Mourir peut attendre est enfin sorti en salles. Après notre critique, l’occasion de faire un bilan plus approfondi sur cet opus qui s’apprête à faire couler beaucoup d’encre et de larmes, et après avoir fait le point sur l’audace de ce vingt-cinquième épisode, on revient sur ses côtés négatifs.
Attention, spoilers.
Mourir peut attendre est le cinquième et dernier opus avec Daniel Craig dans le rôle de James Bond. Et en une quinzaine d’années, après une arrivée très commentée, il est peu dire que l’acteur aura su marquer les esprits dans son interprétation plus humaine et frontale de l’espion le plus célèbre du 7ème art.
Premier acteur à faire dépasser le milliard au box-office d’une franchise historique et très lucrative, Barbara Broccoli et Michael G. Wilson ont donc voulu perpétuer l’audace du jeu de Daniel Craig au détour d’un départ en fanfare, qui devrait diviser beaucoup de spectateurs. Mourir peut attendre se propose en effet comme une audacieuse conclusion pour Daniel Craig comme pour James Bond, hélas non exempte de nombreux défauts, que l’on vous liste ici.
Des seconds-rôles sacrifiés
Mourir peut attendre est encore plus qu’un autre, un épisode central pour James Bond. Celui des adieux à l’acteur et au personnage, qui n’aura hélas de cesse de sacrifier tous les seconds-rôles qui se mettront sur le passage de l’agent double. Car mis à part Madeleine Swann, personnage fondamental dans la réussite du film de Cary Joji Fukunaga, le brillant casting de ce vingt-cinquième opus devra hélas se contenter des miettes.
Et ils sont hélas nombreux, d’Ana de Armas, actrice brillante ici muée en séduisante apprentie de la CIA, qui ne servira que de carte charme. Lysanna Lynch, second couteau aussi charismatique qu’efficace se trouve également malheureusement laissée de côté. Si 007 n’est finalement qu’un matricule, il est dommageable que la prestation d’une femme noire dans le rôle ait fait couler tant d’encre pour si peu de présence et d’intérêt.
N’est pas épargné le MI6, dont on ne creusera jamais la posture d’un Ralph Fiennes confronté à ses erreurs, hélas rapidement appelé à se soumettre au retour de James Bond et à accéder à ses moindres envies. Noémie Harris et Ben Whishaw ne formeront ainsi qu’une pâle équipe à la Mission : Impossible en Miss Moneypenny et Q fatigués de ne jamais pouvoir offrir plus, privés des jouissifs moments de joutes verbaux précédemment vus dans Skyfall.
Un antagoniste raté
L’annonce de Rami Malek dans le rôle de l’antagoniste principal de Mourir peut attendre avait tout pour faire saliver. L’acteur oscarisé pour sa prestation dans le raté Bohemian Rhapsody mis sur orbite grâce à l’excellente Mr. Robot avait ainsi la lourde tâche de succéder à deux poids lourds, Mads Mikkelsen et Javier Bardem, tandis que Mathieu Amalric et Christoph Waltz (ici de retour dans le rôle d’Ernst Stavro Blofeld) n’auront pu relever deux opus très faiblards.
L’acteur, caché derrière un masque où exhibant ses cicatrices, n’est ainsi qu’un faible pantin psychopathe dont la froideur traduit très mal son manque de charisme et de profondeur. Rompu à incarner les antagonistes à l’ambition démesurée de commercialiser mondialement un poison hautement transmissible ne rejoint jamais la folie de ses aînés, d’un froid chuchotement qui jamais ne se fait entendre. Pâle carricature jamais terrifiante mais terriblement générique, Rami Malek échoue ainsi à marquer les esprits dans une prestation qui lui laissait pourtant un sacré terrain de jeu.
Un sérieux manque de rythme
Mourir peut attendre s’est fait attendre et manque sérieusement de rythme. La faute à un scénario qui vise la compilation des motifs inhérents à la saga, et c’est simple tout y passe : la base planquée sur une île, le savant russe, l’arme bactériologique, tout cela sur les anciens décors d’une Guerre Froide désormais révolue. Si sur le papier l’intention que Bond revisite son propre mythe est bonne, celle d’empiler les clichés scénaristiques fait perdre un peu de rythme et de folie à un opus qui visait hélas beaucoup plus haut.
Si Cary Joji Fukunaga parvient à emballer de réels instants de bravoure (la poursuite en Italie, la traque dans la foret et son côté horrifique) les plusieurs couches d’un récit à l’intrigue alambiquée s’empilent au milieu pour se muer en de fatigants ventres mous retirant un peu trop de souffle à l’ensemble.
Dans l’ombre de Skyfall
Connaissant une remontée qualitative tous les deux épisodes, les sommets de Skyfall ne seront cependant pas atteints avec Mourir peut attendre. Même si le box-office mondial semblait attendre James Bond de pied ferme et que l’on peut prédire au film de Cary Joji Fukunaga un beau paquet de billets verts, qualitativement et malgré ses plus folles audaces ce vingt-cinquième opus n’atteint jamais la grandeur du film de Sam Mendes.
Là où Skyfall se proposait comme la relecture magistrale d’une saga qui s’effondrait pour mieux se relever et emmenait Bond tutoyer des sommets de cinéma, Mourir peut attendre relit et innove mais sans la même maestria. Si le vingt-troisième opus paraissait comme une parenthèse apocalyptique sublime, où d’un ciel qui s’effondre jaillissait la lumière, le film de Cary Joji Fukunaga semble plus évertué à appliquer un cahier des charges dont seul l’audace réservée au sort du personnage fait rompre l’imposante entreprise.
Loin de la totale déception, Mourir peut attendre reste néanmoins dans l’ombre de Skyfall, et derrière ses audacieuses directions scénaristiques concernant James Bond, ne se contente malheureusement parfois que d’être une luxueuse et imposante compilation de tous les ingrédients de la saga, qu’il aurait été plus judicieux d’également réinventer.