Studio Canal propose depuis le 3 août en DVD, Blu-ray et VOD En corps, le dernier film de Cédric Klapisch. Après L’auberge espagnole, Les poupées russes, Casse-tête Chinois ou encore Deux moi, le cinéaste revient avec sa nouvelle comédie franco-belge. Riche en émotion : on y pleure un peu, on y rit beaucoup, mais surtout : on l’aime passionnément.
En corps raconte l’histoire d’Elise (Marion Barbeau), 26 ans, grande danseuse classique. Après s’être blessée pendant un spectacle, elle apprend qu’elle ne pourra plus danser, et sa vie va en être bouleversée. Elise va devoir apprendre à se réparer. Entre Paris et la Bretagne, au gré des rencontres et des expériences, des déceptions et des espoirs, elle va se rapprocher d’une compagnie de danse contemporaine. Cette nouvelle façon de danser va lui permettre de retrouver un nouvel élan et aussi une nouvelle façon de vivre.
Quel film… Épatant… Bouleversant… Cédric Klapisch arrive à nous convaincre, à nous attraper et à ne plus jamais nous lâcher. En corps est une véritable déclaration au monde de la danse (et de toutes formes artistiques de manière plus générale). Il raconte la renaissance d’une danseuse classique au travers de la danse contemporaine, la découverte d’un nouveau monde, pour le personnage comme pour le spectateur.
Je rêvais d’un autre monde
En corps est un long-métrage qui marie les arts entre eux. Dès la séquence d’ouverture, le spectateur découvre Elise qui se prépare à entrer sur scène. Cédric Klapisch oppose alors fiction et réalité. Tandis que les danseuses sont derrière le rideau, baignées dans une lumière bleutée, les spectateurs attendent dans la salle dans une lumière orangée et naturelle. Cédric Klapisch semble alors lier la danse à une forme de fiction, à l’image de classique. Le but pourrait être de s’élever au-delà de la réalité et au-delà de la terre, tandis que les spectateurs sont littéralement ancrés dans le sol, assis sur des sièges, prêt à recevoir une histoire. Celle d’Elise, mais aussi celle de Cédric Klapisch.
Le film semble être une mise en abyme perpétuelle de la création. Un artiste en filme d’autres, les fait rencontrer, et nous montre la beauté de l’échange entre des mondes qui d’apparence n’ont pas de rapport. La notion de contraste semble être une clé dans En corps. La générique d’introduction présente d’ailleurs un plan en slow motion d’un groupe de danseuse de balai… sur une musique de rock, à la limite du métal. L’image, douce et lente, permet de découvrir la légèreté des ballerines, jusqu’à ce que l’image se déforme complètement pour laisser place à des visuels plus expérimentaux, baignés dans une teinte rougeâtre cette-fois. Ce qui est passionnant, c’est que le générique pourrait complètement résumer le fond du film, car il semble installer les codes en quelques minutes, par sa beauté visuelle qui choc, attrape et émeut, avant même que l’intrigue ne démarre.
Entre fiction et réalité
Une véritable force du long-métrage vient de sa sincérité et de ses émotions. Les dialogues sont d’un réalisme sans égal, et les comédiens nous touchent, par leur rires et par leur pleurs. Cédric Klapisch fait rencontrer le septième Art et l’Art scénographique. Les danseurs deviennent des comédiens, et les comédiens deviennent des danseurs. On notera d’ailleurs la présence de Pas de deux, un documentaire de 43 minutes en bonus sur la version physique de l’œuvre.
Le réalisateur raconte sa rencontre avec le chorégraphe Hofesh Shechter et sa troupe de danseurs, mais aussi toute sa démarche de mise en scène. Il complète alors très bien le long-métrage, qui vient ajouter encore plus d’humanité à ce qu’il y a déjà.
Au-delà la de Pas de deux, En corps semble souvent à la limite du documentaire également, venant chercher des instants de vie, des instants de danse, notamment au sein d’une résidence de création. Le film semble également opposer la réalité que serait Paris, et cette résidence en Bretagne. Là où la rigueur demeure à la capitale, on découvre une forme de légèreté en Bretagne. C’est d’ailleurs ici que la réalisation devient moins codifiée, plus libre, que les acteurs prennent vie, et que les personnages renaissent et grandissent.
L’Art comme dialogue
Une autre grande force du long-métrage vient de ses dialogues, à plusieurs degrés de lecture. Tout d’abord, il faudra attendre 15 minutes de film précisément pour entre le premier mot du film : déchirure. Il représente la blessure physique de la danseuse, mais également celle du personnage. Sa réalité est brisée, mais surtout : sa violence contraste encore plus avec le silence que En corps a instauré jusqu’à son premier mot, comme s’il pourrait être le lightmotive du personnage renaissant.
Ce qui est épatant avec Cédric Klapisch, c’est qu’il arrive à manier le dialogue, mais aussi et surtout ses silences. La comédie s’instaure aussi par des payoff sur des informations que certains personnages auront et pas d’autre. Le metteur en scène s’amuse avec les personnages et le spectateur par un jeu de point-de-vu, du dit et du non-dit. Il explore d’ailleurs ces notions de silence avec Elise et sa famille, notamment avec son paternel. Cédric Klapisch arrive alors à traduire avec une justesse impressionnante la distance que peut créer l’incompréhension et donc le silence au sein de son entourage familial lorsque deux mondes sembles trop éloignés, l’Art comme fiction pour certains et réalité pour d’autres… Tout est une question de point-de-vu.
Enfin, quand il n’y a plus de mots, il y a l’Art. En corps raconte le fond des personnages par leur danse, leur mouvement. Une fois encore, Cédric Klapisch filme son personnage et sa danseuse comme personne. Marion Barbeau s’exprime sur scène avec une émotion bouleversante et rend le film encore plus inoubliable. Alors qu’elle incarne son premier rôle au cinéma, on dirait pourtant qu’elle a fait ça toute sa vie. L’actrice impressionne encore plus dans ses scènes de dialogues complexes face à l’expérimenté Denis Podalydès. Encore une fois, Cédric Klapisch n’hésite pas à se faire rencontrer les Arts entre eux, pour en faire des merveilles.
Une tension continue
La force ultime de En corps, c’est sûrement son sujet principal, traité en premier et en arrière-plan au travers de l’œuvre. Le traumatisme d’Elise par sa blessure l’est aussi pour le spectateur. Dès lors, il reste en tête du début à la fin du film. La force de cet élément, c’est que le spectateur aura toujours peur pour son héroïne par la suite. De ce fait, Cédric Klapisch crée un véritable drame et une véritable tension au travers de chaque scène suivante, avec la perpétuelle question de : va-t-elle réussir, ou replonger ?
Il semble également dresser un discours à propos des artistes dans notre société. Tandis que la médecine annonce au personnage la gravité de sa blessure, le risque de non retour à sa passion ; sa famille qui lui dit d’avoir un plan de secours plus ancré dans leur réalité… Le réalisateur les oppose à d’autres artistes, plus proche sa sa réalité à lui. Il nous montre alors que tout est possible, que tandis que les dogmes nous disent de reculer face à la difficulté et au changement, il est possible d’avancer grâce à (et avec) d’autres artistes. Ils nous poussent à avancer, à avancer et à travailler avec rigueur et passion.
Vous l’aurez sans doute compris : En corps est une petite merveille à découvrir ou redécouvrir dès maintenant chez soi, en version physique ou VOD. Il s’adresse à un public très large, notamment grâce à sa forme de comédie. Elle demeure néanmoins une merveilleuse comédie française, légère et à la fois impactante.
En corps est disponible en DVD, Blu-ray et VOD chez Canal Studio.
Avis
En corps est un film qui fait du bien à l'âme et dont on ressort avec beaucoup de force et de joie. Cédric Klapisch raconte la danse et sa rencontre avec l'humain, les artistes et le monde. C'est un délice visuel et dramatique.