Cet article est en coopération avec notre critique et vient, en support de celle-ci, étayer la comparaison entre It Takes Two et les précédents jeux apparentés à Hazelight. Pour notre avis complet sur le plus récent jeu du studio, on vous conseillera donc d’aller consulter notre test. On y revient plus largement sur l’ensemble d’It Takes Two, concluant que bien qu’agréable le titre publié par Electronic Art ne décroche pas la lune.
Un certain A Way Out, peut-être même un autre Brothers – du même game director – vous inspire-t-il quelque chose ? C’est justement le sujet du jour, le parallèle entre It Takes Two et les précédentes tentatives du studio en la matière. Dans Brothers : A Tale of Two Sons, on voit déjà les germes de cette coopération chère à Josef Fares, avec ses frères, chacun attribué à un stick. C’est cependant dans le premier jeu réellement signé du nom Hazelight, A Way Out, que l’on comprend la trajectoire toute tracée d’It Takes Two. Un jeu « story driven », façon Uncharted du pauvre, le tout en écran scindé, en local ou bien en ligne, avec logiquement un fort accent coopératif – ou du moins “à deux”.
It Takes Two, c’est paraît-il, le même en mieux, en témoigne la déferlante d’avis dithyrambiques que reçoit le titre, de la presse comme des joueurs. Si on ne voudrait pas bouder notre plaisir – comme le vôtre et celui des développeurs – sur ce qui reste un jeu correct, mieux que correct d’ailleurs, sympathique, on ne lui déroulera pas le même tapis rouge pour autant. On s’attarde sur pourquoi leur dernière tentative de faire du jeu vidéo nous a semblé moins intéressante que leur précédente.
Cet article comprend des spoilers sur A Way Out, Brothers : A Tale of Two Sons et dans une moindre mesure It Takes Two !
Le coeur a ses raisons
Si nous n’oserions pas dire qu’A Way Out est un meilleur jeu qu’It Takes Two, on ne cachera pas néanmoins que l’on y a pris plus de plaisir. Peut-être que l’aventure de 2018 avait le goût des premières fois, allez savoir, mais de retour avec la même proposition 2 ans plus tard notre enthousiasme était plus timide. À emballage différent et nouvelle féérie visuelle, les sensations de fond sont finalement les mêmes, le vernis de la nouveauté en moins.
Surtout qu’on peut bel et bien trouver des points où A Way Out était plus intéressant, déjà – on le dit en restant conscient qu’on parle de jeu vidéo -, la mise en scène du split-screen était largement plus inventive : verticale, horizontale, jeu à tour de rôle, changement de proportion, cinématique dans l’un et jeu dans l’autre. Cette gourmandise du split-screen dans lequel on suivait presque deux histoires, on l’a un poil perdu dans It Takes Two qui ne le fait varier qu’à de très rares occasions, se contentant souvent d’un équitable partage vertical ou d’un seul plan en fonction des besoins.
Cet écueil reste cependant à relativiser puisque cette mise en scène plus en retrait, c’est aussi le prix d’une mise en jeu plus généreuse que son aînée. Il nous retire moins la manette des mains – ou du moins plus subtilement -, pareil niveau QTE, ça c’est largement adouci. Paradoxalement cependant, l’aventure de Cody et May est d’autant plus réussie côté jeu, qu’elle perd sur ce même plan.
A Way Out, c’était le genre de proposition où l’on s’amusait à la lisière, presque aux dépens, où l’on avait l’impression de gratter le moindre bout d‘interaction donné en pâture. Ici, on a perdu cet aspect émergent de l’amusement, que le joueur va chercher, presque inventer sur un jeu qui lui donne peu d’espace. L’incorporation des mini-jeux exprime bien ce changement de paradigme, léger, mais bien perceptible.
Le puissance 4 dans le hall de l’hôpital d’A Way Out, vous pouviez parfaitement le rater. Le titre n’avait pas un compteur de mini-jeux par chapitre, ne tenait pas un tableau des scores. Il y avait simplement là, dans cet espace transitoire de jeu, un puissance 4, le tout sans beaucoup plus d’emphase. Dans It Takes Two les mini-jeux sont des équivalents de collectibles – d’excellents collectibles néanmoins. On gagne en organisation et indexation ce que l’on perd en naturel et en émergence. Si cela se défend, c’est aussi ce qui contribue à encore “lisser” l’expérience. On a l’impression de moins en faire pour dénicher ces sucreries. Ils ne sont plus cet inattendu du périple, mais simplement des points de passages comptabilisés, alors même que dans le fond, leur valeur ludique propre est allée en s’améliorant, seule la façon de les appréhender a évolué.
On s’amusait plus d’A Way Out, de l’on s’amuse avec It Takes Two. On ne peut pas le reprocher au dernier jeu du studio, cependant le constat est bien là. Peut-être A Way Out était-il mieux taillé et mieux rythmé pour justement faire survenir ce genre de fun coopératif unique, qui ne passe pas tant par du “bon” jeu vidéo, mais plus par du partage, le partage de cette expérience qui à défaut d’être un bon moment de jeu vidéo est un bon moment tout court. Comme une expérience sociale plus tangible, “solide” et “matérielle”, que la simple coopération dans l’espace virtuel du jeu. A Way Out est un jeu de “canap”, et l’on n’a pas retrouvé ça dans It Takes Two – pas dans les mêmes proportions du moins.
Absence de climax ludique/émotionnel
S’arrêter là, ce serait cependant oublier la dernière section d’A Way Out, pas son twist scénaristique – c’est loin d’être bien écrit – mais le retournement total de sa dynamique de jeu. C’est le genre de chose qui marque, le genre de bonne idée qui vient illuminer ton game design. A Way Out se finissait sur un long combat entre les deux héros après des heures de coopération. Un climax qui, manette en main, propose quelque chose, nous on aime beaucoup l’idée comme son exécution.
Qu’a It Takes Two à incarner dans son gameplay ? La coopération ? Super, ça nous fait une belle jambe. Qu’a t-il à nous dire de la relation de nos personnages, de la relation de ces joueurs et joueuses par la manette. Là où Brothers portait le poids d’un deuil sur un stick, là où A Way Out trahissait sa coop, quelle est donc l’idée ludico-émotionnelle d’It Takes Two ? Il n’y en a pas vraiment, ou du moins pas d’idée aussi forte que dans les précédents exemples. Le jeu de Hazelight manque de faire passer quelque chose de fort par la manette. Le climax d’It Takes Two, il s’appelle Celeste et a lieu 4 heures avant le bout du tunnel. Il y a quelque chose dans cette escalade à force d’aimant qui traduirait interactivement, des états et des émotions, malheureusement, venu le moment de sa fin, le jeu n’aura rien d’aussi percutant à faire jouer ; comme un éclair de génie sans conséquences et sans poids, un « moment fort » dilué.
Si le deuil et l’absence s’incarnent par une partie morte sur la manette, si la trahison s’incarne par un affrontement qui vient s’opposer à la coopération, comment s’incarne l’amour – ressuscité – dans It Takes Two ?