Lee Miller d’Ellen Kuras est un biopic sur une des figures féminines majeures du XXème siècle. Avec Kate Winslet dans le rôle principal, le film raconte dix années de la vie d’une des plus grandes reporters de guerre.
Lee Miller a tout de la trajectoire professionnelle qui mérite d’être portée sur le grand écran. D’abord mannequin en couverture de Vogue Magazine dans les années 1930, puis muse de Man Ray (artiste surréaliste auprès de qui elle apprend la photographie), c’est la fin de sa relation avec cet artiste qui marque le début de la carrière de Miller comme photographe. En passant de l’autre côté de l’objectif elle aussi devient l’une des premières femmes photographes de guerre. Le genre de carrière qui semble avoir toute sa place au cinéma. Pourtant, Ellen Kuras ne réussit pas avec Lee Miller à saisir la complexité et l’originalité de la vie de la reporter, malgré son casting exceptionnel avec Kate Winslet dans le rôle principal, et ne parvient pas à insuffler une quelconque profondeur au métrage. Le résultat en est un biopic bien trop superficiel avec le genre de scénario qu’on a l’impression d’avoir déjà vu mille fois.

Le début sous la forme d’une entrevue, on connaît… C’est facile de comprendre la direction que va prendre le film. Une bonne partie de ce dont parle une Lee Miller plus âgée nous entraîne dans des flashback qui semblent chercher à ne pas trop choquer. En ce sens, la réalité historique est abordée de manière très scolaire. A commencer par la reproduction presque à l’identique de la célèbre photographie de Lee Miller. On fait ici référence à son autoportrait sur lequel on la voit poser dans la baignoire d’Hitler. Dans la même veine, d’autres détails similaires dans Lee Miller peuvent être relevés. La vraie reporter de guerre a fait partie de ceux qui sont entrés à Dachau à la libération et c’est l’une des première à photographier l’horreur des camps de concentration. Or on ne parvient pas vraiment à comprendre pourquoi ce traitement esthétique passe en arrière-plan et bascule dans une sorte de caricature du pathos. C’est suggéré de manière plutôt brève et on passe assez rapidement à autre chose.
Casting intéressant, personnage inintéressant
Le film Lee Miller ne rate pas une occasion de nous rappeler que sa protagoniste est une femme de caractère qui boit et fume allègrement en écrivant. Lee Miller reste d’ailleurs très fidèle à son mari. Et ce, alors même qu’elle va au front aux côtés de David Sherman (interprété par Andy Samberg). Sur ce point, on sait que Lee Miller entretenait une relation avec son acolyte. Mais la Lee Miller de Kuras ne semble pas vouloir en entendre parler et fait abstraction de toute relation extra-conjugale. Le film se contente donc de faire le portrait d’une femme qui termine par revenir chez son mari pour cuisiner. Et si c’est évidemment tout à fait acceptable, il y a quelque chose qui sonne terriblement faux dans Lee Miller. Ça ne colle tout simplement pas de parler ainsi d’une telle femme.

Kate Winslet, rôle principal, est peut-être la seule à relever l’ensemble du film. La classe de l’actrice et sa beauté sont des atouts parfaits pour ce rôle d’une mannequin devenue photographe de guerre. Et c’est peut-être cette fascination pour son actrice qui pousse Ellen Kuras à lui donner ce qui sent à plein nez le genre de scène pour une nomination aux Oscars. Rien n’est à redire dans le jeu de Winslet, elle reste une grande actrice, mais Lee Miller ne lui rend pas justice. D’ailleurs, le reste du casting est tout aussi exceptionnel, Marion Cotillard, Noémie Merlant, Alexander Skarsgard… On admet sans peine que tous et toutes sont des acteurs talentueux. Mais Lee Miller les montre sous un jour des plus ennuyeux. Aucune de leurs apparitions ne semblent pertinentes et ils font tous plus ou moins office de pot de fleurs sans aucun impact narratif sur la suite du scénario.
Film de guerre dit forcément poussière
Ainsi, l’ouverture du film se fait au milieu de déflagrations et cris. On a assez vite une petite pensée pour Spielberg et la légendaire scène d’ouverture du film Il faut sauver le Soldat Ryan. Mais la ressemblance s’arrête bien vite. Comme tout bon film de guerre, le grain de l’image penche dangereusement vers le gris un peu passé. Un choix esthétique qui permet de rendre compte d’une période marquée par la tragédie. On imagine mal ce genre de film avec la colorimétrie de Baz Lurhman. En bref, dans Lee Miller, tout est terne, dans des tons verts, noirs etc. Rien de bien surprenant donc. Mais parce que l’histoire n’est pas renversante, difficile de trouver du réconfort dans une mise en scène encore une fois trop scolaire.

De manière générale, Lee Miller essaie de montrer la guerre sans la montrer. Peut-être parce qu’il est difficile de passer derrière des chefs d’œuvres du genre, mais il y a tout de même plusieurs manières de filmer un champ de bataille. Et peu importe l’amour qu’on porte à Kate Winslet, il pourrait être judicieux de filmer autre chose que le visage de Lee Miller. Quitte à parler d’un travail aussi marquant que celui de la photographe, autant s’investir à fond et prendre le parti de réellement le montrer. Et pourtant, on ne voit rien. On se permettra même de rajouter qu’on ne voit le visage d’Hitler qu’une seule fois dans tout le film. Ce qui paraît quelque peu absurde lorsqu’on regarde un film sur la seconde guerre mondiale et qui aborde l’holocauste de manière aussi frontale.
En un sens, nombreuses sont les bonnes pistes à être esquissés dans Lee Miller, mais aucune n’est réellement exploitées. Ce qui est bien dommage. Le film d’Ellen Kuras ne parvient pas à s’élever à la cheville de la vie de sa protagoniste et se contente d’être un biopic plutôt médiocre.
Lee Miller sort en DVD, BRD & VOD le 12 février
Avis
Lee Miller est un biopic malheureusement assez médiocre. En étant trop scolaire le film ne parvient pas à nous toucher en tant que spectateur et reste trop en surface de la vie d’une femme aussi singulière que Lee Miller.