Mickey 17 sort enfin en salles après une post-production plutôt houleuse. Pourtant ce nouveau métrage signé Bong Joon-ho mérite le détour, et s’articule comme un vrai film de son auteur derrière sa dimension de blockbuster américain. Explications (sous spoilers !) :
Cela fait déjà quelques années que Mickey 17 était en gestation. Adapté du livre Mickey 7 d’Edward Ashton (dont le réalisateur reprend globalement le canevas de base pour mieux l’étendre à sa guise), le récit nous emmène au milieu du XXIIe siècle, alors que la Terre est surpeuplée et en proie aux catastrophes climatiques (on pense notamment à une scène de tempête de sable pas si éloignée d’un certain film de Nolan).
C’est ainsi que nous découvrons Mickey Barnes (Robert Pattinson), un homme fuyant ses dettes après avoir monté un business éphémère de macarons avec son « ami » Timo (un Steven Yeun beaucoup trop rare à l’écran). Alors qu’ils n’ont que quelques jours pour rembourser la pègre avec un argent qu’ils n’ont pas, les 2 losers s’engagent à bord d’une navette spatiale en direction de Niflheim, une planète de glace encore inexplorée censée devenir une colonie humaine.

C’est dans ces circonstances (narrées avec ludisme et clarté dans le premier acte du film) que nous découvrons qu’un chercheur d’origine russe a élaboré avec des collègues une technique de clonage lui permettant de commettre des assassinats tout en ayant toujours un alibi valable (en effet, comment peut-on remettre en cause sa parole si cette personne était bien présente loin du lieu du crime ?). L’usage de « Multiples » fut ainsi prohibé, tandis que l’homme politique déchu Kenneth Marshall (un Mark Ruffalo singeant Trump avec gourmandise) va y voir là une belle opportunité.
Mickey 17 : à la reconquête de l’humain
En effet, cette odyssée spatiale de 4 ans et demi est aussi l’occasion d’un nouveau départ (pour Mickey donc mais aussi pour Kenneth), dans le but de créer un gouvernement totalitaire à sa botte. Rien ne se perd, tout se transforme, et le concept de clonage couplé au processus de sauvegarde de mémoire servira pour les Remplaçables : une main-d’œuvre envoyée faire toutes les sales besognes, et dont on peut se débarrasser à notre guise !
Si un Remplaçable meurt, il est de nouveau réimprimé en 20h en conservant ses souvenirs préalables. Seule sa personnalité varie légèrement ! Bong Joon-ho nous mène donc au cœur de son concept dans tout ce premier acte rondement mené, rythmé par une narration en voix-off épousant les pensées sans filtre du personnage…. alors qu’il meurt successivement selon le bon plaisir de ses maîtres !

Empoisonnement à table, inhalation de particules de virus inconnu, congélation, irradiation stellaire… Mickey est désormais l’esclave de cette Arche de Noé ! Jusqu’à ce que le cœur du film se dévoile au même titre que le carton-titre de Mickey 17 : le 17e clone ne meurt pas dévoré par les Rampants, des espèces de gros cloportes pacifistes faisant office de forme de vie intelligente présents sur Niflheim !
1 + 1 = 1
Revenant sain et sauf dans ses quartiers, il découvre que Mickey 18 (à la personnalité beaucoup plus taciturne que le doux Mickey 17) est déjà là ! Un lutte à mort s’engage, avant que d’un commun accord ils décident d’alterner leur quotidien, notamment avec leur désormais commun envers Nasha Barridge (une Naomi Ackie qui s’amuse comme une folle avec ses 2 Pattinson!).
Le subterfuge sera malheureusement révélé assez rapidement auprès de Kai Katz (une collègue opportuniste campée par une Anamaria Vartolomei cruellement sous-exploitée), alors que Kenneth s’empare d’un spécimen de bébé rampant pour l’étudier. Condamnés à mort, les 2 Mickey sont néanmoins chargés de récupérer 100 queues de rampant (toute une armada s’est assemblée autour du vaisseau, entendant les plaintes du jeune bébé) pour qu’Ylfa (la femme de Kenneth jouée par une Toni Colette bien diabolique) puisse cuisiner de nouvelles sauces.

Via un dispositif de traduction, les Mickey peuvent s’allier à la Reine « de la ruche » face à un Kenneth imbu de sa personne ! Mickey 18 se sacrifie donc avec son harnais explosif tout en emportant le politique avec lui. Mickey 17 se conclue donc via un joli happy ending, alors que Nasha devient la gouvernante élue de leur communauté. Pourtant, Bong Joon-ho livre une scène non-dénuée d’intérêt au sein de cet épilogue, telle une invective extra-diégétique.
En effet, Mickey Barnes fait un cauchemar où Ylfa (normalement suicidée dans sa cellule) a pu se réimprimer elle et son mari, perpétuant ainsi un cycle sans fin de fascisme. Car si Mickey 17 a bien de fâcheuses faiblesses structurelles ou dans l’exploitation de son univers, il n’en reste pas moins un vrai film de son auteur !
Blockbuster US à la Bong
On pense forcément à Okja et sa dimension écolo-friendly (les Rampants partagent même des caractéristiques des cochons du film de 2017), mais surtout la dimension sociale prépondérante dans l’œuvre de Bong Joon-ho ! Plus que les autres noms du cinéma coréen, ce dernier s’est toujours intéressé à la plèbe et aux cols bleus dans leur quête existentielle de survie face au capitalisme (la base de Parasite!).

Mais plus encore, Mickey 17 voit des ponts s’ériger avec The Host (rappelez-vous l’impérialisme américain en début de film imposant un mépris pour la nature et n’ayant que faire des conséquences de leurs expérimentations) et Snowpiercer (la notion de cycle, d’exploitation du peuple et de cycle sans fin y étaient même plus poussés et traités sans filet, avec un final similaire de nouveau départ pour l’humanité).
Fini le fascisme
Même la lutte des classes était tout au centre de Parasite, dont le concept de pauvres endettés exploités au nom du capitalisme est également présent dans Mickey 17. Dommage que son enrobage SF nuit a un univers totalement cohérent (y-a-t-il d’autres Remplaçables que Mickey ?) ou plus exploité passée une très longue exposition faisant quasi office de moyen-métrage (on renverra bien sûr à Starship Troopers ou Moon pour aller plus loin dans ces thématiques déjà abordées).
Mickey 17 est une satire avec tout ce qu’elle implique, et trouve une lecture encore bien contemporaine à l’heure d’affrontements idéologiques de plus en plus prégnants (on pense là encore à Trump, Putin, Mao et autres figures politiques souveraines souhaitant réguler le taux de fécondité tel un démiruge). Pourtant, le parti-pris de Bong Joon-ho est bien clair à l’issue du film : le vivre-ensemble doit triompher de la haine d’autrui !