Dark Star nous propose de redécouvrir au calme Sibyl de Justine Triet, et il fallait bien ça pour savourer ce drame terriblement sombre et mélancolique.
Sibyl, une psychothérapeute décide de reprendre l’écriture et s’inspire de la vie d’une de ses patientes dont elle devient de plus en plus obsédée. Après la comédie dramatique Victoria, Justine Triet continue de faire de Virginie Efira la personnalisation de ses fantasmes, cette fois dans un drame particulièrement sombre, à la forme aussi clinique que sa narration.
En plein confinement, on en profite pour faire nos devoirs, comme celui d’enfin regarder Sibyl de Justine Triet, et on se dit que devant une telle claque déstabilisante on aurait mieux fait de rattraper notre retard il y a bien longtemps. Terrible drame social, la narration du long-métrage nommé à la Palme d’Or à Cannes évolue au cœur du cadre personnel pour proposer une ambiance et un regard dramatiquement humain. Une peinture difficile à regarder, où la peine et le mal-être de la protagoniste permet à Efira de nous offrir une nouvelle performance magnifique.
Sexualité chronique
Avec une narration post-moderne, aux lignes temporelles floues et imbriquées les unes dans les autres, Sibyl permet d’appréhender le quotidien et le passé de la psychothérapeute jouée par Virginie Efira. Un monde régi par un désir interposé, des pulsions sexuelles incarnées pour apposer au triangle amoureux une descente aux enfers immuable, entre faux semblants, identification et transposition. Une spirale infernale où la sexualité chronique et fusionnelle des protagonistes est également clinique et artificielle, une obligation plus qu’une résultante émotionnelle.
A ce titre chacun des personnages propose une personnification d’une sexualité dégoulinante. De l’ingénue, candide et traumatisée jouée par Adèle Exarchopoulos au mâle bonimenteur campé par un Gaspard Ulliel plus méta que jamais, Virginie Efira joue une Sibyl au regard et à la respiration habités, une épave magnifique et perdue, à la dérive, emprise dans l’identification de sa patiente. Une mise en abime du monde cinématographique qui laisse transparaitre de performances volcaniques, magnifiquement malaisantes.
Pour magnifier ce drame sexuel et cette parabole psychologique des rapports humains, Justine Triet cadre sobrement ses protagonistes à l’aide de lents travelings linéaires où des zooms introspectifs ne perdent aucune miette des enjeux narratifs. Sibyl s’offre une forme post-moderne également synchronisée à sa narration par un montage alterné retors et troublant, d’autant plus que l’absence presque totale de musique finit de peindre une ambiance perturbante alors que des lignes de piano éparses tentent nonchalamment de parfaire ce malaise touchant.
Sibyl est une peinture dramatique du désir humain, à la forme et à la narration saisissantes, une œuvre singulière dont le reflet est pertinemment humain.