Sepideh Farsi s’empare d’un événement historique majeur – le siège d’Abadan durant la guerre Iran-Irak – et en tire un long-métrage d’animation poétique et humain : La Sirène. Une immersion dans un conflit à travers le regard d’Omid, jeune résistant pacifique de 15 ans. Un film en sélection officielle du Festival d’animation d’Annecy 2023.
Pour la première fois, Sepideh Farsi se lance dans la réalisation d’un film d’animation avec La Sirène. Habituée aux prises de vue réelles, elle se tourne vers ce nouveau médium afin de rendre compte le plus fidèlement possible de la vie dans la ville iranienne d’Abadan – aujourd’hui reconstruite – durant le siège iranien, qui dura de novembre 1980 à septembre 1981. Elle signe ainsi une magnifique fiction sur fond historique.
La résistance pacifique d’Omid
Omid a seulement 15 ans lorsque la guerre éclate. Il vit à Abadan, le plus grand port pétrolier du Sud de l’Iran, et décide de rester dans sa ville pour faire face à l’offensive ennemie et soutenir son frère parti au front. Refusant obstinément de prendre les armes, il devient un appui dans sa lutte pacifique pour la population et dresse un regard sans haine sur le monde qui l’entoure.
Malgré la présence continuelle de la guerre et des bombardements répétés, un certain apaisement est palpable dans le film. Le traitement sonore n’y est pas pour rien. Dans de nombreuses scènes, la musique composée par Erik Truffaz prend le pas sur les coups de feu et explosions. Mais il y a surtout le regard rempli de vie d’Omid qui, malgré toutes les horreurs auxquelles il assiste, reste porté par une force de volonté insaisissable.
La représentation d’une culture
La Sirène s’ancre profondément dans les traditions iraniennes. Dès la première scène, on plonge dans cette culture en assistant à une cérémonie sacrificielle. Hommes et femmes portent des vêtements traditionnels, des chants résonnent, accompagnés par le dammam – tambour du sud de l’Iran – dont l’écho se répercutera sur l’ensemble du film. Par la suite, la ville cosmopolite est dépeinte à travers une multitude de personnages aux origines, religions et savoir-faire différents : ancienne chanteuse adulée de tou.te.s, cuistot, prêtres arméniens… tous ces visages défilent et nourrissent le récit.
Dans la création graphique, le choix de subtilisé à la panoplie de couleurs une palette chromatique restreinte “reflète l’idée que les possibilités sont limitées en état de siège”. Trois couleurs prennent ainsi le dessus – le “bleu pétrole marqué, un ocre couleur sable et des rouges très vifs” . Elles renvoient à un environnement particulier et propre à une situation de crise, une ville et un pays. L’esthétique du film se construit comme un reflet de la guerre.
Un reflet de la guerre
La guerre est l’arrière plan constant du film. Elle rappelle sa présence continuellement, et cela même dès le début du film, alors qu’elle n’a pas encore éclaté – des volutes de fumées saturent l’air, le sang coule, l’espace se teint de couleur rouge. Telle une peau dont on ne peut se séparer, elle enveloppe tout et s’insinue dans les moments de joie, rappelant sa force et sa terreur. Les bâtiments explosent, les corps tombent, le sang se déversent des plaies, les sons se multiplient et assourdissent. L’horreur de la guerre est partout, et le neyanban – cornemuse iranienne – le rappellera régulièrement. Son son strident déchire le ciel, telle une sirène.
La sirène est un magnifique film d’animation sur un combat d’une communauté en état de guerre. Un récit porté par un graphisme rendant compte d’une culture et d’une situation de crise.
La Sirène est disponible en DVD et Blu Ray à partir du 17 octobre 2023.
Avis
Sepideh Farsi livre un magnifique film d'animation sur un sujet historique précis : le siège d'Abadan pendant la guerre Iran-Irak. Un long métrage porté par une esthétique visuelle singulière et un traitement sonore qui rendent compte de la guerre et d'une culture traditionnelle. Un cri de révolte en douceur.