporains, ça la met mal même après des dizaines d’heures de jeu, rendant finalement les interactions parfois laborieuses et datées.
L’aventure dont vous êtes le héros
Heureusement, Starfield peut se targuer d’être le jeu vidéo le mieux écrit de Bethesda Game Studios ! En effet, les Fallout et les Elder Scrolls proposaient bien des univers bien riches, mais Starfield propose un réel gain en terme d’écriture de quête ou de personnages. Certains PNJ ou compagnons nous agaceront ou nous charmeront, mais tous ont leur singularité et des interactions riches, dont les réactions peuvent changer suivant nos actions. L’IA est parfois capricieuse, en décidant de faire ce qui lui semble sans tenir compte d’une situation, mais ce fait reste rare heureusement (un bon point pour un jeu Bethesda diront les mauvaises langues) !
Que nous voulions jouer comme le plus grand samaritain de l’espace ou une ordure finie, Starfield nous invite à une expérience des plus malléables. La quête principale des missions Constellation ne constitueront donc pas l’aventure principale stricto sensu, tant le nombre conséquent de groupuscules ou factions (les rangers de Liber Astra, le gouvernement de l’Union Coloniale, les pirates de la Flotte Écarlate, les sectes religieuses du Grand Serpent ou de la Maison des Lumières, les corporates de Ryujin…) proposeront leurs lots de missions et de quêtes aux répercussions importantes.
Trames modulables
Un enchevêtrement narratif extrêmement dense et cohérent anime Starfield, où le joueur parcourra son lot de planètes/villes clés comme la cité New Atlantis (plus grande ville jamais créée dans un jeu Bethesda), la ville Far West-like d’Akila, la station cyberpunk de Neon City -repère de toutes les crapules de la galaxie), des vaisseaux spatiaux, des colonies… Des quêtes scénarisées aux missions tertiaires « FedEx », en passant par la collecte de données (dans l’espace en détruisant des astéroïdes, ou bien sur chaque planète en scannant manuellement), Starfield propose ainsi un contenu capable de nous tenir en haleine pour des centaines d’heures.
Et si le titre réserve son lot de surprises (le nombre de rencontres fortuites ou de lieux à découvrir reste faramineux) et de richesses de gameplay (les fights en zero G se révèlent particulièrement intenses) au fur et à mesure que l’on avance, le post-game de Starfield propose ainsi un des new game + les plus originaux qui soient, renvoyant presque tout ce qui a été fait dans une première run au statut de prologue géant. Bref, plus on donne à Starfield, plus il nous en rend !
Starfield : le paradis du custom
Nous sommes passés rapidement sur l’inventaire (touffu certes, mais finalement plutôt clair malgré les nombreux menus), permettant également de personnaliser des raccourcis (d’objets, mais aussi pour favoriser du fast-travel), les armes (entièrement customisables en terme de poignée. lunettes, chargeurs, cadence, silencieux, munitions lasers/magnétiques/ballistiques…), les tenues (sous-vêtements, protections face aux radiations/températures/toxiques..), mais aussi la gestion du vaisseau !
Presque un jeu dans le jeu, la création de vaisseau dans Starfield se veut surprenamment pointue, et nul doute que le joueur s’y consacrera pleinement après quelques dizaines d’heures de jeu. Alors que nous pouvons détenir moins d’une dizaine de vaisseaux en tout, libre à nous d’en voler/détourner pour les revendre, les détruire ou les modifier. Bien sûr, certains éléments doivent être présents (le cockpit, la soute, le couloir reliant les deux, les propulseurs..) mais très vite le look, la taille et les capacités de notre vaisseau sont entre nos mains.
Ma cabine et mon couteau
L’occasion de revenir sur les combats en vaisseaux, vraiment jubilatoires, nous obligeant à gérer en temps réel les ressources en modulant l’énergie allouée aux réacteurs, aux canons, au bouclier... Et outre le fait qu’il s’agisse de notre maison dans l’espace (Starfield propose aussi son lot d’habitations à gagner ou acheter sur divers planètes), le jeu peut aussi se muer en mini-Sim City de SF via la gestion d’avant-postes. Pouvant être posés sur n’importe quelle planète, ces derniers fonctionneront comme des fermes, des usines ou des entrepôts de stockage, gérés par un de nos compagnons.
Ainsi, Starfield évite le statut de grand jeu de par un game design caractéristique Bethesda poussé au maximum, mais en retard sur quelques aspects techniques d’immersive sim. Pas de quoi saborder la réputation d’un très très bon titre, proposant en son sein une sand box compartimentée et un univers de SF au contenu absolument gargantuesque, enrichie d’une belle trame narrative à multiples factions questionnant notre place dans l’univers (Arthur C. Clarke ou Isaac Asimov ne sont définitivement pas loin). Nul doute que les prochaines extensions et mods viendront sublimer le potentiel révolutionnaire de ce titre faramineux : Starfield est une des meilleures exclusivités Microsoft depuis de très nombreuses années, et un des maîtres-étalons du RPG spatial !
Starfield est sorti sur Xbox Series X/S et PC le 6 septembre 2023
avis
Starfield est finalement un excellent jeu, dont l'expérience colossale arrive à supplanter des errements en terme d'IA,quelques structures de game design plus datées et une technique en dents de scie. En résulte un titre au contenu ébouriffant, à l'univers foisonnant (allez visiter le musée de New Atlantis !), à l'écriture mature et aux possibilités vertigineuses. Un des meilleurs titres de l'année sans aucun doute, et probablement le meilleur jeu Bethesda depuis Skyrim !
- Histoire
- Gameplay
- Game Design
- Graphismes
- Son
- Durée de vie