Another Code Mémoires Doubles flatte par sa direction artistique reprise de zéro, comme il déçoit par son gameplay réduit au presque néant.
Présenté comme une aventure ponctuée d’énigmes à résoudre, Another Code Mémoires Doubles plonge dans de sordides histoires de familles. La jeune Ashley Mizuki Robins, élevée par sa tante, reçoit peu avant ses 14 ans un étrange objet de la part de son père, qu’elle pensait décédé depuis des lustres. L’appareil ressemblant à une Switch intrigue, comme le reste du contenu du colis, qui lui indique de se rendre sur l’île de Blood Edward. Embarquant sur le premier bateau à destination de cette île mystérieuse, Ashley s’apprête à lever le voile sur son histoire. Sur ce bout de terre inhospitalier se dresse un imposant manoir, dans lequel elle fera la rencontre du jeune D, décédé là au siècle dernier.
Qui suis-je ?
Another Code Mémoires Doubles peut se targuer d’avoir un scénario particulièrement dense. Comme son nom l’indique, nous y découvrons deux passés, celui d’Ashley et celui de D. Beaucoup de souvenirs à assimiler donc, mais toujours bien gérés par le scénario. Si ce remake a revu de fond en comble les graphismes et les énigmes de l’œuvre originale, il n’a pas touché à son histoire. Ainsi, ses 7 chapitres alternent habilement entre Ashley et D pour permettre à chacun d’être équitablement développé. Toutefois, comme il en va parfois pour les romans graphiques, l’intrigue s’alourdit de quelques poncifs. Les retournements de situation apparaissent malhabiles et prévisibles.
Les dialogues, occupant la majeure partie du jeu, sont animés de sorte à conserver un bon dynamisme. Ce, grâce à un agencement sous forme de cases de BD qui n’hésitent pas à se déformer au gré des émotions ou des révélations. Elles permettent de passer outre la linéarité de l’œuvre et l’étroitesse de son environnement, puisqu’elle se déroule en huis clos au sein du manoir. D’autant que ces longues phases de dialogues sont presque entièrement doublées. Ces moyens investis achèvent de donner du volume à ces séquences non jouables. Tout en conférant une meilleure consistance aux personnages, ils permettent de ne pas tomber dans la lassitude engendrée par la lecture à répétition de longs dialogues.
Élémentaire, mon cher D
En qualité de visual novel, Another Code Mémoires Doubles version 2024 met son gameplay en retrait. Ce choix étonne, comme il peut décevoir. En effet, à sa sortie initiale en 2005 sur la DS, cet opus se vendait comme un jeu d’énigmes et de réflexion. Pour ce faire, il mettait à profit toutes les fonctionnalités de la DS pour résoudre ses mystères. De ce portage à la Switch, il ne reste hélas plus grand-chose de cette superbe. Les énigmes particulièrement appauvries se résument souvent à mettre en action les mêmes mécanismes. Les portes du manoir ou des objets, comme un coffre fort, s’ouvriront pour la plupart en trouvant leur code un peu plus loin. Et ainsi de suite, toujours avec une facilité un peu trop déconcertante.
Et les quelques énigmes inventives dispersées çà et là finissent de semer l’incompréhension. Au début, une énigme nous invite à user des fonctions gyroscopiques de la console pour extraire des clés d’un petit labyrinthe. Un peu plus tard, il faudra superposer deux photographies. Enfin, le dernier puzzle exigera de recourir à une fonctionnalité jamais présentée auparavant. En d’autres termes, les énigmes les plus ingénieuses sont présentes une seule fois, sous forme de tutoriel, pour que l’on saisisse de quoi est capable le titre. Mais une fois ce tutoriel passé, plus aucune énigme ne refera appel à ces procédés… En résulte une aventure qui préfère la répétitivité des codes à l’exploitation de ses quelques idées ingénieuses.
Manoir, mon beau manoir
À l’inverse, ce remake se dote d’une direction artistique remarquable. Le bond technologique de la Switch lui permet de revoir de fond en comble ses décors et ses personnages. Dorénavant, Ashley peut parcourir son environnement, avec une caméra en vue à la troisième personne qui la suit de près. Bien qu’elle se meuve un peu rigidement, ce petit défaut de conception ne gênera pas. Pour cause, elle n’effectuera jamais de grands déplacements ou de mouvements requérant une certaine précision. Elle et les autres personnages non jouables revêtent une apparence soignée tout en cell shading et aux couleurs pétillantes. Malgré le manque de détails sur leurs visages ou leurs habits, la troupe prend rapidement vie et attire tout aussi vite la sympathie, comme l’aversion.
Tout ce petit monde s’insère dans des décors intérieurs tirant bien parti des capacités de la Switch. Ces espaces de petite envergure sont propres et leurs aménagements bien modélisés. Il se dégage alors de ce lieu une ambiance chaleureuse, dont les ameublements anciens presque hors du temps se trouvent baignés de la lumière vive perçant les larges fenêtres. Cette atmosphère unique tient aussi à sa bande-son subtile et douce, conférant à ce manoir une étrange aura de sérénité. Un mélange un peu paradoxal, lorsqu’on découvre peu à peu tous les désastres qui ont marqué son histoire…
Des beaux graphismes ou réfléchir, il faut choisir
Another Code Mémoires Doubles 2024 peut se vanter d’être un vrai remake, pour le meilleur comme pour le pire. Revue de fond en comble, sa direction artistique opte désormais pour un cell shading doux aux couleurs reposantes. Elle confère à ce titre une identité singulière et chaleureuse qui rend inoubliable cette excursion sur l’île de Blood Edward. Hélas, le gameplay ne suit pas. Ce remake a préféré s’orienter vers le roman graphique, en mettant donc les bouchées doubles sur ses graphismes et ses dialogues. Et cela n’avait pas l’air compatible avec des énigmes tout aussi prenantes que sur DS. Cet Another Code nouvelle génération laisse alors ses joueurs face à quelques mécanismes à bidouiller et des idées prometteuses jamais vraiment exploitées.
Another Code Mémoires Doubles est sorti le 19 janvier 2024 sur Nintendo Switch. Il est uniquement achetable en lot avec sa suite, Les Portes de la Mémoire, dans la compilation Another Code Recollection.
Avis
Ashley Muzuki Robins nous entraîne sur une île inquiétante dont on n'a qu'une envie, en percer tous les secrets. Si le scénario et la direction artistique du titre flattent, il n'en est pas autant de ses phases de jeu. Les énigmes autrefois intéressantes ont laissé place à des résolutions pataudes de serrures.
- Scénario
- Gameplay
- Durée
- Graphismes
- Bande-son